Si l’on en croit le président ukrainien, le front en faveur de l’exclusion de la Russie du système financier Swift semble se renforcer. Samedi matin, Volodymyr Zelensky annonçait sur Twitter que l’Italie était désormais en faveur de la mesure. Affirmation rapidement confirmée: «Mario Draghi a réaffirmé au président Zelensky que l’Italie soutient et soutiendra pleinement la ligne de l’Union européenne sur les sanctions contre la Russie, y compris celles concernant Swift», selon un communiqué du gouvernement italien.

Peu avant, c’était Chypre qui se rangeait du côté des tenants de l’exclusion, malgré ses liens financiers très importants avec la Russie. C’est du moins ce qu’affirme sur Twitter Dmytro Kuleba, le ministre ukrainien des Affaires étrangères.

Pression sur l’Allemagne et la Hongrie

Jusqu’ici, les Occidentaux n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur une mesure qui couperait les entreprises russes du commerce international. Le président américain Joe Biden la considère comme «une option». Il ne l’a pas décidée jusqu’ici, soulignant que des pays européens s’y opposaient. Ce n’est pas le cas de la France qui y est favorable, tout comme Londres. Mais la position de l’Allemagne n’est pas aussi tranchée. Son ministre des Finances, Christian Lindner, a laissé entendre hier que Berlin pourrait finalement ne pas s’y opposer, contrairement à ce qui avait été dit jusqu’ici. Mais le pays doit aussi en évaluer les conséquences. «Si nous parvenons à cette exclusion, est-ce que cela sera alors l’élément déclencheur qui amènera la Russie à arrêter ses livraisons de gaz parce qu’elles ne pourront plus être payées?», a-t-il demandé.

La Hongrie semble opposée à une telle sanction. Interpellé, toujours sur Twitter, par le président ukrainien, le gouvernement hongrois a démenti avoir bloqué une exclusion. Sur Facebook, Peter Szijjarto, le ministre des Affaires étrangères, a même parlé de «fake news». Sans pour autant annoncer son soutien à la mesure. C’est finalement le premier ministre qui s’en est chargé: samedi, dans l’après-midi, Viktor Orban a affirmé qu’il soutiendrait toutes les mesures contre la Russie et n’en bloquerait aucune.

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Swift est un service messagerie bancaire qui permet de faire des virements internationaux. C’est donc une mesure qui rendrait difficile le commerce des entreprises russes. Son blocage potentiel était une des raisons de la chute des marchés cette semaine, souligne Olivier de Berranger, responsable des investissements de la société de gestion Financière de l’Echiquier. «Plus de 11 000 banques sont connectées à ce système et déconnecter les banques russes pénaliserait l’ensemble du système bancaire», ajoute-t-il.

Sanctions contre Vladimir Poutine

S’ils ne sont pas arrivés à un accord sur Swift, les Occidentaux ont en revanche tous ciblé Vladimir Poutine dans leurs sanctions. Vendredi soir, Joe Biden a annoncé sanctionner le président russe et son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Tous deux sont entre autres interdits de se rendre sur le sol américain. «Il est extrêmement rare pour le Trésor de désigner un chef d’Etat. Le président Poutine rejoint un très petit groupe qui inclut des despotes tels que Kim Jong Un, Alexandre Loukachenko et Bashar al-Assad», a signalé le Trésor américain, en référence à la Corée du Nord, au Bélarus et à la Syrie. Les Etats-Unis ont aussi visé plusieurs banques, un fonds souverain russe et limité les importations et exportations technologies avec la Russie. Plusieurs entreprises, de même que le gouvernement russe, ne pourront plus lever des fonds sur les marchés des capitaux.

L’Union européenne et le Royaume-Uni avaient décidé quelques heures plus tôt d’ajouter les deux responsables russes à leur liste de sanctions, qualifiées comme les «plus dures» jamais prises par l’UE. Cette dernière avait déjà ciblé les membres de la Douma ayant voté en faveur de l’invasion en Ukraine, ainsi que 26 personnalités du monde des affaires.

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Désormais, l’Europe a gelé les avoirs des deux responsables, mais ne les a pas interdits de se déplacer, espérant ainsi garder ouverte l’option des négociations diplomatiques. Les banques de l’UE auront interdiction d’accepter des dépôts de citoyens russes de plus de 100 000 euros et plusieurs entreprises étatiques russes se verront bloquer l’accès aux financements européens.

Critiques contre Berne

Côté suisse, les pressions ont continué à monter pour que Berne s’aligne sur les décisions européennes. Tous les partis, à l’exception de l’UDC, ont demandé à ce que les sanctions soient reprises en intégralité. Vendredi après-midi, la Confédération a décidé de reprendre les sanctions édictées par l’Union européenne contre les personnes et les entreprises proches de l’Etat russe. Ces personnes ne pourront plus entrer en Suisse, ni ouvrir de nouvelles relations bancaires avec des intermédiaires financiers helvétiques. Les relations déjà existantes doivent être annoncées au Seco, mais les actifs ne seront pas gelés. D’où de vives critiques à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Vendredi, plusieurs pays, dont la Pologne, la République tchèque et la Bulgarie, ont annoncé la fermeture de leur espace aérien aux avions commerciaux russes. Londres a également interdit les vols d’avions privés d’oligarques et la compagnie aérienne Aeroflot.

En parallèle, le Conseil de l’Europe a banni la Russie de ses instances. En revanche, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas pu prendre sa résolution déplorant l'«agression» de l’Ukraine en raison du veto de la Russie.