Face à Amazon, Wal-Mart cherche encore la riposte appropriée. Lundi 8 août, le premier distributeur mondial a tenté un coup de poker, avec le rachat de Jet.com, une ambitieuse start-up américaine qui promettait de révolutionner le commerce en ligne. Wal-Mart espère ainsi doper ses ventes sur Internet, qui ont accusé un ralentissement de leur croissance depuis deux ans.

La société de Bentonville, dans l’Arkansas, va dépenser 3,3 milliards de dollars (environ 3,2 milliards de francs), dont 3 milliards de dollars en cash. Une fois mené à son terme, il s’agira de la plus importante acquisition jamais réalisée dans le secteur du e-commerce. «Jet va nous permettre d’accélérer nos progrès», assure son directeur général Doug McMillion.

Géant du commerce aux Etats-Unis, avec plus de 5000 magasins dans tout le pays, Wal-Mart reste encore en retrait sur Internet. L’an passé, son chiffre d’affaires en ligne s’est élevé à 13,7 milliards de dollars. Cela ne représente que 3% de ses recettes. Dans le même temps, le chiffre d’affaires d’Amazon (hors activités dans le cloud computing) a flirté avec la barre des 100 milliards de dollars.

Distancé par Amazon

Plus inquiétant encore pour Wal-Mart: la croissance de ses activités Internet ralentit. En 2015, elle n’a atteint que 12%, contre 22% l’année précédente. Et la tendance se poursuit cette année. Entre février et avril, ses ventes en ligne n’ont progressé que de 7%. Depuis janvier, Amazon affiche une progression de 27% de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis.

Fondée en 2014, Jet a rapidement attiré les investisseurs. Avant même son lancement officiel, la jeune pousse avait levé 220 millions de dollars auprès de prestigieux fonds. Et sa valorisation s’élevait à près de 600 millions de dollars. Des chiffres record, qui reposaient en grande partie sur le CV de son fondateur, Marc Lore. Il y a dix ans, l’entrepreneur avait notamment fondé Diapers.com, un site de vente de couches sur Internet racheté en 2010 par Amazon pour 545 millions de dollars.

Jet se voulait ambitieux. Sa promesse: être 10% à 15% moins cher qu’Amazon. Pour y parvenir, la start-up avait repris à son compte le principe de Costco et des autres magasins-entrepôts, qui comptent plus de 100 millions d’adeptes aux Etats-Unis. En échange d’un abonnement annuel, ils offrent des prix inférieurs. Après des débuts compliqués, Jet avait cependant rapidement changé son fusil d’épaule, optant pour un modèle plus traditionnel, sans abonnement.

Quatre millions de clients

La société revendique désormais près de quatre millions de clients aux Etats-Unis. Elle vise la barre du milliard de dollars de ventes générées sur sa plate-forme cette année. Et ambitionne d’atteindre 20 milliards d’ici à 2020. Mais Jet est aussi déficitaire, dépensant entre 20 et 25 millions de dollars par mois en publicité. Pour financer ses efforts, il lui fallait donc multiplier les levées de fonds. Cette tâche devenait toutefois de plus en plus difficile. «Rejoindre Wal-Mart va nous permettre de réaliser notre vision», assure Marc Lore.

En rachetant Jet, le géant américain poursuit un changement de stratégie. «Cette acquisition, combiné au partenariat en Chine avec JD. com, montre que Walmart aborde le commerce en ligne avec un zèle significatif», estime Charlie O’Shea, analyste chez Moody’s. Jusqu’à récemment, Wal-Mart avait en effet privilégié la rentabilité aux investissements de long-terme, choix opposé à celui d’Amazon.

Pour autant «rattraper Amazon est un objectif irréaliste», assure Charlie O’Shea. Le groupe de Seattle dispose en effet d’une avance considérable. Et il ne se repose pas sur ses lauriers: il continue d’investir, par exemple pour améliorer sa chaîne logistique. Ce week-end, il a dévoilé le premier avion à ses couleurs. Amazon veut bâtir une flotte de 40 appareils afin d’accélérer la livraison de ses colis aux Etats-Unis.

«Mais Wal-Mart a désormais une longueur d’avance sur ses concurrents pour s’assurer la place de numéro 2 sur Internet», poursuit l’analyste de Moody’s. Si Jet devrait conserver son indépendance, plusieurs éléments devraient être intégrés à Wal-Mart. D’abord, sa technologie de «caddie intelligent» qui ajuste automatiquement les prix des articles pour maximiser les économies des clients.

Ensuite, ses relations avec environ 2000 commerçants. Comme l’a déjà fait avec succès Amazon, Wal-Mart souhaite en effet ouvrir son site à d’autres vendeurs, afin d’étendre sa gamme de produits. La société s’assure aussi les services de Marc Lore, qui va prendre la direction de ses activités sur Internet. Elle a négocié une clause qui l’oblige à rester à ce poste pendant plusieurs années.