Comme tous les Américains, le juge fédéral connaît l’état actuel du système bancaire. Et, à moins de disposer du soutien affirmé du gouvernement, il n’était guère enthousiaste à l’idée de lancer une guerre ouverte contre UBS et la Suisse qui pourrait faire de nombreuses victimes collatérales américaines.
Dans sa réponse, communiquée dimanche avant la décision de chercher un accord extrajudiciaire, l’administration Obama continue d’adopter un ton ferme, même si elle semble laisser poindre un certain embarras. Ainsi, elle n’entre pas dans le détail sur sa détermination à faire plier la banque et estime que, à ce stade de la procédure, des indications trop précises sur ses volontés seraient «prématurées». Le fait qu’UBS se trouve aujourd’hui dans une situation difficile «n’est le résultat que de son propre comportement», poursuit le Département de la justice en demandant au juge de faire son travail indépendamment du fait qu’UBS respecte ou non sa décision.
Tout au plus le Département de la justice indique-t-il qu’un refus de collaborer signifierait, à ses yeux, une entorse à l’autre arrangement extrajudiciaire conclu avec UBS, en février dernier. Autrement dit: la porte serait à nouveau ouverte à une inculpation criminelle de la banque, une perspective qu’UBS avait à l’époque réussi à éloigner en acceptant de payer une amende de 780 millions de dollars et en dévoilant les noms de 250 titulaires de comptes.
En réalité, comme le laissait entendre dimanche le Département fédéral de justice et police (DFJP) dans un très bref communiqué, les négociations en vue de la conciliation entre les Etats-Unis et la Suisse sont «déjà entamées». Aussi bien le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz que la conseillère fédérale Doris Leuthard avaient fortement suggéré que la conclusion d’un éventuel arrangement extrajudiciaire serait le meilleur moyen de mettre fin au bras de fer diplomatique qui s’est engagé entre les deux pays par UBS interposée.
Reste à trouver les termes de cet accord. UBS, qui a reconnu la réalité de ses activités illégales sur territoire américain, n’échappera sans doute pas à une forte amende, que certains journaux suisses ont évaluée à 3 ou 4 milliards de dollars. Doris Leuthard elle-même, en visite aux Etats-Unis, avait estimé la semaine dernière que la banque devrait «payer le prix» de sa faute. Toutefois, cette perspective seule pourrait laisser un certain goût d’inachevé des deux côtés de l’Atlantique. Vu de Suisse, alors que la Confédération est venue massivement à l’aide d’UBS, cette issue revient, d’une certaine manière, à faire porter indirectement le prix de cette faute sur les contribuables helvétiques. Quant à l’administration américaine, même si le montant d’une amende pourrait agréablement remplir les coffres du fisc, elle laisserait s’échapper du même coup les détenteurs de comptes non déclarés. Et de ce fait, elle manquerait aussi l’un de ses objectifs majeurs, qui consiste à dissuader les futurs fraudeurs.
Dans la réponse qu’il adressait dimanche au juge Alan Gold, le Département américain de la justice affirme qu’un arrangement devra «nécessairement inclure» l’engagement d’UBS à fournir au fisc des informations sur «un nombre significatif» de titulaires de comptes. La Suisse a refusé jusqu’ici tout ce qui pouvait s’apparenter à une «fishing expedition», c’est-à-dire à une «pêche aux renseignements» tous azimuts qui ne serait motivée par aucun indice concret. La négociation devrait ainsi porter sur la dimension des mailles du filet que les deux parties sont prêtes à accepter.