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Washington octroie un sursis à UBS

UBS et le gouvernement américain demandent le report du procès qui doit débuter lundi à Miami. Les négociations en vue d’un accord extrajudiciaire ont besoin de temps. Le fisc américain entend encore obtenir des renseignements significatifs

Eine Uhr bei der UBS am Zuercher Paradeplatz steht auf fuenf nach zwoelf, am Mittwoch, 25. Februar 2009 in Zuerich. (KEYSTONE/Walter Bieri) === ELECTRONIC IMAGE === — © Keystone
Eine Uhr bei der UBS am Zuercher Paradeplatz steht auf fuenf nach zwoelf, am Mittwoch, 25. Februar 2009 in Zuerich. (KEYSTONE/Walter Bieri) === ELECTRONIC IMAGE === — © Keystone

La justice américaine a du bon. Alors que l’administration Obama d’un côté et UBS et le gouvernement suisse de l’autre s’étaient engagés dans ce qui donnait toutes les allures d’une dangereuse impasse, le juge fédéral Alan Gold devrait accepter de repousser de deux semaines le début des auditions qui doivent commencer ce lundi en Floride. Ce sont les deux parties qui en ont fait conjointement la proposition dimanche. Cette démarche, très courante dans le système américain, leur laisse le temps de négocier un arrangement extrajudiciaire et de sauver la face dans cet affrontement où les positions se sont singulièrement crispées ces derniers jours, au moins publiquement.

Cette issue, qui doit être officialisée par le juge lundi, avait été largement anticipée par les spécialistes et les marchés financiers. Elle a été saluée aussi bien à Berne qu’au sein de la banque suisse, mais elle enlève aussi une épine du pied à l’administration Obama. La Suisse avait publiquement annoncé la semaine dernière qu’elle ferait barrage, en ayant recours à ses attributs d’Etat souverain, aux exigences américaines de connaître les noms des titulaires des 52 000 comptes «américains» de la banque suisse. Du coup, le juge Gold s’était tourné vers le gouvernement américain pour lui demander jusqu’où il était prêt à aller devant une rebuffade suisse. Fallait-il considérer comme envisageable une saisie des biens d’UBS, voire un retrait de sa licence américaine, autant de mesures qui auraient pu compromettre l’avenir des 27 000 postes de travail d’UBS aux Etats-Unis?

Comme tous les Américains, le juge fédéral connaît l’état actuel du système bancaire. Et, à moins de disposer du soutien affirmé du gouvernement, il n’était guère enthousiaste à l’idée de lancer une guerre ouverte contre UBS et la Suisse qui pourrait faire de nombreuses victimes collatérales américaines.

Dans sa réponse, communiquée dimanche avant la décision de chercher un accord extrajudiciaire, l’administration Obama continue d’adopter un ton ferme, même si elle semble laisser poindre un certain embarras. Ainsi, elle n’entre pas dans le détail sur sa détermination à faire plier la banque et estime que, à ce stade de la procédure, des indications trop précises sur ses volontés seraient «prématurées». Le fait qu’UBS se trouve aujourd’hui dans une situation difficile «n’est le résultat que de son propre comportement», poursuit le Département de la justice en demandant au juge de faire son travail indépendamment du fait qu’UBS respecte ou non sa décision.

Tout au plus le Département de la justice indique-t-il qu’un refus de collaborer signifierait, à ses yeux, une entorse à l’autre arrangement extrajudiciaire conclu avec UBS, en février dernier. Autrement dit: la porte serait à nouveau ouverte à une inculpation criminelle de la banque, une perspective qu’UBS avait à l’époque réussi à éloigner en acceptant de payer une amende de 780 millions de dollars et en dévoilant les noms de 250 titulaires de comptes.

En réalité, comme le laissait entendre dimanche le Département fédéral de justice et police (DFJP) dans un très bref communiqué, les négociations en vue de la conciliation entre les Etats-Unis et la Suisse sont «déjà entamées». Aussi bien le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz que la conseillère fédérale Doris Leuthard avaient fortement suggéré que la conclusion d’un éventuel arrangement extrajudiciaire serait le meilleur moyen de mettre fin au bras de fer diplomatique qui s’est engagé entre les deux pays par UBS interposée.

Reste à trouver les termes de cet accord. UBS, qui a reconnu la réalité de ses activités illégales sur territoire américain, n’échappera sans doute pas à une forte amende, que certains journaux suisses ont évaluée à 3 ou 4 milliards de dollars. Doris Leuthard elle-même, en visite aux Etats-Unis, avait estimé la semaine dernière que la banque devrait «payer le prix» de sa faute. Toutefois, cette perspective seule pourrait laisser un certain goût d’inachevé des deux côtés de l’Atlantique. Vu de Suisse, alors que la Confédération est venue massivement à l’aide d’UBS, cette issue revient, d’une certaine manière, à faire porter indirectement le prix de cette faute sur les contribuables helvétiques. Quant à l’administration américaine, même si le montant d’une amende pourrait agréablement remplir les coffres du fisc, elle laisserait s’échapper du même coup les détenteurs de comptes non déclarés. Et de ce fait, elle manquerait aussi l’un de ses objectifs majeurs, qui consiste à dissuader les futurs fraudeurs.

Dans la réponse qu’il adressait dimanche au juge Alan Gold, le Département américain de la justice affirme qu’un arrangement devra «nécessairement inclure» l’engagement d’UBS à fournir au fisc des informations sur «un nombre significatif» de titulaires de comptes. La Suisse a refusé jusqu’ici tout ce qui pouvait s’apparenter à une «fishing expedition», c’est-à-dire à une «pêche aux renseignements» tous azimuts qui ne serait motivée par aucun indice concret. La négociation devrait ainsi porter sur la dimension des mailles du filet que les deux parties sont prêtes à accepter.