Publicité

«Wenger a déjà retrouvé l'équilibre»

Racheté voilà une année par Victorinox, le coutelier delémontain commence à remonter la pente. Entretien avec son nouveau patron.

Un an déjà. Fin avril 2005, Victorinox reprenait son concurrent direct Wenger. Un soulagement pour beaucoup, tant la situation financière du coutelier jurassien paraissait fragile. L'année écoulée a permis à ce dernier, grâce à l'appui de son nouveau propriétaire, de s'offrir une véritable bouffée d'oxygène. Après une restructuration menée tambour battant - et 30 licenciements -, la société delémontaine a atteint l'équilibre à l'aide d'un management complètement remanié. Dernière nomination en date: Peter Hug. Celui qui menait jusqu'alors l'activité montres de Wenger reprend la direction générale du groupe. Entretien.

Le Temps: Que s'est-il passé durant l'année écoulée depuis le rachat de Victorinox?

Peter Hug: Tout d'abord, le financement a été revu et les dettes bancaires ont été réglées. Wenger a ainsi retrouvé des bases financières saines. Cela a permis un retour à une situation normale de confiance, avec les fournisseurs notamment. Du point de vue de la gestion de tous les jours, nous restons indépendants. Seule la vision stratégique a été discutée et décidée ensemble avec Victorinox.

  • En optant pour des positionnements différents des produits?

  • Il faut savoir que Wenger et Victorinox possèdent les mêmes racines, avec les couteaux suisses qui fournissaient l'armée dès le XIXe siècle. Mais aujourd'hui, après avoir évolué parallèlement de longues années, Victorinox se destine davantage vers des objets high-tech (couteaux avec clés USB, lecteur MP3) alors que nous privilégions le high-mech.

  • Qu'entendez-vous par produit high-mech?

  • Il s'agit de proposer des solutions mécaniques pour résoudre les questions pratiques de tous les jours. Par exemple, nous lançons ce mois de mai un nouveau couteau dans notre ligne Evolution, un coupe-ongles de la taille d'un porte-clés, qui cumule d'autres fonctionnalités de manucure. Je suis persuadé qu'il va rencontrer un fort succès dans certains marchés, les commandes ont d'ores et déjà commencé à affluer.

  • La concurrence avec Victorinox s'en trouve-t-elle amoindrie?

  • Elle reste importante et nous souhaitons la maintenir parce qu'elle est stimulante. Mais il est vrai qu'avec ces deux positionnements, la concurrence sera moins frontale.

  • L'année écoulée a-t-elle permis de dégager des synergies importantes entre les deux sites?

  • Au niveau des matières premières, grâce à l'accroissement des volumes, nous avons pu obtenir de bons prix. Nous bénéficions également du financement de la maison mère, qui est plus avantageux que les banques! De plus, nous partageons notre savoir-faire. Si nous avons une panne, nous pouvons nous retourner. Finalement, nous allons installer le système informatique qui a été mis en place à Ibach (SZ).

  • Comment ces améliorations se sont-elles traduites dans les résultats 2005?

  • Depuis septembre, nous avons retrouvé l'équilibre. Les mesures de restructuration engagées ont produit leur effet. Nous fabriquons le même nombre de couteaux (ndlr: environ 25000 par jour) avec moins de personnel. Cela a été possible en rendant les collaborateurs plus flexibles et en regroupant certaines machines.

  • Le démarrage de l'exercice se déroule-t-il comme prévu?

  • Même si nous constatons déjà une augmentation de 3% du chiffre d'affaires sur les premiers mois de l'année, avant le lancement de notre nouveau produit, nous resterons sur une tendance équilibrée en 2006. En effet, même si nous avons réussi à maîtriser les coûts, nous avons également l'intention d'investir.

  • Où souhaitez-vous investir?

  • Nous allons injecter environ 6 millions de francs dans les machines ces trois prochaines années. D'autres fonds seront alloués au développement de nouveaux produits et au marketing.

  • Ainsi, vous renouerez plutôt avec les bénéfices en 2007...

  • C'est exact.

  • Au niveau global, la Chine se fait-elle toujours plus menaçante?

  • Si nous avons constaté une hausse de la demande pour les couteaux d'officier ces derniers mois, c'est vrai que les produits fabriqués en Chine sont désormais des concurrents directs. Et quand on sait que les exportations chinoises sont passées de 5 à 60 millions de pièces en très peu d'années... De plus, nous devons faire face aux contrefaçons, qui se multiplient.

  • La famille Elsener, qui possède Victorinox, a-t-elle tenu ses engagements?

  • Tout à fait. Elle n'intervient pas au niveau opérationnel et nous a octroyé des crédits. Ils estiment la concurrence saine et souhaitent que Wenger continue à avoir des idées. Leur volonté est bien de continuer avec le site de Delémont. Voilà neuf ans que je suis entré dans le groupe et maintenir la production ici constitue également un objectif prioritaire pour moi. Je dirais même plus, je souhaite faire «regrandir» la société.