Non, les chauffeurs Uber ne sont pas des indépendants en Suisse non plus. C’est le Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich qui l’a affirmé: «L’activité d’un conducteur typique, pour laquelle il a utilisé l’application Uber, doit être qualifiée de dépendante», a considéré l’instance dans un jugement prononcé juste avant Noël et dont la Neue Zürcher Zeitung a fait le compte rendu dans son édition de jeudi.

Uber se décrit comme une plateforme mettant en relation des clients et des chauffeurs, qui, eux-mêmes décident seuls quand ils travaillent. Elle estime donc que ces derniers ne peuvent pas être considérés comme des employés, même si cette notion a été contestée dans de nombreux pays. La société californienne, présente en Suisse depuis 2013, considère donc qu’elle n’a pas à leur payer de cotisations sociales ou à compenser des vacances.

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Mais le service des assurances sociales zurichois a vu les choses différemment et a conclu en 2019 que les chauffeurs – en particulier les non-professionnels de la catégorie UberPOP, qui n’existe plus aujourd’hui – devaient être considérés comme des salariés d’une filiale hollandaise d’Uber. Il a ainsi exigé une contribution aux assurances sociales, y compris les intérêts pour arriérés, de 5,2 millions de francs pour l’année 2014, rappelle le quotidien zurichois. 

Relation de subordination

Une décision qu’Uber a contesté, d’où l’intervention du Tribunal des assurances sociales, qui statuait le même jour sur plusieurs autres recours cette fois contre la Suva pour les mêmes raisons. Dans tous ces cas, ce dernier a reconnu que pris individuellement, plusieurs arguments parlent en faveur d’un statut d’indépendant. Mais la cour estime qu’il existe une «relation de subordination marquée» entre les conducteurs et l’entreprise. Les chauffeurs dépendent en grande partie d’Uber, ne prennent que peu de décisions eux-mêmes et aux yeux du public, ils n’agissent ni en leur nom, ni à leur propre compte, interprète le quotidien. Que la catégorie UberPOP n’existe plus n’a pas d’importance pour les juges dont le verdict s’applique aux conducteurs typiques. Leur nombre est estimé à 3200 en Suisse.

Le tribunal n’a en revanche pas déterminé si les conducteurs étaient salariés d’Uber Suisse ou de la filiale hollandaise. Il a également renvoyé le service des assurances sociales à ses calculs, jugeant le montant de 5,2 millions mal documenté. Cité par la NZZ, un porte-parole d’Uber a souligné que la «décision ignore le fait qu’une majorité de chauffeurs veulent rester indépendants». L’entreprise va faire recours.

Plusieurs procédures en cours

C’est une autre bataille juridique que perd Uber en Suisse, après celle de 2020 à Genève concernant son service de livraison de repas, Uber Eats. Dans ce canton, les livreurs doivent être considérés comme des salariés et être soumis au salaire minimum. Une décision, assure la multinationale, qui a eu des effets négatifs, dont «une réduction à hauteur de 30% des commandes pour les restaurants en seulement trois semaines». Après cette décision, comme après plusieurs autres concernant des chauffeurs, Uber a fait recours devant le Tribunal fédéral.

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Dans un communiqué diffusé jeudi en fin de journée, Unia a salué la décision du Tribunal des assurances sociales de Zurich qui cette décision qui «a valeur de signal pour l’ensemble de l’économie de plateforme». D'après les calculs du syndicat, «Uber doit plusieurs centaines de millions de francs à ses milliers de chauffeurs et chauffeuses en Suisse pour la période de 2013 à 2021».