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De la biodiversité en ville oui, mais locale

Souvent sous-estimée, la biodiversité urbaine est mise à l’honneur durant l’exposition «Villes sauvages». Le public y est réceptif, mais attention à planter local

Une nature urbaine plus riche qu’il n’y paraît.  — © Paolo Battiston pour le Temps
Une nature urbaine plus riche qu’il n’y paraît.  — © Paolo Battiston pour le Temps

Sortez vos râteaux, plantez le liseron des champs et faites un lit douillet pour les limaces: hérissons, renards et écureuils roux sont prêts à défiler. Qualité des sols, de l’eau et bienfaits sur la santé humaine, les végétaux urbains ont une importance qui n’est plus à démontrer. La végétalisation des villes de Suisse romande connaît par ailleurs un certain engouement depuis plusieurs années, mais attention: «Planter pour embellir plutôt que pour favoriser la biodiversité locale, ou indigène, reste néanmoins commune mesure, aussi bien chez les privés qu’au sein de certaines municipalités», regrette Joëlle Magnin-Gonze, conservatrice au Musée et jardins botaniques cantonaux à Lausanne.

Des réseaux routiers aux réseaux écologiques

L’exposition «Villes sauvages», visible dans cet établissement et à Pont de Nant de mai à octobre cette année, met en avant l’importance de la nature en ville et les astuces pour l’entretenir. Elle retrace notamment l’histoire des espaces verts dans la région romande, qui, au fil des siècles ont peu à peu cédé du terrain à l’homme, surtout depuis la Révolution industrielle.

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Durant le XXe siècle, l’homme a tenté de privilégier les espaces verts dans les villes, dans l’optique de favoriser le bien-être de la population. Si, à cette époque, la nature en ville a pour vocation d’embellir les constructions et non pas de protéger la flore et la faune locale, cet urbanisme va tout de même permettre aux villes d’accueillir une certaine biodiversité végétale et animale. Car il ne faut pas l’oublier, «amenez des végétaux, et les animaux suivront», s’enthousiasme Joëlle Magnin-Gonze. «Ne vous débarrassez pas des limaces qui peuplent votre jardin, les hérissons s’en chargeront.»

Vers la fin du XXe siècle, l’urbanisme écologique, privilégiant la biodiversité locale, pointe le bout de son nez. En 1999, Neuchâtel a, par exemple, lancé un plan d’action baptisé «Nature en Ville», revisité en 2014. Aujourd’hui, la plupart des villes romandes s’y mettent, à l’image de Lausanne ou Genève, et tentent de favoriser la végétalisation urbaine.

La biodiversité en ville

Souvent sous-estimée, la diversité biologique d’une grande ville est souvent supérieure à celle des paysages intensivement cultivés qui l’entourent. La ville de Lausanne, par exemple, abrite à elle seule plus d’un tiers des espèces de la flore suisse, selon des statistiques de l’Etat de Vaud. «Il est donc primordial d’entretenir la biodiversité urbaine», ajoute la biologiste.

Des corridors biologiques, tels que la forêt du Jorat qui s’étend presque jusqu’au centre de Lausanne, sont mis en place, l’idée étant «de fournir un accès d’entrée – et de sortie – à la flore et la faune en ville», explique Joëlle Magnin-Gonze. «Depuis de nombreuses années, la population a développé une conscience écologique, mais bien souvent, elle fait encore de mauvais choix quant aux espèces à privilégier. Vert doit rimer avec divers!» Et inutile de préciser que divers ne rime pas avec exotique, c’est bien la biodiversité locale qu’il faut préserver. Les recommandations sont claires: chélidoine, giroflée des murailles et coquelicots, sans oublier troènes et aubépines, devraient habiller nos cités.

«Qu’on tapisse notre jardin d’une moquette synthétique ou d’une pelouse monotone, il n’y a pas beaucoup de différences pour les insectes»

Raphaël Arlettaz

Privilégier le vert à fleurs locales

Privilégier les variétés végétales indigènes, adaptées à la région, permet de stabiliser l’écosystème, qui repose sur les interactions et l’interdépendance entre les espèces. «Il y a au moins 800 espèces d’insectes pollinisateurs en Suisse (et pas que l’abeille domestique), qui se chargent de féconder certaines de nos cultures, il faut les préserver en plantant des plantes à fleurs locales. Qu’on tapisse notre jardin d’une moquette synthétique ou d’une pelouse monotone, il n’y a pas beaucoup de différences pour les insectes», explique Raphaël Arlettaz, professeur à l’Université de Berne.

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La biodiversité est essentielle pour la stabilité et l’adaptabilité des écosystèmes face aux modifications des conditions environnementales. Permettant le maintien d’un sol fertile pour la production alimentaire, la régulation des ravageurs ou la pollinisation des cultures, son intérêt ne se limite néanmoins pas à l’écologie mais s’étend à l’économie.

A l’initiative

Avec internet, les smartphones et les applications mobiles, les citoyens ont désormais la possibilité de s’occuper de la nature en ville, en témoignent diverses expériences, telles que DansMaRue ou Guerrilla Gardening. Ces sites internet permettent notamment d’entreprendre des actions sur des espaces délaissés, au profit d’une émergence végétale, dans les rues de Paris ou de Londres. Si vous êtes un citoyen écoresponsable, essayez l’application suisse romande, Greenastic, qui permet de déterminer quelles plantes sont le mieux adaptées en fonction de la région dans laquelle vous vous trouvez.

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