Mercredi 2 septembre 2020 à 18:00
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Les preuves scientifiques sont là. L’effet de serre associé à la présence dans l’atmosphère de CO2, qui absorbe une partie du rayonnement infrarouge émis par la surface de la Terre et agit ainsi comme une sorte de couverture, est connu depuis une centaine d’années. En raison de nos émissions de ce gaz à effet de serre, nous vivons dans un monde plus chaud de 1°C en moyenne par rapport à ce qu’il devrait être normalement.

Si l’Accord de Paris prévoit de limiter le réchauffement bien en-dessous de 2°C, le monde n'en prend pas le chemin. A +2°C, il y aurait encore plus d’événements extrêmes comme des canicules, précipitations intenses et sécheresses. Certains seuils critiques seraient dépassés, entraînant des dommages irréversibles pour les récifs coralliens, mais aussi une augmentation drastique du niveau de la mer et de la fonte des glaciers.

Pour en parler, nous avons échangé avec Océane Dayer. Fondatrice de Swiss Youth for Climate, la Suissesse travaille pour le WWF à Zurich et a participé aux marches avec des milliers d’autres jeunes contre le réchauffement climatique. Si elle pointe son pays, qui ne serait pas aussi exemplaire que cela, elle dénonce surtout notre société qui traverse selon elle une véritable crise de sens. Elle en a discuté lors d’une conférence vidéo animée par Pascaline Minet, biologiste et responsable de la rubrique «Sciences et Environnement» du quotidien «Le Temps».

  1. Question posée par Scientifique inquiet :
    La quasi-totalité des projections du GIEC nous permettant de limiter le réchauffement à +1,5° prévoit une hausse mondiale de la production nucléaire en parallèle des ENR. Pour ce sujet «clivant», comme pour d'autres (notamment les OGM) ou d'éventuels atouts sur le plan climatique entrent en opposition avec les «dogmes historiques écolos», faites-vous l'effort d'honnêteté intellectuelle de vous renseigner de manière scientifique sur ces sujets pointus qui ont historiquement «mauvaise presse» auprès d'un grand public peu informé?
    Réponse donnée par Océane Dayer le 31.08.2020 à 21:28

    J'espère faire preuve d'honnêteté intellectuelle! Cela dit, le nucléaire pose de nombreux autres problèmes que le changement climatique, notamment autour des déchets nucléaires. Par ailleurs, il n'est économiquement plus viable. Aujourd'hui nous savons très bien faire du 100% renouvelable.


  2. Question posée par Jérôme :
    Avez-vous rencontré Greta Thunberg? Elle a subi énormément de critiques, de haine même. Elle n'a que 17 ans. Comment analysez-vous son évolution et le mouvement qu'elle a lancé autour de la grève d'école pour le climat?
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:08

    Non, je ne l’ai pas rencontré, je suis nettement plus âgée qu’elle! C’est terrible la haine et les attaques qu’elle continue de recevoir. Si les attaques sont aussi fortes, c’est aussi, malheureusement qu’on a touché juste. C’est quelqu’un qui parle très bien, au coeur des gens. La vérité peut parfois faire du mal. Il y a aussi des industries qui ont beaucoup à perdre, si elles ne se réinventent pas. Elles s’accrochent par tous les moyens à un vieux monde. Elles utiliseront tous les moyens pour stopper ce changement, notamment par la diffamation.


  3. Question posée par Nathalie :
    Est-on en train d'assister à un réel conflit de génération?
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:12

    Je ne suis pas vraiment convaincue par cette affirmation souvent entendue. Le changement, ou le progrès social ou environnemental, ne passe pas forcément par les nouvelles générations. A mon avis, il serait profitable de se rassembler entres toutes les générations, pour avancer ensemble, pour défendre une cause commune.


  4. Question posée par Lionel :
    De nombreux pays se sont engagés, via l’Accord de Paris sur le climat à réduire les émissions de dioxyde de carbone et limiter le réchauffement climatique à 2°C au maximum d’ici à la fin du siècle. Où en est-on aujourd'hui? Cet objectif sera-t-il vraiment atteint? Ce texte est-il réellement contraignant? Que se passe-t-il si un pays ne respecte pas ses engagements?
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:19

    Chaque pays fait ses déclarations et il doit s’y tenir. Si un pays fait un engagement misérable qui ne mène à rien, il ne se passe rien. Et s’il ne respecte pas son engagement, il ne se passe rien aussi. La force de cet accord, c’est surtout la force du groupe, le fait d’avoir une politique cohérente. Je suis convaincue que l’Europe, en tant que Continent pourrait mener la barque en matière sur les questions climatiques. Elle doit s’imposer, prendre sa place. 

    Où nous en sommes aujourd’hui? Pas bien loin... Les promesses réalisées ne suffisent pas du tout à respecter de limiter le réchauffement climatique à 2°C, et même 1,5°C.


  5. Question posée par Malorie :
    Dans les milieux écologistes, il y a de vifs débats autour de la consommation de la viande. Certains disent qu'il n'est pas possible d'être réellement écolo et d'en consommer. D'autres préfèrent continuer, en la limitant. On voit aussi ce même type de débat autour da la procréation, les mouvements ChildFree notamment...
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:27

    Ce qui est très clair: nous mangeons trop de viande, tant pour la santé de notre planète que la nôtre. Manger moins de viande est absolument nécessaire. Après, lorsque nous prenons un pays comme la Suisse, qui a beaucoup de montagnes ou de prairie, cela a du sens de produire de la viande, dans des quantités limités. Pour moi, on peut manger un peu de viande, tout en restant écolo. 

    Mais c'est juste mon avis. Concernant la question de la procréation, je n'ai pas de jugement ou d'opinion sur ce que devraient faire les gens. J'ai juste un peu de mal sur les questions autour des femmes. On a souvent tendance à ne pas très bien supporter quand une femme ne veut pas avoir d'enfant(s). En 2020, on peut tout à fait être une femme qui ne souhaite pas être mère. On est dans le ressort de l'intime, tout est justifiable.


  6. Question posée par Vince :
    La crise climatique n'est qu'une partie du problème... L’issue principale est la canibalisation de la planète par l'homosapiens, et donc l'extermination de toutes les autres espèces...
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:34

    Si on continue comme ça, c’est clair, on va perdre plus d’un million d’espèces. Des espèces qui sont essentielles pour le fonctionnement de notre écosystème. Je n’ai pas forcément envie de tenir un discours ésotérique, mais il faut repenser la Nature, et nous-mêmes comme étant une part de la Nature, en nous rendant plus compte des services qu’elle nous rend. Et non continuer d'affirmer que nous devons la maitriser.


  7. Question posée par Sophie :
    Nous sommes un petit pays, même si nous devenions tous écolo, à l'échelle mondiale nos efforts ne seraient-ils franchement pas inutiles quand on voit des pays comme les USA, où les populations polluent énormément? Plusieurs peuples oui, mais une seule planète.
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:45

    Je suis absolument convaincue du contraire. Partout il faut faire des efforts, il est important d'être les premiers dans cette course qui est aussi technologique. Je souhaite aussi évoquer la force de l'Europe. 

    Certains pays ont individuellement des objectifs plus ambitieux que ceux de la Suisse. Elle a un rôle très fort à jouer entre ceux qui ne veulent rien faire et ceux qui ne peuvent rien faire et qu'il faut aider. Notre pays peut avoir un rôle modèle, nous avons beaucoup d'entreprises multinationales et toute la place financière. Elles ont un impact majeur sur le monde.


  8. Question posée par Lara :
    La Suisse possède plusieurs grosses entreprises qui polluent. Je n'invente rien, et c'est évidemment le cas partout dans le monde. Faut-il envisager de sacrifier certaines branches? Dans le transport aérien par exemple, le secteur énergétique et/ou chimique par exemple.
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:47

    Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de sacrifier des branches, le secteur économique a surtout besoin d'un cadre très clair. Ceci pour pousser les entreprises à faire les bons investissements pour l'avenir. Si nous avons le courage politique de légiférer, je pense que le secteur économique a tout à fait les capacités pour se réinventer.


  9. Question posée par Engagé politique :
    Bonjour, pensez-vous que le système politique actuel est assez réactif pour agir avant qu'il ne soit pas trop tard? Si non, pensez-vous que la désobéissance civile est un outil de pression utile?
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:50

    Je ne crois pas que dans un système autoritaire, nous avancions mieux sur ces questions là. D'ailleurs, dans le monde, ces systèmes sont loins d'être très écologistes...

    Je comprends tout à fait que la politique est très lente, mais je pense que le problème réside beaucoup plus dans la volonté politique, notamment les élus, d'avancer rapidement. Ce n'est pas que le système qui soit le problème. Il faut surtout élire des personnes qui ont l'intérêt et la conviction d'aller plus rapidement sur ces questions là, qui sont effectivement urgentes. Concernant les mouvements de désobéissance civile, tout le monde a un rôle à jouer. Et de nombreux instruments existent.


  10. Question posée par Maika :
    Comment rêvez-vous le monde de demain?
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:52

    Le monde de demain, je l'imagine durable et juste. Avec plus de compassion et d'amour. Pour cela, je suis convaincue qu'il va falloir prendre plus de temps pour soi, pour réaliser nos actions avec les autres, la nature. C'est un petit peu niais, je vous l'accorde, mais cela nous amènerait loin.


  11. Question posée par Eric :
    Est-il trop tard pour agir?
    Réponse donnée par Océane Dayer à 18:55

    Je suis résolument optimiste. Je vois un but, un espoir, dans toutes les activités que je fais au quotidien, pour la planète. Je suis convaincue que si on réalise ce qui se passe, on se réveille, nous y arriverons.