Événement
Comment anticiper la prochaine crise pour en ressortir gagnant? Didier Maurin, spécialiste en investissement et président de Katleya Gestion, a participé à une conférence animée par le journaliste Emmanuel Garessus avant de répondre à vos questions. Découvrez le compte-rendu de cet événement

Tôt ou tard, une nouvelle crise internationale se produira, avec une monnaie comme le dollar qui sera attaquée à la baisse par les marchés financiers. Elle devrait d'ailleurs se révéler sévère car le surendettement n’est plus limité, comme en 2008, à l’immobilier, mais concerne les Etats eux-mêmes. Et si les politiques monétaires aident à financer ces derniers, ce fonctionnement est dangereux, car l’inflation est de retour. La planche à billets est un instrument qui soutient les marchés financiers, mais l’illusion monétaire est passagère.
Dès lors, comment anticiper la prochaine crise et bien investir pour en ressortir gagnant?
Pour en discuter, nous avons organisé une discussion en ligne avec Didier Maurin, président de Katleya Gestion. Cette société de conseil financier basée à Genève est spécialisée dans le conseil en investissement financier, notamment orienté en immobilier international, vignobles, forêts, maisons de retraite médicalisées et private equity (capital-investissement). Cet événement était animé par Emmanuel Garessus, journaliste spécialisée en économique pour Le Temps.
Partie I / Entretien entre Didier Maurin et Emmanuel Garessus
Vous avez 35 ans de métier dans la finance. Comment avez-vous traversé les différentes crises?
Didier Maurin: Je me suis rendu compte qu'en disposant d'un portefeuille d'actifs sécurisés, notamment des actifs immobiliers générant des rendements, on ne s'en sort pas trop mal lorsque subviennent les grosses crises financières. Nous continuons à encaisser des revenus, quoi qu'il arrive. Cette stratégie est d'autant plus viable qu'on sait très bien qu'une prochaine crise va arriver.
Qu’est-ce qui fait la spécificité de Katleya Gestion, société de conseil financier que vous présidez?
Nous nous sommes orientés sur l’immobilier international. Nous aimons investir dans des actifs sûrs, qui génèrent des rendements. Nous n'espérons pas 60 à 80% de rendements, comme avec la bourse ou le bitcoin. Nous sommes plutôt sur de l’investissement locatif, des parkings, des forêts, du vignoble ou encore des maisons de retraite médicalisées. Nous investissons aussi sur le «private equity», c’est-à-dire sur des sociétés non cotées qui représentent pour nous l’avenir: intelligence artificielle, robotique, cybernétique, biotechnologies, etc.
Mais pourquoi croyez-vous tant à l'arrivée d'une prochaine crise?
Nos Etats se sont surendettés par milliers de milliards pendant la crise pandémique. Il a même fallu que leurs banquiers, les gouverneurs des banques centrales, interviennent, car eux-mêmes n'arrivaient plus à payer les intérêts des dettes. Et ensuite est arrivé le plus comique: ils ont décidé de faire marcher la fameuse planche à billets par milliers de milliards de dollars.
Et donc, que faut-il donc faire pour faire face à ce choc que vous annoncez?
Il faut se préparer à cette prochaine crise. Nous allons nous retrouver dans une situation où les marchés financiers vont estimer qu'un euro, un dollar, une livre sterling ou encore un yen, n'a pas du tout la valeur qui est sienne aujourd'hui. Pour faire simple, que les banques centrales ont trop imprimées. Et un beau jour, un marché financier va attaquer ces monnaies à la baisse. A ce moment-là, on va vivre un véritable effet domino qui provoquera un effet de dévaluation sur les monnaies. Il faudra être très fort pour résister.
Mais le système économique tient toujours le choc, non?
On se demande en effet comment le système n'a pas encore implosé. C'est généralement le cas lorsque des Etats atteignent des niveaux d'endettement aussi hauts qu'aujourd'hui, qu'ils n'arrivent plus à payer les intérêts de leurs dettes, et qu'en plus, les banques centrales impriment des milliers de milliards pour remettre de l'argent dans l'économie. Je ne suis pas en train de vous parler de fin du monde, je dis simplement que la situation actuelle n'est pas logique. Quand la correction va avoir lieu, cela faire mal.
Des signaux techniques existent pour anticiper de tels événements. Pour autant, le principe d'une crise est qu'elle reste inattendue. Comment se protéger?
L'immobilier est un investissement très protecteur contre l'inflation et les dévaluations. Nous conseillons aussi d'investir dans les forêts, les vignobles ou encore les maisons de retraite médicalisées. Ces actifs dégagent de bons rendements. Ils ont aussi tendance à se réévaluer de la valeur de l'inflation et des dévaluations monétaires.
C'est ce que vous proposez à vos clients?
J'ai souvent des personnes qui viennent me voir en me montrant l'étendue de leur portefeuille boursier. Je leur propose de se désengager en investissant sur des actifs sûrs. Pourquoi? Les marchés sont actuellement trop hauts, il faut donc attendre la prochaine crise. Quand ce sera le cas, les valeurs boursières vont fortement chuter, et là, ce sera le bon moment pour acheter.
Vous parlez d'investir dans des vignobles...
Nous proposons de devenir copropriétaire de vignobles, notamment dans les premiers crus et les grands crus. C'est très facile de le faire aujourd'hui. D'ailleurs, on commence à vivre une pénurie de vin dans le monde, provoquant une hausse des prix. Certains pays, comme la France, disposent d'une fiscalité très lourde. Lorsqu'il arrive la question de la succession pour les propriétaires, il est parfois nécessaire pour eux de devoir vendre une partie de leurs biens pour pouvoir les transmettre à leurs enfants. Notre but est de leur apporter les liquidités qu'ils ont besoin, de bénéficier d'une part de leur domaine et de sa production, et de leur revendre un jour les parts achetées en encaissant une plus-value. Tant sur les vignobles que sur les forêts, nous sommes sur des durées moyennes d'engagement comprises entre 12 et 15 ans.
Partie II / Questions des internautes
Le dollar est-il en danger? (Philippe)
Le dollar constitue une très belle cible pour les marchés. Mais l'euro, le yen ou encore la livre sterling sont aussi attaquables. Je ne vois pas le franc suisse l'être, il reste une valeur refuge. Si la BNS ne faisait pas le nécessaire pour le contrôler, sa valeur s'envolerait.
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L'investissement durable est-il un domaine intéressant aujourd'hui? (Claude)
Bien sûr, notamment autour du «private equity». Vous pouvez par exemple investir dans une holding internationale qui, justement, va prendre des participations dans des entreprises qui développent des projets autour des énergies renouvelables. Ces secteurs de production génèrent des rendements intéressants.
Pourquoi ne pas réformer le système financier international et ainsi éviter ses excès? (Laura)
Les banques centrales essayent de remonter un peu les taux. Elles surveillent de très près ces marchés boursiers, car si demain, nous assistons à une nouvelle baisse, les gouvernements et les banques centrales vont être déstabilisées.
En Chine, le géant immobilier Evergrande pourrait se retrouver en cessation de paiement. Quels sont les risques? (Hervé)
C'est le cas typique de l'entreprise qui pourrait déclencher une nouvelle crise mondiale. Ce qui nous a beaucoup frappés avec ce cas, c'est la panique réelle du gouvernement chinois. Pourquoi? Car derrière Evergrande, vous avez en réalité de très nombreuses autres entreprises qui ont le même problème en Chine. Ce phénomène peut dégénérer.
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Recommandez-vous d’investir dans les cryptomonnaies? (Joan)
Personnellement, j'y crois tout à fait. Ce qui m'ennuie par contre aujourd'hui, c'est leur volatilité. On n'est pas sur de l'investissement sécurisant, mais sur de l'investissement spéculatif. Mais cela va changer. Lorsque vous aurez une cryptomonnaie émise par Amazon, avec une entreprise aussi forte, qui pourra garantir sa volatilité, et avec laquelle vous pourrez faire vos courses, cela changera tout. L'avenir monétaire est entre les mains des multinationales.
Faut-il encore miser sur les grandes valeurs technologiques? (Sarah)
Vous pouvez très facilement trouver de très belles multinationales. On peut parler de Tesla, d'Amazon, d'Apple, de Google, etc. Elles sont de très belles valeurs. Par contre, elles sont cotées en bourse, et j'observe une surévaluation des marchés boursiers à l'heure actuelle. Donc, le risque est réel.
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Vous proposez d'investir dans l'immobilier. Mais où le faire? (Bernard)
Les opportunités immobilières sont présentes dans les pays émergents. Plusieurs se trouvent en Asie ou encore en Amérique latine. Les Etats-Unis restent encore intéressants, de même que l'Europe. Je recommande toujours de miser sur une portefeuille très diversifié au niveau géographique. L'Afrique pourra être une zone intéressante où investir dans les années à venir. Pour l'heure, il y a peu d'investissements réalisés sur ce continent.
Avec le développement du télétravail, l'investissement dans les villes, c'est terminé? (Lionel)
Il y a une vraie évolution du marché immobilier. Prenez la Défense à Paris, de nombreux bureaux se transforment en zones d'habitations. La crise pandémique change la donne mais investir dans les centres-villes restera dans tous les cas toujours un très bon investissement. La demande existe.