Jeudi 28 octobre 2021 à 16:30
Lausanne

Le patient semble être le grand oublié de notre système de santé. Alors qu'il devrait être au centre des préoccupations, ce sont le plus souvent les médecins, les caisses maladie, les pharmas ou encore les responsables politiques qui occupent le devant de la scène. 

Plus encore que dans d’autres domaines, la crise du Covid-19 a révélé les failles hospitalières et l’insuffisance des soins de proximité comme de la prise en charge à domicile. Elle pousse à s’interroger sur le rapport entre le médecin et ses patients. Elle met en exergue l’importance de la prévention qui reste pourtant le parent pauvre des politiques sanitaires. Enfin, vingt-cinq ans après son entrée en vigueur, la LAMal mérite qu’on la passe au scanner. Offre-t-elle un accès optimal et équitable aux soins? Les coûts sont-ils en adéquation avec la qualité offerte? Le patient est-il traité en partenaire? Ou continue-t-on de l’infantiliser? 

Organisée par Le Temps et Heidi.news, cette quatrième édition du Forum Santé visait à débattre avec des professionnels, mais aussi avec des patients dont les témoignages et les réflexions occuperont une place centrale. Celui-ci a été rendu possible grâce au soutien de santésuisse, la Clinique de La Source, la Fondation Leenaards et l'Université de Lausanne (UNIL).

1 - Donner la voix à la population

Dans le cadre de son initiative «Santé intégrative & société», la Fondation Leenaards a lancé une enquête auprès de 3000 personnes afin de mieux comprendre leurs attentes vis-à-vis du système de santé. Son instigatrice, Brigitte Rorive, membre du conseil de la Fondation Leenaard et présidente de l’Hôpital Riviera-Chablais, est venue présenter les résultats.

Brigitte Rorive: «Notre objectif a été de comprendre ce que souhaite concrètement la population en matière de santé intégrative. Ce type de médecine vise à allier les vertus des thérapies conventionnelles et non conventionnelles. Notre enquête a connu deux phases. La première qualitative, avec 32 entretiens individuels et en groupe. La deuxième quantitative, avec 888 formulaires reçus exploitables. Nos conclusions: la population a un recours de plus en plus important aux médecines complémentaires. Elle souhaite une meilleure intégration des deux approches de soins. Elle souhaite conserver le droit de choisir librement son professionnel et son approche. Elle est satisfaite des soins reçus (conventionnels et complémentaires). Le patient souhaite avoir plus de collaboration avec son médecin et bénéficier d’une vision globale de sa personne. Les coûts sont le principal frein à une bonne prise en charge. D’ailleurs, 26% des répondants renoncent à des soins. Enfin, 43% des interrogés montrent de l’intérêt pour des "laboratoires citoyens", dans le but de faire progresser le système de santé suisse.»

A lire: Des «laboratoires citoyens» pour faire progresser le système de santé

2 - Le patient, grand oublié du système?

Le docteur Jérôme Cosandey est directeur romand et responsable de recherche en politique sociale chez Avenir Suisse. Baptiste Hurni est conseiller national et président de la section romande de la Fédération suisse des patients. Alors, faut-il remettre le patient au cœur du système de santé suisse? 

Baptiste Hurni: «Notre système de santé est bon mais notre système de financement de la santé ne l'est pas. La réforme pour un prix de référence des médicaments était idéale. De nombreux pays ont fait l’expérience et ça fonctionne. Nous nous sommes retrouvés face à un fort lobby de l’industrie pharmaceutique et cela n’est pas passé. C’est bien dommage. La voix des consommateurs n’est pas écoutée. On ne peut pas justifier que le même médicament soit beaucoup plus cher dans un autre pays européen qu’en Suisse.» 

Jérôme Cosandey: «Nous avons un très gros travail à faire pour mieux intégrer le patient dans les prises de décision. Je ne peux pas vous dire si on dépense trop par rapport à la qualité de nos soins, mais nous ne sommes aujourd'hui pas dans une logique d'encourager une concurrence. Nous sommes plutôt dans une logique de gestion des coûts. Pourtant, on ne sait pas si limiter les coûts améliorera les choses. Il faudrait plutôt améliorer nos systèmes avec plus de concurrence, pour un meilleur rapport qualité-prix, tout en mettant en évidence des indicateurs de qualité qui tiennent la route.»

3 - Améliorer la prise en charge du patient et repenser le rapport patient/médecin

Pour cette intervention, nous retrouvons Paul Hellinckx, victime d'une erreur médicale et vice-président d'une association de défense de patients traités aux fluoroquinolones, et Béatrice Schaad, professeure titulaire à l’Institut des humanités en médecine (UNIL).

Paul Hellinckx: «Mes douleurs s’accentuent. Je ne vais pas mieux. Moralement c’est aussi très compliqué. Je vis depuis 3 ans avec ces problèmes et je suis confronté à un système qui - avec ces mensonges - contribue à minimiser ou nier les effets indésirables d’antibiotiques. Notre association souhaite provoquer une prise de conscience, avec une reconnaissance des malades et l’espoir d’une recherche pour soigner ces effets indésirables qui touchent de nombreuses personnes.» 

Béatrice Schaad: «Nous essayons d’instaurer une médiation entre les patients et les professionnels lorsque des problèmes surviennent. Si une personne vient témoigner, nous lui accordons immédiatement de l’importance pour l’accompagner dans ses difficultés. La plainte a souvent été un sujet de honte dans le secteur médical et pour le patient. Pourtant, celui-ci peut voir et ressentir des choses qui échappent aux professionnels de la santé. La moitié des personnes viennent nous voir pour que cela n’arrive pas à quelqu’un d’autre.» 

4 - Favoriser toute mesure permettant au patient d’exercer son choix

Stephan Kotyczka est directeur développement et marketing chez Assura. La compagnie a cherché à trouver des solutions pour aider ses assurés à exercer un choix. Pour cela, elle a lancé QualiMed, un modèle d'assurance de base spécifique qui propose au médecin de famille de rediriger son patient vers une société privée. Celle-ci conseillera des spécialistes auxquels le patient pourra s'adresser.

Stephan Kotyczka: «Nous avons mis au cœur de notre système le médecin de famille. C’est l’interlocuteur de confiance du patient. De même, celui-ci a accès en permanence à un centre de télémédecine et une orientation rapide vers le spécialiste le plus adapté grâce à BetterDoc. Ainsi, le patient devient acteur, il y a moins d’interventions inutiles et donc de risques. Cela permet aussi de rendre notre système de santé plus efficient.» 

5 - Se rapprocher du patient: l'hôpital à la maison

Comment en finir avec l'hospitalo-centrisme? Pour en discuter, Antoine Geissbuhler, médecin-chef du service de cybersanté et télémédecine des Hôpitaux Universitaires de Genève et Chantal Montandon, directrice des soins infirmiers pour la Clinique de La Source.

Chantal Montandon: «Les soins à domicile sont notamment demandés par nos patients. Nous pouvons recueillir des données probantes aujourd’hui à distance, via la technologie. Mais il est essentiel de maintenir un contact permanent avec notre personnel. Pour certains traitements chroniques ou pour des traitements à durée déterminée, c’est tout à fait possible. Le corps médical s’est aussi beaucoup formé, notamment à la médecine intégrative.» 

Antoine Geissbuhler: «Il y a des besoins nouveaux. C’est beaucoup plus facile de se renseigner, de vouloir jouer un rôle plus actif qu’auparavant. Le futur de la médecine est dans nos mains, avec notre téléphone mobile. Ces outils vont d’abord être utilisés par ceux qui les maîtrisent. Cela pourrait améliorer la situation, mais il faut aussi faire attention au fossé numérique. Il faut éduquer et responsabiliser les patients sur ce qui est attendu des professionnels et des patients ou de leurs proches. Ce n’est pas parce que j’ai une montre connectée qui mesure mon rythme cardiaque en temps réel que je suis forcément toujours en lien avec mon médecin.» 

 6 - Le point de vue de l'humoriste

Caisses-maladie, lobbys pharmaceutiques, personnalités politiques: l'humoriste Thomas Wiesel n'a épargné personne.

7 - Tests, vaccins, surmédication: les pharmaciens au front

Martine Ruggli-Ducrot est présidente la faitière PharmaSuisse, la société suisse des pharmaciens. Ces professions se sont retrouvées très tôt intégrées et impliquées à la lutte contre la pandémie de Covid-19.

Martine Ruggli-Ducrot: «Dans les pharmacies, nous offrons de plus en plus de prestations. Nous proposons notamment des tests et la vaccination, même si certains cantons - Genève par exemple - nous empêchent de le faire. Nous rôle s'est accentué depuis le début de la pandémie. Nous devons aussi évaluer certaines situations, une piqure d'abeille par exemple, pour voir si nous pouvons nous en charger nous-mêmes ou s'il est préférable de rediriger le patient vers un spécialiste. Nous avons un gros avantage: nous sommes implantés partout tout en proposant des horaires étendus. Nous sommes proches de gens.»

8 - La LAMAL, 25 ans après

Cette dernière table ronde est consacrée aux 25 ans de la loi sur l'assurance maladie.  Pour en parler, Antoine Hubert (administateur délégué de Swiss Medical Network), Isabelle Moret (conseillère nationale et présidente de H+, l’association des hôpitaux suisses) et Verena Nold (directrice de Santésuisse).

Isabelle Moret: «Les soins sont de bonne qualité dans notre pays. Pour autant, la LAMAL est un fiasco financier. Les coûts de la santé et les primes ont largement augmenté. On est remboursé quand on est soigné, mais on n'est pas remboursé pour la prévention, avant de tomber malade. C'est un problème. Comment baisser le prix des médicaments? Le prix de référence ne rendra pas les génériques plus accessibles. On aimerait améliorer le système de rémunération des pharmaciens pour prendre en compte le conseil. Aussi, si un médicament est autorisé en Europe, on devrait pouvoir l'importer en Suisse au prix européen et non au prix suisse, beaucoup plus élevé. Problème: les intérêts financiers, notamment de la pharma, sont énormes.»

Verena Nold: «On a un très bon catalogue de prestations. La solidarité joue, mais cela a un prix. Si les prix ont doublé, c'est car les coûts de la santé ont doublé. Il reste très compliqué de comprendre les factures ou de trouver les bons spécialistes pour se soigner. Notre réserve de 12 milliards n'est pas si énorme, cela suffit simplement à payer les factures pour 4 mois. C'est très important d'avoir ces réserves pour faire face aux imprévus, une pandémie par exemple. Sur la question des génériques: en Suisse, peu de gens en profitent et le système reste difficile à faire bouger Le prix de référence pourrait contribuer à baisser le prix des médicaments. mais le parlement ne veut pas donner son accord.»

Antoine Hubert: «En obligeant les Suisses à contracter une assurance, on a figé et forcé toutes les assurances à rembourser tous les prestataires sans moyen de juger de l'adéquation du soin ou de la qualité du soin. Actuellement, notre système est composé de deux ensembles d'acteurs: d'un côté les assurances et l'état. Et de l'autre les prestataires de santé et la pharma. L'individu, quand il l'est, intéresse l'état et les assurances. Quand il devient patient, il intéresse les prestataires de santé et la pharma. Cela ne peut mener que face à un mur. Il n'y a aucun critère de qualité sur le choix d'une assurance. C'est un problème. Il faut mettre en place des organisations de soins qui incluent toute la palette de prestations, la recherche, la formation et l'assurance. Nous allons proposer ce système, avec une prime beaucoup plus faible qu'ailleurs.»

9 - HUG, chambre 619

Qu'est-ce qu'être un patient en pleine pandémie de Covid-19? Présentation du projet «chambre 619», réalisé par Stéphane Santini.

10 - Joseph Gorgoni: «J'ai failli perdre Marie-Thérèse»

L'humoriste suisse Joseph Gorgoni est revenu sur sa propre expérience médicale récente, plutôt intense. S'il a failli perdre Marie-Thérèse, il tente aujourd'hui de mobiliser son expérience pour faire rire.