En février 2018, nous avons décidé d’offrir un espace gratuit et permanent à Stop Suicide pour évoquer la prévention du suicide tout en bénéficiant de la visibilité de notre média. Cette discussion en ligne complète ce blog, où vous y trouverez de nombreuses ressources.
Vous avez besoin d'aide ou de simplement parler? Contactez les numéros suivants:
- Pro Juventute (écoute et conseils pour les jeunes): 147
- La Main Tendue (écoute et conseils pour les adultes): 143
Si le suicide est toujours difficile à aborder, c'est pourtant une thématique qui nous concerne tous. En Suisse, près d'un millier de personnes décident de mettre fin à leur jour chaque année. Pour autant, ces décès ne représentent que la pointe de l’iceberg, les tentatives de suicide touchant plus de 3 personnes sur 100 au cours de leur vie.
Comment prévenir le suicide? Quelle est son évolution? Quelles sont les mesures de prévention les plus efficaces? Comment aider les personnes en souffrance?...
Pour en discuter, nous avons ouvert le dialogue avec Raphaël Thélin, coordinateur de l’équipe de Stop Suicide et Abbas Kanani, chargé des actions de terrain ciblées sur les jeunes à risque. L'association œuvre depuis 20 ans à la prévention du suicide des jeunes en Suisse romande. Découvrez les réponses à vos questions ci-dessous:
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Quelle est la position de votre association sur le suicide assisté?Réponse donnée par Stop Suicide le 01.12.2020 à 17:56
Raphaël Thélin: Stop Suicide n’a pas de position officielle sur le suicide assisté car nous considérons que, hormis le fait qu’il y a le nom suicide dedans, c’est un phénomène très différent. Stop Suicide est aussi spécialisée dans la prévention du suicide des jeunes, en particulier, qui ne sont pas concernés par le suicide assisté.
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On dit souvent que le suicide des jeunes en Suisse est plus fort qu’à l’étranger. Est-ce vrai?Réponse donnée par Stop Suicide à 14:15
Raphaël Thélin: Contrairement à l’idée très répandue que la Suisse est parmi les pays recordman en terme de suicide, ce n’est pas le cas. Le taux de suicide est comparable à celui des pays voisins et des pays européens. Il en va de même pour le taux de suicide des jeunes. Par contre, le suicide est la première cause de mortalité pour les jeunes de 15 à 29 ans. Il y a près de deux fois plus de décès par suicide que de décès par accident de la route (la deuxième cause de mortalité pour les jeunes), ce qui indique que la prévention des accidents de la route en Suisse est très bonne, mais qu’il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour prévenir le suicide des jeunes.
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Avez-vous des chiffres autour des risques de récidives après une tentative ratée?Réponse donnée par Stop Suicide à 14:23
Abbas Kanani: Nous savons actuellement qu’un des facteurs de risque qui augmente la probabilité du passage à l’acte suicidaire est la présence antérieure d’une tentative de suicide.
Pour prévenir un nouveau passage à l’acte, l’idée est de renforcer les ressources disponibles pour la personne et de mobiliser de nouveaux facteurs protecteurs.
Une présence plus importante du cercle familial et amical peut aider cette personne à se sentir entourée.
Nous savons également qu’un suivi psychothérapeutique protège contre les risques d’une nouvelle tentative.
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Êtes-vous favorable ou hostile à ce que les médias communiquent autour des suicides?Réponse donnée par Stop Suicide à 14:27
Raphaël Thélin: Il est très important que les médias parlent du suicide car c’est un grave enjeu de santé publique en Suisse mais qui est très tabou! On en parle peu, et par conséquent les personnes qui vivent des idées suicidaires peuvent penser qu’elles sont «défaillantes». Elles peuvent avoir de très forts sentiments de honte et une perte de confiance en soi, alors qu’en réalité les idées suicidaires sont relativement communes! Donc il est vraiment important de pouvoir parler du suicide, faire connaître les différentes ressources d’aide, mais aussi les signaux d’alerte, et des conseils sur comment faire pour accompagner une personne pour qui on se ferait du souci.
Mais en même temps, il y a un très fort risque d’effet d’incitation au suicide selon comment les médias communiquent sur le suicide. Il faut en parler, absolument, mais pas n’importe comment. C’est pourquoi nous sommes beaucoup en lien avec les rédactions et les journalistes, pour les alerter à ce risque, les conseiller, parfois pour réagir lorsque des articles incitatifs sont publiés.
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La prévention en milieu scolaire est-elle aujourd'hui réalisée par des associations?Réponse donnée par Stop Suicide à 14:41
Abbas Kanani: Merci pour cette question importante. Stop Suicide réalise des interventions dans le milieu scolaire à la demande des établissements. Ces ateliers de prévention sont dispensés sur la Suisse romande et sont d’ailleurs disponibles également pour les écoles professionnelles, foyers, associations et maisons de quartier. Nous abordons différents thèmes avec les jeunes, notamment: la prévention du suicide, le harcèlement, les addictions, l’orientation sexuelle et l’utilisation des réseaux sociaux. En 1h30 les jeunes bénéficient d’une sensibilisation sur la prévention du suicide et peuvent appliquer après cet atelier des conseils concrets aussi bien pour eux-mêmes que pour venir en aide à un proche. Les jeunes communiquent régulièrement un grand intérêt et besoin par rapport à cet espace où ils peuvent parler explicitement du suicide.
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Quelles sont les associations actives en Suisse?Réponse donnée par Stop Suicide à 14:41
Raphaël Thélin: Je vais répondre pour la Suisse romande. Pardon à toutes les supers associations actives qui ne sont pas mentionnées!
Il y a Pro Juventute et sa ligne d’aide téléphonique, le numéro 147, qui est disponible 24/24h et 7 jours sur 7 pour répondre à toutes sortes de demandes de jeunes. Il peut s’agir de questions précises, par exemple sur la sexualité, ou simplement de quelqu’un qui a besoin de parler de problèmes. Des idées suicidaires mais aussi du stress lié à des examens, peut-être des conflits familiaux, une rupture, etc. N’importe quel sujet de préoccupation en fait. Donc le 147 de Pro Juventute offre une oreille attentive et compréhensive et capable de répondre à diverses questions, ou à rediriger vers des ressources plus spécialisées.
La Main Tendu a une ligne similaire, le 143, mais qui n’est pas spécialisée pour les jeunes et qui vise donc plutôt les adultes.Il y a aussi le site ciao.ch (https://www.ciao.ch/) pour les jeunes, où ils peuvent poser toutes sortes de questions et recevoir, dans un délai de 3 jours, une réponse d’un.e expert.e sur le sujet. Donc en comparaison avec le 147, ce n’est pas un service disponible immédiatement, par contre on peut avoir des réponses plus détaillées et plus précises dans un délai court. Cela inclus les questions liées à la santé mentale, dépression, idées suicidaires.
Et ensuite il y a bien sûr les hôpitaux et leurs services psy, ainsi que tous les cabinets de psychiatres, psychologues, etc.Le rôle de Stop Suicide est différent. Nous ne sommes pas une ressource pour les personnes qui ont des idées suicidaires, nous nous adressons à l’ensemble de la population. Nous parlons et faisons parler du suicide pour casser le tabou, faire connaître les ressources d’aide, notamment celles que j’ai listés ici, mais aussi les signaux d’alerte, et les conseils sur comment aider un proche. Parce que nous savons que les personnes qui ont des idées suicidaires et qui sont désespérées ne sollicitent pas facilement les ressources d’aide, elles ont parfois besoin d’être accompagnées et soutenues par des proches vers ces ressources.
Vous pouvez en savoir plus sur nos actions sur le site https://stopsuicide.ch/
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Les phénomènes de vagues de suicides, notamment après le décès d’une personnalité par suicide, et donc la médiatisation d’un tel acte: mythe ou réalité?Réponse donnée par Stop Suicide à 14:43
Raphaël Thélin: C’est une réalité bien documentée que la médiatisation d’un suicide, en particulier d’une personnalité, peut avoir un effet incitatif sur des personnes vulnérables, notamment des personnes qui auraient déjà des idées suicidaires et qui, peut-être, ne passeraient pas à l’acte sans ces articles. Le risque d’incitation, appelé «effet Werther» est plus fort si les articles «sensationnalistes» ont tendance à romantiser le suicide ou le présenter d’une manière positive («elle a eu le courage de mettre fin à ses jours» ou «il voulait rejoindre sa femme dans l’au-delà») ou encore si une méthode de suicide est décrite.
A l’inverse, si après le suicide d’une célébrité, des articles sont publiés qui présentent le suicide comme un problème de santé publique et donnent la parole à des experts, des témoignages de personnes qui ont eu des idées suicidaires, et qui font connaître les ressources d’aide, alors la médiatisation d’un suicide peut avoir un effet préventif (appelé l’«effet Papageno»).
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Quels sont les principaux signaux d'alerte?Réponse donnée par Stop Suicide à 14:47
Abbas Kanani: Nous avons une section à ce sujet sur notre site. Je la reprends ici. Les principaux signaux d’alerte que nous observons fréquemment sont:
- Sommeil: une altération de la quantité ou de la qualité du sommeil peut être révélatrice d’un mal-être.
- Isolement: annuler à répétition des rendez-vous, se retirer des réseaux sociaux ou au contraire y passer tout son temps, éviter le contact avec ses amis, sa famille et ses proches sont des éléments qui peuvent alerter.
- Appétit: des changements dans les habitudes alimentaires peuvent être un symptôme physique du mal-être intérieur. Cela peut s’exprimer de différentes manières, par une perte d’appétit, par exemple, ou au contraire par un besoin de se nourrir en permanence. Il est possible aussi d’observer une perte ou une prise de poids.
- Changement d’humeur: les sautes d’humeur qui semblent déplacées ou disproportionnées sont un indice de mal-être.
- Consommation de substances: la consommation d’alcool et de stupéfiants de manière répétée, abusive et inhabituelle est une manifestation typique de mal-être.
- Perte d’intérêt: se distancier de ses centres d’intérêt et des activités qui procurent habituellement du plaisir révèle une profonde démotivation.Il faut rappeler également que l’accumulation des facteurs va amener la personne à passer à l’acte.
Il est donc essentiel de pouvoir poser des questions directes et sans jugement à la personne qui nous inquiète. Par exemple: est-ce que tu as déjà eu des idées suicidaires?
Cette question est préventive et soulage la personne qui se sent isolée. En fonction de la réponse, vous pourrez alors l’orienter vers des ressources adaptées: https://stopsuicide.ch/besoindaide
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A Lausanne, le Pont Bessières est connu pour être un lieu où se suicident beaucoup de jeunes. Comment l’expliquer? Un filet ne serait-il pas possible?Réponse donnée par Stop Suicide à 14:50
Raphaël Thélin: Un des facteurs de risque du suicide est d’avoir accès à une méthode de suicide, car cela rend plus facile le passage à l’acte et diminue le temps qu’a une personne en crise suicidaire pour trouver une autre issue à sa souffrance que la mort. Si un lieu est connu comme un lieu de suicide, cela augmente son accessibilité en tant que méthode, y compris dans l’imaginaire des personnes suicidaires. La personne qui envisage de se suicider trouve tout de suite un lieu où elle peut le faire. C’est pour cette raison que, en tant qu’association de prévention du suicide, nous évitons de mettre en avant des méthodes de suicide y compris des lieux de suicide, et qu’il y a un enjeu à ne pas alimenter la réputation et la symbolique d’un lieu comme lieu de suicide.
En ce qui concerne les filets ou les barrières sur un pont, c’est une mesure qui marche très bien. Cela est contre-intuitif, on imagine qu’une personne qui a décidé de se suicider le fera de toute manière. En réalité, les personnes suicidaires ne sont pas décidées à mourir, elles sont au contraire très ambivalentes! Elles ont tellement de souffrances qu’elles pensent que la mort est la seule issue, mais en fait elles cherchent l’arrêt de la souffrance plus que la mort. Et donc les obstacles comme des barrières ou des filets peuvent tout à fait sauver une personne ambivalente simplement en lui faisant gagner du temps pour «redescendre d’un pic de souffrance» ou permettre l’intervention d’un passant ou de la police. Ensuite pour savoir s’il est possible de mettre des barrières ou des filets, cela dépend de questions techniques, patrimoniales, de paysage, financières et politiques.
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Est-il vrai que des suicides peuvent avoir lieu alors que la personne se sent apparemment mieux dans sa vie?Réponse donnée par Stop Suicide à 14:52
Abbas Kanani: Il arrive que certaines personnes en souffrance montrent une amélioration subite de leur mal-être. Ce changement rapide et soudain peut indiquer que l’individu a précisé un passage à l’acte. Il faut alors s’intéresser de près à cette évolution subite.
C’est pourquoi, lorsqu’une personne a des idées suicidaires, un accompagnement professionnel est nécessaire afin de déterminer l’évolution de son état de santé.
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J’ai lu dans les médias le suicide d’un enfant de 11 ans en France. Je ne pensais pas que si jeune, on pouvait envisager une telle chose...Réponse donnée par Stop Suicide à 15:02
Abbas Kanani: Le suicide des enfants reste un phénomène rare, mais il y en a... Les facteurs de risque pour les enfants sont différents de ceux d’un adulte. Ces facteurs peuvent dépendre souvent des abus et de la souffrance générée par un contexte de vie très difficile. Nous rappelons par la même occasion que le suicide est causé par différents facteurs et c’est l’accumulation de ces facteurs qui amèneront ou non vers un passage à l’acte.
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Est-il vrai que l’addiction à certaines substances augmentent le risque de suicide?Réponse donnée par Véronique à 15:08
Abbas Kanani: Je rappelle que l’un des signaux d’alerte concernant le suicide est la prise de substance excessive. Les addictions, de façon générale, causent un mal-être qui doit être accompagné et pris en charge par un professionnel de la santé. Si cette addiction est accompagnée par d’autres facteurs de risques, elle pourra accroître le mal-être et ainsi augmenter potentiellement le risque suicidaire.
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Comment sont formés vos bénévoles? Qui peut s’engager?Réponse donnée par Stop Suicide à 15:09
Raphaël Thélin: N’importe qui peut s’engager pour nous soutenir. Les bénévoles nous aident pour toutes sortes de tâches, par exemple tenir un stand de prévention lors d’un festival - dans ce cas il s’agit d’être présent au stand et de discuter avec les passant.e.s pour donner des informations, pour l’organisation d’événements de notre campagne (par exemple la billetterie, informer le public, etc.) pour des réunions «brainstorming» durant lesquels nous testons des idées, des modèles d’affiches, etc., pour du publipostage ou d'autres tâches administratives.
Pour la formation, nous donnons nous-mêmes une formation d’une journée pour transmettre les informations utiles, en particulier pour pouvoir intervenir sur un stand par exemple. Nous ne sommes pas une ressource comme le 147, mais il arrive tout de même que des personnes ayant des idées suicidaires nous en parlent lors d’un stand, et dans ce cas il faut être capable d’accueillir leurs témoignages et les rediriger vers les ressources plus adaptées que nous.
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Quand faut-il intervenir si on trouve des messages d’une personne postant des messages suicidaires sur les réseaux sociaux? Et comment?Réponse donnée par Stop Suicide à 15:14
Abbas Kanani: Le principal élément à retenir est que l’évocation d’idées suicidaires sur les réseaux sociaux est à prendre au sérieux. Il s’agit d’une manifestation d’un mal-être important de la personne. Il faut prendre contact rapidement avec cette personne et ne pas rester seul-e face à cette situation. Le fait d’être plusieurs est primordial afin de ne pas se sentir débordée face à une situation complexe. L’objectif est de soulager la personne et ensuite de l’orienter vers une ressource d’aide adaptée: https://stopsuicide.ch/besoindaide
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Quel est votre point de vue sur les séries qui abordent cette thématique dans le but de briser le tabou et éventuellement offrir de l'aide mais qui, d'un autre côté, risquent d'avoir un effet incitatif par le biais de la médiatisation du phénomène qu'elles génèrent?Réponse donnée par Stop Suicide à 15:22
Abbas Kanani: Nous avons pris à plusieurs reprises position concernant la série 13 Reasons Why. Je vous invite à consulter notre site internet et l’article suivant afin d’avoir un avis détaillé: https://blogs.letemps.ch/lisa-dubin/2019/08/23/13-reasons-why-que-dit-la-science/
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Le harcèlement est-il aujourd’hui la principale cause qui peut pousser des jeunes au suicide?Réponse donnée par Stop Suicide à 15:31
Abbas Kanani: Le suicide est d’origine multi-factorielle. Différents facteurs associés peuvent amener une personne à passer à l’acte. Le harcèlement a des conséquences majeures sur l’état psychologique et provoque une souffrance importante chez les victimes. Il sera donc une composante importante qui influencera le processus suicidaire.
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Est-il vrai qu’il existe des systèmes lumineux, sur le sol de certains ponts, incrustés dans le bitume, sous forme de cristaux, pour éviter les suicides? Cela fonctionne-t-il vraiment?Réponse donnée par Julie à 15:53
Raphaël Thélin: Ce système est tout nouveau. Il a, à ma connaissance, été installé sur certains ponts (pas en Suisse), mais je ne sais pas si son efficacité a déjà pu être évaluée scientifiquement. C’est très récent.
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Chez les jeunes justement qui vivent une période de leur vie remplie de changements, qu'est-ce qui amène au suicide et comment le prévenir? Qu'est-ce qui est fait chez les apprenti.e.s pour prévenir le suicide?
Abbas Kanani: Cette question est essentielle. Tout d’abord, vous avez tout à fait raison. L’adolescence est une phase de changements importants pour les jeunes. Ainsi, cette période est accompagnée de nouvelles expériences mais aussi de nouvelles responsabilités. La pression des études, la pression professionnelle, la découverte d’un nouveau corps et de nouvelles envies, provoquent des problématiques qui sont difficiles à négocier pour l’adolescent. Ainsi, l’accompagnement du jeune sera encore plus important afin d’expliquer ces changements. Pendant cette période importante, les ressources et les appartenances seront des facteurs de protection majeurs. Par exemple: les ressources familiales et amicales, l’appartenance à de nouveaux groupes de sport ou de musique ou encore la participation à des activités caritatives.
Pour les apprentis, Stop Suicide, a mis en place des ateliers de prévention sur la prévention du suicide. Les entreprises et écoles professionnelles qui en font la demande peuvent en bénéficier. Vous pouvez avoir plus de détails sur notre site:
- https://stopsuicide.ch/nos-actions/ateliers-et-stands-de-prevention/
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Que faire si on rencontre une personne qui est à deux doigts de commettre l’irréparable? Doit-on évoquer ses proches? Être dans la compassion?Réponse donnée par Stop Suicide à 15:55
Raphaël Thélin: Il n’y a pas de marche à suivre, c’est une situation très compliquée. Si vous pensez qu’une personne de votre entourage (ou même un inconnu dans la rue) pourrait passer à l’acte dans les heures à venir, il ne faut pas la laisser seule! Il faut rester avec elle et ne pas hésiter à appeler l’ambulance ou la police, car cette personne aura sans doute besoin d’une aide professionnelle. Pensez aussi à alerter la famille, les amis, le médecin traitant, les personnes qui pourront vous aider dans cette situation d’urgence et de crise. Si vous, sur le moment, ne savez plus quoi faire ou si vous n’êtes pas sûr que la situation est urgente, appelez le 143! Ils pourront vous aider à gérer cette situation et vous guider dans le soutien à apporter. Donc appelez du secours, informez la personne que du secours arrive, et dans l’intervalle, discutez avec elle, écoutez-là (car lui permettre d'exprimer sa souffrance peut beaucoup la soulager) et essayez aussi de transmettre un peu d’espoir.
Un mot sur l’ambulance et les services des urgences psychiatriques des hôpitaux romands. Je pense que beaucoup de monde a une représentation assez négative des hôpitaux psychiatriques, mais cette représentation est celle d’Hollywood, pas celle de la réalité! Nos collègues des services psychiatriques sont extrêmement compétents, bienveillants et expérimentés. Ils sont là pour aider et parfois la meilleure aide une hospitalisation de quelque jours à une semaine. L’hospitalisation permet aux professionnel.le.s de discuter de manière approfondie avec la personne en détresse et lui offrir un appui psy approfondi. Les hospitalisations sont très utiles pour aider la personne dans cette période d’extrême détresse, la soutenir et l’aider à trouver ses propres ressources, et ensuite mettre en place un suivi en dehors de l’hôpital.
La question demande aussi si le dialogue, la compassion, évoquer les proches est utile. Ici il s’agit donc d’une discussion avec une personne qui vous fait part d’idées suicidaires. Et il est effectivement très important et très utile d’être à l’écoute de cette personne, qui probablement a vécu avec des idées suicidaires pendant un certain temps sans oser en parler à personne. Pouvoir en parler peut lui faire énormément de bien et la soulager d’un énorme poids! Donc le plus important est surtout d’être à l’écoute, de la laisser parler de sa souffrance et des problèmes qu’elle rencontre avec empathie et compassion effectivement, et sans jugement. Il faut éviter de minimiser ce que la personne vit («mais c’est pas si grave») ou de proposer des solutions à l’emporte-pièce («t’inquiète la vie est dure pour tout le monde ça va passer»). Evoquer les proches peut être utile parce qu’ils peuvent être une source de motivation et de bonheur, mais il faut éviter de culpabiliser la personne ou d’augmenter la pression sur elle, car cela pourrait encore diminuer son estime d’elle-même. Une personne qui souffre tellement qu’elle pense à mourir a besoin de soutien et d’aide, elle fait tout ce qu’elle peut!
Mais discuter avec vous, si ça peut faire énormément de bien, n’est peut-être pas suffisant et il faut encourager la personne à s’adresser à une aide professionnelle, et également de s’ouvrir de sa souffrance à d’autres proches.
Le site «Parler peut sauver» contient plein d’excellents conseils pour se préparer à ce type de situations, je recommande vivement de le consulter. Le 143 et le 147 sont aussi des ressources que vous pouvez mobiliser sans hésitation et qui vous aideront. Peut-être vous faites-vous du souci pour quelqu’un mais vous craignez d’exagérer la situation ou ne savez pas comment faire? Appelez-les et en discutant avec eux, vos doutes pourront être levés. Ce sont aussi d’excellentes ressources pour vous-même, pour pouvoir «débriefer» après une discussion. Un proche qui vous parle de ses idées suicidaires va beaucoup vous bouleverser, pensez aussi à ces ressources pour vous-même!
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Comment comprendre la psychologie d’une personne qui va tenter de mettre fin à ses jours? Je veux dire, en se jetant d’un pont, par exemple, a-t-elle conscience qu’elle risque de tomber sur une personne en dessous, et choquer pour le restant de leur vie des personnes qui assisteront à cet événement?Réponse donnée par Stop Suicide à 16:07
Abbas Kanani: Lorsqu’une personne est en crise suicidaire et commet une tentative de suicide, la souffrance devient le centre de ses pensées et cette souffrance devient plus importante que les conséquences pour les personnes qui sont sur le lieu. Ce processus n’est pas conscient ni volontaire mais est dû au mal-être intense ressenti par la personne sur le moment.
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Réponse donnée par Stop Suicide à 16:23
Raphaël Thélin : Pour conclure, j’aimerai profiter pour passer un appel à l’action: Stop Suicide et tout le milieu de la prévention en Suisse romande travaille de manière intense pour prévenir les suicides, mais nous avons besoin de votre aide: nous pouvons toutes et tous faire de la prévention! Je m’explique.
Un enjeu majeur auquel nous sommes confrontés est d’amener les personnes qui vivent des idées suicidaires vers toutes les ressources qui peuvent les aider et les soutenir pour traverser une extrême souffrance.
Ces personnes souffrent au point de ne plus pouvoir imaginer que la mort comme issue à cette souffrance. Elles ont perdu l’espoir et n’imaginent peut-être pas que ces ressources peuvent les aider. Elles ont peut-être des a priori sur ces ressources, et pensent qu’elles seront inutiles.
Elles ont donc besoin d’un coup de main et d’encouragement, et, si le suicide n’était pas un sujet si tabou, si le suicide était un sujet qui était discuté sérieusement en famille ou entre collègues, ces ressources seraient bien plus connues. Les personnes qui en auraient besoin oseraient plus les solliciter sans craindre stigmatisation ou humiliation.
Mon appel à l’action est donc le suivant: informez-vous sur ces ressources. Peut-être un jour vous seront-elles utiles à vous directement. Parlez-en d’une manière décontractée avec vos proches, afin que, par votre intermédiaire, ces ressources deviennent connues d’eux aussi. Peut-être leur seront-elles utiles un jour. Et en parlant d’une manière décontractée mais sérieuse, vous nous aider à rendre ces ressources plus accessibles.
Ces ressources sont diverses. Ce sont les professionnel.le.s de la psychologie, les lignes d’aide disponibles 24/24h comme le 147 (spécialement pour les jeunes) ou le 143 (tout public), des sites d’information comme www.ciao.ch (pour les jeunes en particulier), ou https://www.parler-peut-sauver.ch/. Et plein d’autres ressources plus spécialisées, et selon votre canton, que vous pouvez trouver sur notre site https://stopsuicide.ch/besoindaide/. Et l’entourage, bien sûr! La famille, les ami.e.s, les collègues... Les lignes d’aide et sites ci-dessus vous donnent les conseils nécessaires pour accompagner vos proches. Intéressez-vous à ces ressources avant d’en avoir besoin.
Nous vous remercions de nous aider à diffuser ces informations et ces ressources dans votre entourage, merci!