Événement
Revivez les meilleurs moments du Forum des 100 qui s'est déroulé jeudi 14 octobre 2021 de 9h à 13h

Le Forum des 100 est une plateforme de débat et de réseautage articulée autour d’une conférence annuelle animée par des orateurs de qualité. Il réunit chaque année, depuis seize ans, plus de 100 personnalités de tous horizons: faiseurs d’opinion et leaders économiques, politiques, scientifiques et culturels. Durant une journée entière, les invités débattent de questions essentielles à l’avenir de la Suisse.
A quoi ressemblera la ville post-coronavirus? S’achemine-t-on vers des villes sans voiture? Quel impact le télétravail aura-t-il sur le développement du territoire? La densification des centres va-t-elle se poursuivre? Comment les comportements de la population évolueront-ils? Quelles infrastructures pour réduire les émissions de CO2?
Ces questionnements étaient au cœur de la 17e édition du Forum des 100 qui s'est déroulé le 14 octobre de 9h à 13h. A cette occasion, Le Temps vous a proposé un dispositif spécial vous permettant de suivre les meilleurs moments de cet événement.
1 - Introduction
Les dirigeants des deux hautes écoles basées à Lausanne, l'un – Frédéric Herman – climatologue, l'autre – Martin Vetterli – ingénieur en informatique sont depuis longtemps convaincus de l'importance de marier sciences sociales et technologies pour réussir la transition écologique. Ils ouvrent le forum sur les villes en confrontant leurs points de vues.
Martin Vetterli: «Le campus de l’UNIL et de l’EPFL représente 40’000 personnes. C’est un laboratoire à ciel ouvert qui forme la prochaine génération. Il faut donner les bonnes directions à ces personnes pour l'avenir. J’espère que la génération que nous éduquons aujourd’hui prendra les justes décisions pour le futur de notre planète.»
Frédéric Herman: «Le campus est un véritable laboratoire vivant, je suis d'accord. Il y a une série de collaboration avec les villes qui demandent à travailler sur leur plan climat. C’est très intéressant. Elles nous demandent principalement une chose: d’arriver à la neutralité carbone. C’est quelque chose qui n’est pas simple. Nous aimons beaucoup la «théorie du donut», avec d’un côté, un plancher social, et de l’autre côté, un plafond écologique. Nous allons bien plus loin que les nouvelles technologies.»
Lire aussi: La théorie du donut, ou comment repenser l’économie
2 - Reconstruire la ville pour la rendre désirable
Pierre-André de Chalendar est le patron d'un des leaders de l'industrie de la construction. Selon lui, la transition énergique se joue principalement dans la rénovation des immeubles et dans une politique qui marie espaces verts et densification urbaine. Axelle Marchon est la CEO d’Enoki, une entreprise d'architectes et d'ingénieurs qui a pour but d'imaginer la ville durable de demain.
Pierre-André de Chalendar: «Il faudra vivre dans les villes, nous n’aurons pas le choix. Alors, comment faire pour rendre ces espaces plus désirables? 70% des émissions de CO2 sont émis dans la ville, alors que ce lieu représente 2% de la planète. Les gens en sont conscients, c’est déjà un grand point positif. La ville a historiquement été le lieu du désir, de la fête, du plaisir. Il faut partir de l’existant et travailler pour apporter plus de bien être tout en luttant contre la pollution. Il faut repenser de nombreuses choses en même temps, ce qui n’est pas simple. Les deux grands sujets aujourd'hui sont la mobilité et le bâtiment.»

A lire: Pour les Suisses, la transition écologique se joue dans les villes
Axelle Marchon: «Nous devons travailler au niveau du partage de l’espace. Pourquoi ne pas avoir un espace commun de télétravail au sein de nos quartiers, ou des chambres partagées pour héberger nos amis qui viennent de temps en temps? La population doit participer à cette transformation, car elle a l’expertise au niveau des usages. Les citoyens sont aussi là pour agir, notamment à travers des associations. Il faut créer du lien entre les citoyens et accélérer la rénovation. Le taux est de 1% par an, c’est bien trop faible. Le développement durable ce n’est pas que l’environnement, c’est aussi la mobilité, la diversité, l’énergie.»
3 - Les villes romandes en première ligne
Un grand nombre de villes ont désormais un plan climatique. Mais toutes font face à des situations singulières. Les responsables de l'exécutif de quatre villes romandes (Violaine Blétry-de Montmollin, maire de Neuchâtel; Philippe Varone, président de Sion; Frédérique Perler, maire de Genève et Grégoire Junod, syndic de Lausanne) échangent leurs expériences en matière d'aménagement urbain, de mobilité et d'intégration sociale.
Frédérique Perler: «Durant le confinement, nous avons observé une hausse très forte des cyclistes. Aucun habitant ne s’oppose à mieux vivre en ville. Or, à Genève depuis plus de 60 ans, nous avons tout construit autour des routes. Il y a clairement un changement à opérer: 45% de la pollution locale ne possède pas de véhicule motorisé, elle subit les inconvénients de ce moyen de transport. Cependant, nous devons bien sûr voir ce que nous mettons en place au niveau de la mobilité car 150.000 pendulaires viennent dans la ville pour travailler. Pour éviter les nuisances, nous devons ne pas simplement dire: on ne vient plus en voiture. On doit offrir des solutions, le Leman Express en est une notamment.»
Grégoire Junod: «L'écoquartier des Plaines-du-Loup à Lausanne accueillera plus de 10'000 personnes d’ici 2034. Il permettra de réduire de 10% les émissions de gaz à effet de serre par habitant à Lausanne. Il y aura une forte mixité sociale, avec notamment 30% de logements sociaux, mais aucun immeuble ne sera constitué à 100% de logement social, ceci pour éviter le risque de ghettoïsation. C’est un vrai morceau de ville que nous bâtissons. Nous voulons montrer que nous pouvons construire une ville dense dans laquelle nous pourrons mieux vivre.»
A lire: «Aux Plaines-du-Loup, nous favoriserons la mixité sociale»
Violaine Blétry-de Montmollin: «Nous avons développé un projet participatif avec la population: le parc des Jeunes-Rives. Nous visons à faire le lien entre le lac, l’université, et la ville. Nous allons créer un café-bain-sauna pour attirer les touristes. C’est un projet à 26 millions. Nous avons décidé de supprimer 300 places de parcs pour réaliser ce projet, et nous avons trouvé des solutions pragmatiques pour les personnes qui viennent de l’extérieur de la ville.»
Philippe Varone: «Nous cherchons à avoir une vision à 30 ans. Sion doit devenir une véritable capitale au cœur des Alpes. Nous voulons réconcilier la plaine et la montagne, des milieux qui sont souvent opposés dans le débat politique. Nous avons un rôle de laboratoire à jouer. Nous sommes aussi au centre de l’innovation et voulons capitaliser là-dessus. Sion doit être le moteur du Valais central.»
En savoir plus sur ce plan: Sion et sa liaison plaine-montagne
4 - Une économie romande résiliente. Rapport sur le PIB
Chaque année, les banques cantonales romandes et Le Temps sortent ensemble le rapport sur le PIB romand. Un indicateur controversé, mais qui montre que l'économie de la région a relativement bien supporté la pandémie selon Jean-Pascal Baechler, économiste à la BCV.
Jean-Pascal Baechler: «La crise est moins grave que ce que l’on craignait. La récession est comparable à 2009. La Suisse romande se porte bien. Notre chômage est faible, c’est aussi grâce à la croissance. Nous avons une économie très diversifiée, active dans des activités qui ont une forte valeur ajoutée. Il faut surveiller la suite de la pandémie et nos relations avec l'Union européenne qui sont tendues depuis plusieurs mois. Le PIB surveille uniquement une création de richesse, cela nous permet simplement de dire si on peut financer la transition écologique.»


5 - Réussir la transition énergétique après le refus de la Loi sur le CO2
Le peuple a refusé une loi fédérale sur le CO2 jugée indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique. Comment aller de l'avant? Et quel rôle les villes peuvent-elles jouer pour négocier la sortie des énergies fossiles? Echanges avec Christian Petit (CEO, Romande Energie) et Philippe Thalmann (professeur associé, EPFL).
Christian Petit: «Les pistes concrètes sont larges. Les solutions sont là, mais ce qui nous inquiète, c’est le temps que cela prend. Nous sommes engagés dans une course contre la montre. Nous avons une petite dizaine d’années avant de rentrer dans une période de phénomènes incontrôlables. Comment accélérer cette transition? Le refus de cette loi est embêtant. Nous encourageons la population à réduire la consommation d’électricité.»
Philippe Thalmann: «Ce vote a été particulièrement émotionnel. Nous pourrions prendre une multitude de mesures à différentes échelles. C’est bien, mais cela complexifie la loi. Une autre approche: pourquoi ne pas avoir un contingent lié aux énergies fossiles? Je suis néanmoins très pessimiste. Mais être avec les autres, avancer ensemble, peut permettre de faire face à cette situation.»
6 - Athènes face au choc climatique et à la concurrence entre villes
Athènes passait pour l'une des villes les plus polluées d'Europe. D'énormes progrès ont été réalisés en matière d'aménagement urbain. Restent l'épée de Damoclès des dérèglements climatiques et la fragilité économique du pays. Pour en discuter Kostas Bakoyannis, maire de la ville.
Kostas Bakoyannis: «Nous avons une bonne démocratie, nos institutions sont solides. Nous avons utilisé la pandémie comme une opportunité pour développer la digitalisation de notre ville. Maintenant, il est essentiel pour nous de devenir une ville plus verte. La magie d’un gouvernement local est de pouvoir apporter des solutions, car les réponses à nos problèmes se trouvent dans les quartiers. Nous avons aussi plusieurs points à prendre en compte. Notre ville comprend beaucoup de touristes, des investisseurs, mais aussi - et c'est nouveau - des travailleurs nomades. Ce sont des personnes qui viennent de Zurich de Londres, de Paris pour habiter dans notre ville et travailler à distance.
Le changement climatique est un problème global. Il faut une réponse globale, mais aussi une réponse locale. A Athènes, nous sommes très touchés par ce phénomène. La plupart des émissions de gaz à effet de serre proviennent des villes. De nombreuses mesures sont possibles, il faut aussi revoir notre modèle de vie, investir dans la rénovation des bâtiments ou encore libérer les villes des voitures. Et tout cela doit dans un but: que la ville devienne plus saine tout en restant accueillante.»
A lire: La Grèce frappée par «la pire canicule» depuis plus de 30 ans
7 - Le Congo face au changement climatique
D'ici la fin du siècle, l'urbanisation de la planète aura principalement lieu en Asie et en Afrique. Comment gérer ces métropoles peuplées de millions, voire de dizaines de millions d'habitants? L'exemple de Kinshasa et de la République démocratique du Congo, le pays francophone le plus peuplé, illustre l'ampleur des défis avec Eve Bazaiba Masudi, ministre de l'Environnement et de la durabilité en République Démocratique du Congo.
Eve Bazaiba Masudi: «Le Congo se présente au monde comme un pays de solutions. Notamment grâce à notre très large réseau forestier que nous nous efforçons de gérer de manière durable. La forêt nous accueille, c'est notre mère, notre source. De notre naissance à notre mort, elle est là. Nous en avons besoin pour construire notre berceau, pour nous chauffer, pour fabriquer nos maisons, nos pirogues, nos meubles pour les écoles, nous en aurons aussi besoin lors de notre mort, pour construire notre cercueil.
Nous avons aussi des ressources de pétrole. Nous pouvons tout à fait ne pas y toucher et donc préserver les tourbières, très utiles pour protéger l'écosystème. Mais nous avons aussi besoin d'argent pour nous développer, et nous savons que le pétrole peut nous y aider. C'est un réel dilemme pour nous. Nous demandons donc aux pays industrialisés, et donc aux pollueurs, de nous aider à préserver ces zones. Nous sommes d'accord de ne pas exploiter ce pétrole si nous obtenons des compensations.»
8 - Les urbanistes au défi
Le bureau Herzog & de Meuron et son associée senior Christine Binswanger défendent depuis longtemps une architecture et un urbanisme qui partent de l'existant et qui visent à la mixité sociale. Présents sur tous les continents, les Bâlois sont désormais aussi actifs en Suisse romande. Notamment en Valais.
Christine Binswanger: «Le quartier Ronquoz 21 est un projet exemplaire à Sion. Aujourd’hui, le site est très occupé, avec énormément de lieux commerciaux et très peu de hauteur. Il y a quelques espaces verts intéressants. L’idée est de créer du lien et de l’identité autour d'une ligne verte boisée. Cette ligne sera peu coûteuse et pourra être mise en place rapidement. L’objectif et de centraliser et fonctionner en silo pour libérer des terrains. Nous voulons aussi concentrer le bâti. Cette densification des surfaces commerciales sera au bénéfice de la communauté.»
A lire: Le projet Ronquoz 21




9 - L'enjeu de la mobilité: bientôt un monde sans voiture?
Elena Cogato: «L’automobilité n’est pas un état de fait mais un cycle. Un cycle par ailleurs très jeune, qui a commencé il y a environ 100 ans. La voiture s’est accaparée un réseau préexistant, et l’occupe toujours aujourd’hui. Il faut réfléchir à de nouvelles alternatives pour récupérer ces espaces. Le futur de la voiture n'est pas unique, il y en a plusieurs.»
Thomas Deloison: «L’impératif climatique global doit nous pousser à l’action. Il faut cependant penser à des approches plus modérées que l’interdiction de la voiture en ville. La mobilité durable urbaine doit notamment reposer sur l’acquisition rapide de véhicules électriques, l’efficience de l’utilisation des transports et l’accompagnement des changements de comportements.»
Patricia Solioz Mathys: «20% des déplacements dans le canton de Vaud se font en transport public. C’est vraiment trop peu. Il faut développer l’offre, qui doit aussi être propre. L’aspect réjouissant est de voir que les pouvoirs publics ont compris cet enjeu et investissent. Tout cela est aussi lié au plan climat. Le crise pandémique nous a aussi appris à être plus agile et flexible, par nécessité. Il faut capitaliser sur cette expérience.»
10 - Quelle politique pour réussir la transition énergétique avec les villes et les campagnes?
Après le refus de la Loi sur le CO2 par le peuple suisse, quel est le plan du Conseil fédéral pour respecter les Accords de Paris. Quels équilibres trouver entre politiques incitatives et nouvelles taxes? La transition énergétique peut-elle se faire sans casse sociale? Après une matinée de discussions, ces questions ont été posées à Simonetta Sommaruga, la ministre qui coiffe à la fois l'énergie, l'environnement et la mobilité.
Simonetta Sommaruga: «Je suis optimiste. Le photovoltaïque, notamment, a un énorme potentiel. Le solaire pourrait couvrir l’ensemble de la consommation d’électricité en Suisse. Mon rôle est de faire respecter nos engagements de réduction des gaz à effets de serre et veiller à l’approvisionnement de l’électricité. Après le refus de la loi sur le C02, il faut faire vite et soutenir la population qui veut vivre de manière respectueuse du climat.
A lire: La Suisse lancée à pleine vitesse vers le solaire
Nous devons tenir compte du vote et convaincre dans les campagnes. La population y est souvent plus dépendante de la voiture et a moins accès aux transports publics. Il ne faut pas augmenter les taxes ou l’essence, mais travailler des manières plus ciblées. Nous voulons encourager le passage à la voiture électrique et rendre plus attrayant le transport public. Je suis convaincue qu’il faut électrifier le transport public pour moins de bruit et moins et de pollution.
Dans les 5 ans qui viennent, nous allons investir 2 milliards de francs dans le bâtiment. Notamment pour remplacer le chauffage à mazout. Il faut aider les gens dans le changement, c’est une question sociale. Lutter contre le dérèglement climatique veut dire électrifier. Les investissements dans ce sens sont surtout allés à l’étranger ces dernières années, ce qui est un vrai problème. Les villes, les communes et les cantons ont un rôle important à jouer.
Le rejet de la population suisse à la loi sur le CO2 n’est pas un non à la protection du climat. Nous devrons atteindre la neutralité carbone en 2050. La COP26 aura lieu dans 15 jours. La Suisse est très engagée dans ces négociations, notre pays – avec ses Alpes notamment – est totalement concerné par le changement climatique.»