Quel rapport entre La Belle Hélène et Les Troyens? A part le français et une filiation avec la mythologie, tout oppose ces deux ouvrages. La comédie bouffe en trois actes de Jacques Offenbach dure environ deux heures. Le grand opéra de Berlioz, en cinq actes et deux parties (La Prise de Troie – Les Troyens à Carthage), exige plus du double de temps. La partition enlevée de la première œuvre joue sur un livret humoristique d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy truffé de jeux de mots, de calembours et d'allusions légères. La deuxième, puissante, charnelle et charpentée, s'appuie sur un texte grave réalisé par le compositeur lui-même.

A Genève, ces deux pièces lyriques antagoniques vont cohabiter le temps d'une nouvelle double production donnée en alternance. Du côté comique, la mise en scène a été confiée au Neuchâtelois Robert Sandoz, avec Véronique Gens dans le rôle-titre, et l'OCG dirigé par Gérard Daguerre. Du côté tragique, c'est en version de concert que le grand chef suisse Charles Dutoit a été invité à diriger son Royal Philharmonic Orchestra, avec une distribution choisie. Pas d'OSR en fosse donc pour cet événement décidément pas comme les autres.

Ce qui a présidé à ce choix inattendu est un faisceau de données. Il y avait d'abord les prévisions de déménagement pour les travaux du Grand Théâtre. Penser à des ouvrages en version de concert ou de moindre envergure scénique s'imposait. Et surtout, Tobias Richter avait fini en beauté son mandat au Deutsche Oper am Rhein avec les mêmes ouvrages. Programmé pour la dernière dans une seule journée et réparti sur les deux scènes de Düsseldorf et Duisburg, le projet fut un «succès phénoménal, incroyable! Sold out…».

Le directeur du Grand Théâtre a donc voulu réitérer l'expérience dans une configuration différente. «Je souhaitais depuis longtemps instaurer des saisons où une thématique se dégage, explique-t-il. Donner l'occasion d'aborder un même sujet ou des histoires en relation par des compositeurs ou des auteurs différents est très intéressant. Dans ce cas précis, arpenter les deux versants d'un thème commun permet d'envisager le sujet des Atrides du côté de la comédie satyrique et de la grandeur mythique.»

Quant au choix de Véronique Gens qui fera une prise du rôle d'Hélène en scène, on imagine plus la soprano, intense et profonde, dans un registre moins léger. Pourquoi donc elle? «Parce que c'est une belle femme et qu'elle est charismatique, deux qualités indispensables pour incarner le Belle Hélène. Elle voulait absolument le faire, et je trouve qu'elle a tous les atouts pour.» Un doublé hellène qu'il sera donc intéressant de suivre, en trois soirées différentes à organiser selon les possibilités. Reste à savoir si des concerts supplémentaires des Troyens seront ajoutés aux quatre prévus afin de rattraper le nombre des huit productions de La Belle Hélène.