Après deux mois de siège, le regard éteint des évacués de Marioupol
Quelque 80 habitants de Marioupol ont été évacués, jeudi, pour rejoindre Zaporijjia, ville du sud-est de l’Ukraine encore sous le contrôle de Kiev
Par Le Temps
Ils sont 79 jeudi à avoir atteint Zaporijjia, ville du sud-est de l’Ukraine encore sous le contrôle de Kiev.
Soixante-dix-neuf évacués de Marioupol, ville martyre pilonnée par les bombes russes. Presque autant de visages éteints après bientôt deux mois de siège.
Descendus de trois cars scolaires jaunes, les passagers, dont de nombreuses femmes, prennent le temps de raconter leur périple et l’enfer qu’ils laissent derrière eux dans le principal centre d’accueil de Zaporijjia.
Il s’agit d’une grande tente blanche plantée sur le parking d’un hypermarché.
«Cette évacuation était un show», lance une jeune femme de 19 ans, qui décrit les nombreuses caméras russes qui ont filmé les partants. «On nous a donné quelques soins, mais c’était juste pour les médias».
La rumeur d’une potentielle sortie de Marioupol s’était propagée mercredi, dit-elle, alors que l’ouverture de couloirs humanitaires est annoncée depuis des jours sans être suivie d’effets.
«De nombreuses personnes vivant dans les territoires occupés par les Russes veulent partir, mais ils les en empêchent», a protesté la vice-Première ministre ukrainienne Irina Verechtchouk, présente à Zaporijjia.
Sur des dizaines de cars attendus, seuls trois sont arrivés, s’indigne-t-elle: «Rien n’a fonctionné. […] Il n’y avait pas de couloir vert».
Avant leur départ, certains affirment avoir vu «de nombreux snipers» russes sur les toits. Après presque deux mois de bombardements ininterrompus, peu de candidats à l’exil se sont pourtant manifestés.
Soixante-dix-neuf au total, selon Irina Verechtchouk, quand environ 100 000 personnes vivraient encore dans la cité portuaire de Marioupol.
Pour ces 79 arrivés à Zaporijjia, a commencé un périple de plus de 24 heures, quand trois sont normalement nécessaires pour parcourir les 225 kilomètres entre les deux villes. A l’intérieur des cars, «les gens étaient désespérés». L’angoisse a définitivement pris fin à Zaporijjia. Certains fondent en larmes.
Valentina Grintchouk, 73 ans, chaussée de pantoufles et au manteau noir troué, s'est mise à étreindre et embrasser tous ceux qu'elle rencontrait. «Dès le premier jour, nous étions au sous-sol [...] Il faisait froid. Nous priions Dieu», raconte-t-elle, ajoutant que de jeunes militaires russes «pas agressifs» l'avaient régulièrement ravitaillée en eau et nourriture.