Une page se tourne pour la France. Elle est historique. A 39 ans et quatre mois, un ancien ministre de l’Economie jamais élu succédera, le 14 mai prochain, au président François Hollande. La victoire d’Emmanuel Macron, marquée du sceau de l’audace, est incontestable.

Avec plus de 66,06% des voix selon les premières estimations officielles, contre 34,94% pour son adversaire Marine Le Pen, le candidat d’En marche! a transformé sa victoire du premier tour en tsunami électoral. Onze millions de voix le séparent de la candidate du Front national, qui obtient néanmoins le meilleur score de l’histoire de son parti, soit le double de voix de son père Jean-Marie Le Pen en 2002, face à Jacques Chirac.

La colère au rendez-vous

La victoire d’Emmanuel Macron n’est pas une surprise. Depuis la désastreuse prestation de Marine Le Pen lors du débat télévisé du 3 mai, toutes les enquêtes d’opinion le donnaient largement vainqueur. Le scrutin de dimanche reste néanmoins marqué d’une interrogation qui pèsera lourdement sur le début de son quinquennat, et sur les élections législatives des 11 et 18 juin, dont dépendra la mise en œuvre de son programme. Plus de 25% des 47 millions d’électeurs français se sont abstenus. Quatre millions des votants ont déposé dans l’urne un bulletin blanc.

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La «colère» révélée au premier tour par le score de Marine Le Pen (21,3%) et celui du leader de la «France insoumise» Jean-Luc Mélenchon (19,58%) est donc toujours au rendez-vous. C’est d’ailleurs sur cette frustration, nourrie par le sentiment d’abandon dans de nombreuses parties du territoire français, que compte capitaliser la candidate du Front national. «Les patriotes sont désormais la principale force d’opposition» a-t-elle annoncé vers 20 heures 10, peu de temps après avoir reconnu sa défaite dans un appel téléphonique à Emmanuel Macron. «Une nouvelle force politique sera constituée», a-t-elle aussi promis. Ce qui pourrait signifier qu’un prochain changement de nom du parti d’extrême droite est à l’agenda, dans la foulée de l’accord électoral conclu entre les deux tours avec «Debout La France», le petit parti du candidat souverainiste Nicolas Dupont-Aignan.

«Non à la France qui se replie»

S’il fallait un symbole de la future manière de présider d’Emmanuel Macron, une plongée dans l’esplanade du Louvre où étaient hier rassemblés ses milliers de supporters en donne un bon aperçu. Une foule métissée, festive, lancée devant la pyramide construite sous le septennat de François Mitterrand dans une célébration de la jeunesse et du «changement de génération» que tous les intervenants politiques, sur les plateaux TV, ont immédiatement reconnu. «Macron a dit non. Non à la colère. Non à la France qui se replie. Non à l’illusion d’une économie en autarcie. Non à nos divisions», s’époumone Lucie, une sympathisante antillaise d’En marche!. En 2012, François Hollande avait invité ses électeurs à fêter sa victoire place de la Bastille. Cette fois, le pari du spectacle est total. C’est au même endroit, au cœur de ce Palais du Louvre où la Pyramide n’était alors pas construite, que Valéry Giscard d’Estaing avait en 1974 célébré son élection à la suite d’une campagne éclair, provoquée par la mort de Georges Pompidou. 

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«Une nouvelle page s’ouvre pour la France, celle de l’espoir et de la confiance retrouvés» a affirmé Emmanuel Macron dans son premier discours vers 21h.


Vidéo. L’intégralité du discours d’Emmanuel Macron


«Tout le monde nous observe. La France vient d’envoyer un incroyable message à elle-même, à l’Europe et au monde», s’est également félicité François Bayrou, le dirigeant centriste rallié à Emmanuel Macron, candidat souvent cité comme premier ministre potentiel. Juste. Car à un mois des législatives pour lesquelles le mouvement En marche! a promis de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions, le nouveau chef de l’Etat français, lui-même jamais élu, se retrouve à l’issue de cette folle campagne en position de force. Dans un pays divisé et fracturé, sa volonté de tourner la page a été validée haut la main.

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Or les Français ont toujours, jusque-là, été fidèles à l’esprit de la Ve République qui consiste à donner au chef de l’Etat une majorité pour gouverner. Les deux partis de gouvernement historiques, Les Républicains (héritier du RPR, droite) et le Parti socialiste, se retrouvent ni plus ni moins menacés de déroute. La volonté de la droite d’imposer au nouveau président une cohabitation paraît très compromise. «Un tel score est sans appel. Il faudra en tirer toutes les conséquences» a immédiatement reconnu Ségolène Royal, ministre de l’environnement sortante et ancienne candidate à la présidentielle.

L’histoire s’est mise «en marche».

La France a-t-elle dit un oui massif à Emmanuel Macron? Ou a-t-elle refusé le Front national qui, de nouveau, se fracasse contre le plafond de verre qui l’empêche d’accéder au pouvoir?
La question est posée et Emmanuel Macron devra en tenir compte. Comment? La nomination de son premier ministre sera un premier signal. La composition de son gouvernement en sera un autre. Reste l’image la plus forte. Celle d’un ancien conseiller présidentiel devenu, à peine plus vieux que Napoléon lorsqu’il fut sacré Empereur, le successeur de François Hollande dont il fut l’un des collaborateurs.


Graphique. La deuxième abstention la plus forte de l’histoire de la Ve République


Tout au long de la campagne, le chef de l’Etat sortant avait mis en garde contre le risque de l’extrême
droite. Il a été entendu. Ce lundi, les deux hommes seront ensemble sur les Champs-Elysées, pour la célébration du 8 mai 1945. L’histoire s’est mise «en marche». Mais Emmanuel Macron
n’a pas d’autre choix que de continuer à conquérir et à convaincre.