La justice péruvienne a condamné mardi l’ex-président Alberto Fujimori à 25 ans de prison pour «crimes contre l’humanité», dont des massacres de civils pendant sa présidence (1990-2000). Ce jugement a été salué comme exemplaire par des ONG de défense des droits de l’Homme.
Le tribunal qui le jugeait depuis 16 mois à Lima, a reconnu Fujimori coupable «avec circonstances aggravantes» de graves violations de droits de l’Homme, les assimilant «selon le droit international, à des crimes contre l’humanité».
Il a précisé que l’ancien chef d’Etat âgé de 70 ans, qui a déjà passé deux ans en prison, devra servir sa sentence jusqu’au 10 février 2032. Il devra aussi indemniser, à hauteur d’environ 90 000 dollars au total, les familles de 29 victimes.
Fujimori, resté impassible pendant trois heures et demie d’énoncé du jugement, prenant des notes, a immédiatement indiqué qu’il ferait appel de la sentence, sans autre commentaire.
Il était jugé pour son rôle dans deux tueries qui firent 15 morts - dont des femmes et un enfant - en 1991 et 10 morts en 1992, perpétrées par un «escadron de la mort» dans le cadre de la guerre sans pitié, en partie occulte, menée alors par l’Etat contre les guérillas d’extrême gauche, dont le Sentier lumineux. Ce conflit fit 70 000 morts et disparus entre 1980 et 2000.
Dans la salle d’audience, des parents de victimes, qui n’avaient pu retenir leurs larmes au rappel des faits, arboraient un fier sourire à l’énoncé final. M. Fujimori était aussi jugé pour les séquestrations par ses services secrets, d’un correspondant du journal espagnol «El Païs» et d’un entrepreneur.
L’accusation avait requis 30 ans. La défense avait réclamé l’acquittement, tandis que Fujimori assurait n’avoir jamais eu connaissance des opérations incriminées, ni «ordonné la mort de quiconque».
«C’est un jour historique», a commenté l’organisation Amnesty International. «Ce n’est pas tous les jours qu’un ancien chef d’Etat est condamné pour des violations des droits de l’Homme comme la torture, la séquestration et la disparition de personnes».
L’appel de Keïko Fujimori
Human Rights Watch a pour sa part salué un jugement «emblématique» qui a «respecté les standards internationaux qui garantissent un procès équitable». Ce procès «a démontré au monde que même les anciens chefs d’Etat ne peuvent réussir à garder leurs crime impunis».
Les organisations ont espéré que le procès Fujimori en appellera d’autres, en Amérique latine et dans le monde. Impact politique incertain
L’impact politique du jugement restait incertain au Pérou, où l’ancien chef d’Etat populiste à la poigne de fer a gardé un écho- 31% partagent ses idées, selon un sondage récent -, près de 10 ans après sa chute sur fond de scandales de corruption.
Déja condamné fin 2007 dans une affaire distincte, il doit encore être jugé courant 2009 pour faits de corruption.
Après le verdict, sa fille, la populaire députée Keïko, probable candidate à la présidentielle en 2011, s’est adressée à quelques centaines de partisans aux abords du procès. Keïko, qui comme son père a dénoncé un procès «politique», a appelé les Fujimoristes à «sortir dans les rues» pour protester contre une sentence «injuste» et défendre l’héritage de celui qui «sauva le pays du terrorisme».
Un épais dispositif de 2000 policiers contrôlait les abords de la Direction des opérations spéciales de la police, à Ate (est de Lima), où s’est déroulé depuis fin 2007 le procès. Huit mille autres sont en état d’alerte jusqu’à mercredi. Aucun incident sérieux, hormis des bousculades et face-à-face crispés avec la police, n’avait été relevé en fin de journée.