1949-2009: soixante ans après sa création à Washington, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) n’a jamais été aussi puissante.

La suprématie de son armement d’abord, puis son élargissement à l’Europe de l’Est après la fin de la Guerre froide ont fait de l’Alliance la plus formidable machine militaire de tous les temps. «L’OTAN peut gagner toutes les guerres, résume un ambassadeur basé à Bruxelles, où se trouve le siège de l’Alliance. Mais peut-elle, en revanche, être le pivot d’une architecture de sécurité acceptée par tous?» Un défi tel que le sommet de Strasbourg-Kehl qui s’ouvre ce vendredi soir lancera la redéfinition de la doctrine stratégique de l’organisation, réactualisée pour la dernière fois en 1999, en pleine crise du Kosovo.

Le défi est d’autant plus compliqué à relever que l’OTAN n’est plus, depuis la chute de l’URSS, une machine de guerre monolithique, bras armé de la Pax Americana. Une diversité s’est installée. Barack Obama, attendu à Strasbourg aujourd’hui où il entamera sa journée par un entretien bilatéral avec Nicolas Sarkozy, a ainsi bien compris que la France, co-hôte du sommet, voit cette année son retour dans le commandement militaire intégré de l’Alliance – déserté par le général de Gaulle en 1966 – comme un futur levier. Alors que d’autres ont une vue bien différente de l’agenda, dominé par l’intégration de deux nouveaux pays – l’Albanie et la Croatie –, l’Afghanistan et, surtout, la question des rapports avec la Russie.

Nouvel uniforme

«Le dilemme pour l’avenir de l’OTAN, poursuit notre interlocuteur, n’est pas de sortir vainqueur d’une confrontation, mais d’avoir pour chaque crise une stratégie de sortie, ou de partenariat. C’est bien sûr vrai en Afghanistan – où l’Alliance dirige la Force internationale d’assistance et de sécurité (ISAF) –, mais aussi dans les nouvelles zones convoitées comme l’Asie centrale ou le Grand Nord arctique.» Bref, à 60 ans, l’uniforme du «gendarme du monde» occidental n’est plus adapté: «L’OTAN reste l’assurance vie de l’Europe, écrivait récemment dans le magazine Times l’Allemand Josef Joffe. Mais les alliances, dans l’histoire, ont toujours été celles d’une guerre. Or l’URSS n’est plus l’ennemi.»

N’empêche: l’URSS, ou plutôt son fantôme, reste bien le problème, revenu au premier plan en 2008-2009. Il y a un an, George W. Bush était à Bucarest pour le précédent sommet de l’OTAN. Vladimir Poutine, invité au titre d’un «Partenariat pour la paix» aujour­d’hui bien mal en point, y était aussi. Les deux hommes se retrouvèrent ensuite à Sotchi, sur la mer Noire. Sans vraiment chercher à se comprendre. Et pour cause: en promettant d’intégrer à terme l’Ukraine et la Géorgie, deux pays frontaliers de la Russie, l’Alliance avait, pour Moscou, ouvert les hostilités. Ce que matérialisa, en août 2008, la guerre éclair dans le Caucase.

«Deux concepts opposés»

«On est face à deux concepts opposés, commente un expert. Le Kremlin veut revenir à des «sphères d’influence». L’OTAN, attisée par les jeunes démocraties d’Europe de l’Est, se perçoit comme une alliance d’Etats libres qui ne doit accepter aucun veto de l’extérieur.» Et les Etats-Unis, entre les deux, peinent à redéfinir leur rôle. Le projet de bouclier antimissile américain en Pologne et en République tchèque – destiné selon Washington à contrer une éventuelle menace iranienne mais perçu par Moscou comme une «agression» – est le symbole de cette ambiguïté. Barack Obama, qui sera à Prague dimanche pour rencontrer les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE après avoir promis à Londres une «détente» à Dmitri Medvedev, est sur ce dossier particulièrement attendu.

La difficulté, pour l’Alliance, est ce faisant de rester elle-même: un parapluie de sécurité dans lequel tous ses membres ont confiance. Doit-elle, alors, se recentrer sur des tâches défensives, redonnant ainsi de l’oxygène à des forums de médiation tels que l’OSCE, comme le propose la Russie, avec l’oreille attentive de la France? Ou doit-elle carrément inclure la Russie dans des projets communs? «Une chose est sûre, reconnaît un de ses hauts responsables, chaque promesse non tenue, en Afghanistan comme dans le Caucase, est une brèche dans le contrat. Notre fiabilité militaire est incontestable. Mais nous devons regagner de la crédibilité.»