Abdulhadi al-Khawaja reste en prison
bahreïn
Le dissident refuse de se nourrir depuis trois mois. La Cour de cassation a accepté de rouvrir son dossier, ainsi que vingt autres cas d’opposants. Les proches d’Al- Khawaja dénoncent une farce judiciaire
«La liberté ou la mort», a-t-il promis. A chaque jour qui passe, l’opposant bahreïni Abdulhadi al-Khawaja semble plus près de la seconde que de la première. Alors que la date du 30 avril circulait comme celle de sa possible libération, celui qui est devenu l’une des victimes les plus célèbres de la répression qui règne dans le petit royaume devra encore attendre. Condamné en juin dernier à la prison à perpétuité, après avoir été torturé et maintenu en isolement pendant des mois, Al-Khawaja refuse de se nourrir depuis bientôt trois mois. Lundi, la Cour de cassation a certes accepté de rouvrir le dossier devant la justice civile. Mais le nouveau procès (dont la date n’a pas été fixée) se fondera sur les mêmes preuves d’accusation réunies par les militaires. Et en attendant, le dissident restera en prison.
«Cette décision, ce n’est que de la poudre aux yeux», commente au téléphone la fille de l’opposant, Maryam al-Khawaja, 24 ans, qui est elle-même responsable des relations extérieures du Bahrain Centre for Human Rights. «Il n’y a pas de système judiciaire clairement établi», poursuit cette jeune femme qui, il y a quelques semaines, avait été invitée à Genève dans le cadre du Festival du film et forum international sur les droits humains. «Pour le régime, c’est juste une manière de gagner du temps afin que la communauté internationale l’oublie progressivement.»
A l’approche du Grand Prix de Formule 1 de Bahreïn, le 22 avril dernier, la principale crainte des organisateurs était devenue la mort en prison d’Abdulhadi al-Khawaja, qui aurait sans doute signifié le redoublement des manifestations et des violences. Alors que l’activiste s’était tenu à dessein à l’écart de toutes les protestations qui avaient ébranlé le pouvoir l’année dernière sur la place de la Perle (détruite depuis lors), des hommes masqués étaient venus le chercher chez lui et l’avaient violemment battu avant de le conduire dans un hôpital militaire, puis en prison. Sa mâchoire a été fracturée à quatre endroits. C’est sur les aveux obtenus au terme de mois d’interrogatoire musclé qu’il a ensuite été condamné à la perpétuité. Vingt autres militants ont connu des sorts semblables.
Ces cas ont été considérés comme suffisamment emblématiques pour qu’une commission internationale, menée par le juriste Cherif Bassiouni, établisse qu’il s’agissait là d’un moyen de «dissuader l’opposition politique». En traînant les pieds, le régime bahreïni avait accepté les conclusions de cette commission, l’été dernier. «Mais depuis, il multiplie les arguties juridiques pour ne rien changer», affirme Maryam al-Khawaja. Selon la famille du militant, celui-ci a été drogué et nourri de force ces derniers jours. «Cette pratique est interdite par le droit international. Elle peut en outre entraîner de graves complications médicales», assure encore la militante.
Occupant une place stratégique centrale dans le golfe Persique, le Bahreïn est depuis longtemps dans l’orbite de son puissant voisin saoudien et constitue une pièce maîtresse de la présence américaine et britannique dans la région. Alors que la vaste majorité de ses habitants est chiite, la famille royale en place, Al-Khalifa (qui est sunnite), est perçue comme un rempart contre les visées supposées de l’Iran chiite. Dans le même rapport, la commission Bassiouni avait cependant indiqué qu’elle n’avait trouvé aucun lien, formel ou informel, entre l’Iran et l’opposition bahreïnie.
Les opposants se disent ainsi confrontés à un «deux poids deux mesures évident». «A propos de la Syrie, les Occidentaux s’en prennent à la Russie et à la Chine, grâce auxquelles on écrase l’opposition. Or, ici, ce sont ces mêmes Occidentaux qui détournent le regard», s’emporte Maryam al-Khawaja.
Son père n’est pas le seul à souffrir de ces incohérences occidentales. La fille aînée, Zainab, a elle aussi été arrêtée en marge du Grand Prix, alors qu’elle tentait de bloquer une route conduisant au Circuit international de Sakhir. C’est au moins son quatrième séjour en prison. Accusée notamment d’avoir «agressé» les forces de l’ordre (alors qu’elle avait été menottée auparavant), elle est depuis lors en attente d’une décision de justice.
«Cette décision de la justice, ce n’est que de la poudre aux yeux», commente sa fille