L’avocat Osman Süzen est de ceux qui n’ont cessé de mettre en garde les autorités sur l’existence de ces cellules islamistes. «Aujourd’hui, il se peut que les auteurs soient étrangers, mais il est fort probable qu’ils aient été soutenus et protégés à l’intérieur même du pays.» L’homme, qui est aussi à la tête de la branche d’Adiyaman de l’Association turque des droits de l’homme, ajoute: «Le danger a été longtemps négligé parce que l’État islamique était utile au gouvernement en Syrie. Voilà pourquoi Daech est capable aujourd’hui de commettre des crimes lorsqu’il le veut, partout en Turquie. L’État turc porte donc une grande part de la responsabilité.»
Longtemps, même les habitants d’Adiyaman ont refusé de reconnaître ce danger. La ville est majoritairement acquise à l’AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdogan. «Adiyaman, comme une bonne partie de la Turquie, est traversée de structures religieuses très conservatrices», note encore Osman Süzen. Un terreau dans lequel il a été facile, pour les groupes tels Dokumaci, de recruter abondamment au vu et au su de tous. Plusieurs centaines de djihadistes de Daech seraient passés par les cellules d’Adiyaman.
Et ce, d’autant plus, insiste l’avocat, que les autorités ont encouragé ces dernières années la création de groupes religieux, même radicaux, au nom de la lutte contre les Kurdes, qui peuplent en majorité cette province. Après le dévoilement de l’existence du groupe de Dokumaci, ses membres – du moins ceux qui ne s’étaient pas déjà fait exploser ou qui n’ont pas été arrêtés sur les lieux mêmes des attentats – se sont évanouis dans la nature. «Mais à ma connaissance, il n’y a eu aucune opération d’envergure contre eux», témoigne Osman Süzen.