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Affaibli, Barack Obama peut encore rebondir

Le Sénat a approuvé mardi le relèvement du plafond de la dette. L’actuel président a perdu une bataille, mais pas la guerre

Après la Chambre des représentants, le Sénat a mis fin au psychodrame qui a tenu en haleine les Etats-Unis et la planète entière pendant plusieurs semaines. Mardi, il a approuvé par 74 voix contre 26 le relèvement du plafond de la dette américaine de 14 300 milliards de dollars. Le pays ne connaîtra pas, du moins pour l’instant, l’humiliation du défaut de paiement qui serait intervenu à minuit hier soir si le Capitole avait refusé l’accord bipartisan qui prévoit un relèvement dudit plafond d’au moins 2100 milliards de dollars.

Le président américain a promulgué la loi peu après son adoption. Après des mois d’impasse politique, ce résultat est vécu tantôt avec soulagement, tantôt avec inquiétude. Certains démocrates pensent que les chances de Barack Obama d’être réélu à la Maison-Blanche dans quinze mois sont hypothéquées. Mais le sont-elles vraiment?

Les concessions faites aux républicains et aux ténors du Tea Party sont considérables. Si des coupes budgétaires importantes vont être opérées dans différents secteurs, dont la Défense, ce qui offusque le plus certains démocrates, c’est le fait qu’aucune hausse d’impôt ne sera décrétée pour rétablir les finances du pays. Malgré l’énorme dette américaine, une population vieillissante et des coûts de la santé qui explosent, les recettes fiscales sont à leur plus bas niveau depuis la Seconde Guerre mondiale. De plus, l’accord ne prévoit aucune mesure de relance de l’économie alors que le taux de chômage avoisine les 10%. C’est ce qui indispose le Bureau ovale. Dans une allocution hier soir, le président a dès lors exhorté le Congrès à adopter des mesures pour stimuler l’économie qui tourne au ralenti. Pour l’heure, le président a réussi à épargner les bénéficiaires de Medicaid (l’aide aux plus défavorisés), de Medicare (couverture santé) et de la Sécurité sociale. La marge de manœuvre de la Maison-Blanche était réduite. Un non-accord aurait sans doute coûté plus cher encore à l’actuel président.

«Il est prématuré de prédire un échec d’Obama en novembre 2012, relève William Galston, conseiller politique du président Bill Clinton dans les années 1990 et chercheur à la Brookings Institution. La question est de savoir comment Barack Obama va réussir à convaincre le centre et quelle sera l’attitude des libéraux (aile gauche du Parti démocrate). Ces derniers sont aujourd’hui fâchés. Mais avec le virage à droite toute des républicains, ils seraient terrifiés de les voir s’emparer du Bureau ovale. Ils pourraient dès lors voter Obama.»

L’épisode de la dette va sans doute laisser des traces, mais les prédictions demeurent aléatoires. Voici un an, on disait du président qu’il devrait sa survie à sa gestion de la marée noire dans le golfe du Mexique. Puis à la mort d’Oussama ben Laden, de nombreuses voix avançaient que sa réélection était assurée. Désormais, l’économie sera sans doute la plus grande menace pour Barack Obama.

La grande bataille du Capitole aura surtout montré que la campagne présidentielle sera impitoyable. Jamais l’écart idéologique entre républicains et démocrates n’a été aussi grand depuis la fin du XIXe siècle, selon une étude menée par les politologues Nolan McCarty, Keith Poole et Howard Rosenthal et citée dans le Washington Post. La campagne sera polarisée telle qu’elle ne l’a que très rarement été par le passé. Selon le républicain Mickey Edwards, la présente crise «n’avait rien à voir avec le plafond de la dette. Il était en fait uniquement question de l’élection de 2012». Et les lignes de front semblent déjà clairement définies. Il sera question de la taille de l’administration américaine, mais aussi des réallocations de ressources plus rares.

Les critiques de la Maison-Blanche estiment que le président a péché par naïveté en pensant que l’esprit bipartisan de coopération avec les républicains allait souffler sur les négociations. Des voix avancent que Barack Obama est aussi trop «obsédé» par le vote des indépendants qu’il a perdu lors des élections de mi-mandat. Mais ces électeurs, plus volatils, risquent de jouer un rôle crucial dans plusieurs Etats clés (swing states).

La cote de popularité du président a chuté à 40% selon l’Institut Gallup. William Galston ne juge pas cela déterminant: «De nombreux Américains peuvent accepter un président avec lequel ils ne sont pas d’accord. Mais ils exigent deux choses […]: des convictions compréhensibles et la détermination de les défendre.» En 1982, le président Ronald Reagan évita un désastre lors des élections de mi-mandat malgré un taux de chômage de 10% et une cote de popularité de moins de 40%. «Mais les gens savaient qui il était et où il voulait mener le pays.»

Jamais l’écart idéologique entre républicains et démocrates n’a été aussi grand