«Je me suis trompé en accordant ma confiance à une personne inappropriée. J’ai commis l’erreur de croire en un faux innocent, mais je n’ai pas commis le délit de protéger un présumé coupable.» Ce sera le seul point sur lequel le chef du gouvernement espagnol aura bien voulu reconnaître sa responsabilité dans «l’affaire Barcenas». Sur la demande de l’opposition et sous la menace d’une motion de censure, Mariano Rajoy a finalement accepté de comparaître en pleines vacances scolaires devant la Chambre des députés pour éclaircir son rôle dans cette vaste affaire de corruption, qui éclabousse depuis le début de l’année l’ensemble du Parti populaire (PP).

Le chef du gouvernement est au centre des accusations de l’ex-trésorier du parti conservateur, Luis Barcenas, actuellement sous les verrous pour avoir blanchi et détourné quelque 47 millions d’euros sur un compte en Suisse. Expulsé l’an dernier de la direction générale du parti, l’ancien grand ar­gentier ne cesse depuis de révéler des informations compromettantes pour les barons du PP.

Financement illégal

Selon des documents remis au juge Pablo Ruz, le parti aurait bé­néficié d’un financement illégal d’au moins 7,5 millions d’euros depuis les années 1990. Cette double comptabilité officieuse aurait en outre été accompagnée de salaires extras versés au noir aux dirigeants du parti. Mariano Rajoy et la numéro deux du gouvernement, Maria Dolores de Cospedal, auraient perçu par ce biais 90 000 euros en coupures de 500 euros. Luis Barcenas a assuré que les remises d’en­veloppes étaient «systématiques». «Pendant ces vingt dernières années au moins, le Parti populaire a été financé de manière illégale», a-t-il déclaré à El Mundo. Un système de corruption de grande ampleur au sein de cette formation, dont il aurait hérité en prenant ses fonctions de gestionnaire, dans les années 1990.

Face à ces accusations, le leader de la droite a joué la carte du déni, reprochant à l’opposition socialiste de vouloir déstabiliser le pays avec des «calomnies». «Nous sommes un pays sérieux, qui a besoin de stabilité politique à un moment où l’économie va mieux», a-t-il assuré en citant une légère baisse du chômage, de 26,26% à 26,16%.

Mariano Rajoy est certes conscient du dommage causé par cette affaire au sein des marchés financiers, mais aussi au cœur même des institutions politiques du pays. Selon un récent sondage de Metroscopia, 89% des personnes interrogées pensent que la droite est mouillée dans ce scandale de ­corruption et avouent ne plus «croire» en les institutions. «Après cinq ans de gueule de bois et la multiplication des affaires, analyse le sociologue Juan Luis Toharia, les gens ont pris conscience de l’étendue tentaculaire de la corruption dans les hautes sphères. Le scepticisme est énorme.»

«Aucun délit caché»

Cette crise de confiance a été l’un des thèmes abordés par le chef de l’exécutif, qui a souhaité mettre carte sur table: «Au sein du Parti populaire, il n’y a eu ni une double comptabilité, ni aucun délit caché […]. Quant à moi, je vous assure que j’ai toujours déclaré tous mes salaires; les déclarations de mes revenus et celles de mon patrimoine des dix dernières années sont visibles aux yeux de tous.»

Des déclarations qui n’ont toutefois pas convaincu les partis de l’opposition. Le chef des socialistes, Alfredo Pérez Rubalcaba, a demandé à Mariano Rajoy de «partir» afin de ne plus «causer de torts à l’Espagne». Le premier ministre s’est contenté de botter en touche. «Rien de lié à ce sujet ne m’a empêché ou ne m’empêchera de gouverner, a-t-il lancé. Je ne vais pas me déclarer coupable, parce que je ne le suis pas. Je ne vais ni démissionner, ni organiser d’élections.»