Les affaires de pédophilie dans l’Eglise catholique fragilisent toujours plus le pape
Vatican
Un ancien ambassadeur du Vatican réclame la démission de François. Il l’accuse d’avoir couvert un cardinal accusé de pédophilie. Une affaire qui cache une féroce lutte de pouvoir au sein de l’Eglise

La demande de pardon de François aux victimes d’abus commis dans l’Eglise irlandaise est inaudible. Ses paroles, lors de la messe de clôture de la rencontre mondial des familles dimanche à Dublin, se noient dans de violentes accusations. Le même jour, l’ancien nonce apostolique à Washington, l’archevêque Carlo Maria Viganò, a écrit que le pontife était au courant d’abus sexuels commis par un cardinal américain. «Je ne dirai pas un mot à ce propos», a répondu le pape lors d’une conférence de presse le soir même dans l’avion le ramenant à Rome.
Selon l’ancien ambassadeur, le Saint-Siège était informé des agissements de l’archevêque émérite de Washington, le cardinal Theodore McCarrick, depuis le début des années 2000 déjà et François, dès les premiers mois suivant son élection en mars 2013. Le pontife avait accepté fin juillet la démission du cardinal américain, le suspendant de «l’exercice de quelconque ministère public» et l’obligeant à «résider dans une maison qui lui sera indiquée, pour une vie de prière et de pénitence». L’homme de 88 ans est accusé d’abus sexuels sur des mineurs et des adultes séminaristes sur une période couvrant plusieurs décennies.
Le pape François cherche depuis des mois à contenir l’explosion de scandales de pédophilie au sommet de l’Eglise. Plusieurs affaires sont en train de ternir son pontificat. L’un de ses plus proches collaborateurs, le cardinal George Pell, préfet du secrétariat pour l’Economie du Vatican, doit par exemple être jugé en Australie pour des agressions sexuelles remontant aux années 1970 et 1990. Il a été formellement inculpé en mai dernier. L’ancien archevêque de Sydney et de Melbourne plaide non coupable.
George Pell avait été choisi par François comme l’un des membres du conseil de neuf cardinaux chargés de l’aider dans la réforme de la Curie et d’autres dicastères. Mais en 2017, il avait pris congé de ses fonctions pour rentrer dans son pays et faire face à ces accusations. Le cardinal George Pell est le plus haut représentant de la hiérarchie de l’Eglise à être poursuivi pour agressions sexuelles.
«Graves erreurs» reconnues
Une autre affaire sur un autre continent empoisonne dans le même temps le pontificat de François. Ce dernier reconnaît en avril avoir commis de «graves erreurs dans l’évaluation et la perception» de la situation au Chili, où il s’est rendu fin janvier. Il avait alors défendu un évêque soupçonné d’avoir couvert les crimes commis par un prêtre, demandant aux victimes présumées les preuves de ce qu’elles avançaient. Il leur avait ensuite demandé pardon et avait dépêché sur place un enquêteur.
La question de la responsabilité des évêques couvrant des agresseurs et des pédophiles a été alors posée. Comme encore en cette fin de semaine en Irlande. Marie Collins, victime irlandaise d’un prêtre pédophile lorsqu’elle avait 13 ans, a expliqué que le pape n’est pas favorable à la création de nouveaux tribunaux d’enquête au Vatican sur la question des abus, en particulier pour les évêques. Pour François, cette option n’est pas «praticable ni pratique».
Le pape argentin ne cesse de se défendre et de réagir aux scandales naissant partout dans le monde, sans réussir à prendre le contrôle. Marie Collins avait par exemple démissionné de la commission pontificale pour la protection des mineurs créée en 2014 par François. Elle dénonçait le «manque de coopération» de la Curie romaine, le gouvernement de l’Eglise. Cette commission est depuis restée discrète.
Le principe de tolérance zéro
Le pontife argentin est rentré à Rome dimanche soir avec la certitude de revoir bientôt cette ancienne victime, après l’avoir rencontrée samedi avec sept autres survivants d’abus sexuels en Irlande. Mais il rentre un peu plus fragilisé. Une semaine après avoir rédigé une «lettre au peuple de Dieu» pour répondre aux inquiétudes des fidèles suite à une enquête en Pennsylvanie, aux Etats-Unis, révélant les abus sexuels de quelques 300 prêtres sur près d’un millier de mineurs, il se voit... invité à la démission.
L'archevêque Carlo Maria Viganò lui demande en effet de «reconnaître ses erreurs» et, «par cohérence avec son principe de tolérance zéro», l’exhorte à «démissionner» pour «donner le bon exemple aux cardinaux et aux évêques ayant couvert les abus de McCarrick». Par son silence, le pape vise à ne pas alimenter davantage ce qui apparaît comme une féroce lutte de pouvoir au sein de l’Eglise. L’ancien nonce apostolique représente l’aide traditionaliste qui s’oppose depuis toujours au pape argentin. Après avoir gardé le silence depuis le début du pontificat, le prélat publie sa lettre au moment où François semble le plus fragile.
Et alors que le pape tient des paroles à nouveau positives sur les homosexuels, l’archevêque tient cette orientation sexuelle comme responsable des abus dans l’Eglise. S’en prenant à des hommes proches de François appartenant à un soi-disant «courant pro-homosexualité, favorable à subvertir la doctrine catholique», il utilise l’affaire McCarrick comme prétexte pour «dénoncer la gravité du comportement homosexuel» et affirmer vouloir «éradiquer les réseaux homosexuels existants dans l’Eglise» qui «écrasent des victimes innocentes, des vocations sacerdotales et sont en train d’étrangler l’Eglise toute entière».