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Afrique du Sud. Une rencontre avec René Felber en 1988 a mal tourné

Pieter Botha etait venu en Suisse participer àdes négociations secrètes.

Tout en condamnant le régime de l'apartheid, la Suisse a maintenu d'étroits contacts avec Pretoria entre 1948 et 1994. Le rapport final du Fonds national sur les relations entre la Suisse et l'Afrique du Sud sous l'apartheid - le fameux PNR42+ publié en octobre 2005 - documente très bien cette attitude schizophrénique. En ne se joignant pas aux sanctions internationales, la Suisse a, par ses exportations de capitaux et l'acquisition d'or sud-africain, soutenu économiquement le régime. Elle a aussi appuyé la fabrication de bombes atomiques sud-africaines en violant l'embargo onusien, rappelle l'historien Peter Hug.

D'autres faits sont moins connus. La Suisse a ainsi soutenu en 1988 une initiative de paix secrète lancée par un avocat du Cap, Richard Rosenthal. Son but: ouvrir des négociations entre le gouvernement d'apartheid et l'African National Congress (ANC). Et aboutir à la libération de Nelson Mandela. C'est dans ce cadre que Pieter Botha rencontre le conseiller fédéral socialiste René Felber à Berne en 1988.

Tout a commencé le 23 septembre 1987. Richard Rosenthal fait part de son projet par lettre au président sud-africain. A sa grande surprise, Pieter Botha répond positivement. Son ministre Stoffel Van der Mewe et Richard Rosenthal pensent alors à la Suisse comme «pays facilitateur». Le 6 mai 1988, Richard Rosenthal rencontre le secrétaire d'Etat Edouard Brunner dans un restaurant bernois. Comme il le raconte dans un livre paru en 1998, Edouard Brunner lui promet ce jour-là le soutien et l'appui financier de Berne.

La machine est lancée. Les contacts diplomatiques se multiplient. Edouard Brunner propose notamment de libérer Nelson Mandela sur sol suisse, ce qui permettrait au gouvernement sud-africain, sans perdre la face, d'alléguer des motifs de santé. Le 3 octobre 1988, Pieter Botha rencontre René Felber à Berne. Mais l'entretien tourne mal. René Felber rend le président sud-africain furieux en lui demandant brusquement pourquoi l'«initiative Rosenthal» avance si lentement. Pieter Botha prend alors conscience de l'ampleur de l'opération. Le 6 novembre, Rosenthal est prié de renoncer à sa mission. Mais il ne lâche pas prise. Le 14 décembre, il adresse une lettre à Pieter Botha dans laquelle il transmet l'offre de Berne d'accueillir une rencontre secrète entre représentants du gouvernement et de l'ANC. La réponse tombe le 19 janvier 1989, négative. Elle met fin à la «mission» suisse.