Après Donald Trump, le président nigérian est dans le viseur de Twitter
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Le réseau social a censuré un message du président Muhammudu Buhari, menaçant les indépendantistes du Biafra d’une nouvelle guerre. C’est la seconde fois que Twitter intervient contre un chef d’Etat

Le réseau social Twitter a censuré mercredi un message du président nigérian Muhammudu Buhari, provoquant la colère des autorités du pays le plus peuplé d’Afrique. Le tweet en question menaçait les responsables des violences dans le sud-est du pays. Les troubles dans cette région réveillent les fantômes de la terrible guerre du Biafra à la fin des années 1960, qui avait fait plus d’un million de victimes, en majorité des Igbos, le troisième groupe ethnique du pays.
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«La plupart de ceux qui se comportent mal aujourd’hui sont trop jeunes pour être au courant des destructions et des pertes de vies humaines enregistrées lors de la guerre civile nigériane», avait écrit mardi le président Buhari. «Ceux d’entre nous qui étaient sur le terrain durant ces trente mois, qui ont connu cette guerre, les traiteront avec le langage qu’ils comprennent», a-t-il menacé.
Twitter sous pression
Elu à la tête du Nigeria en 2015, Muhammudu Buhari est un général originaire du nord musulman. Il a participé à la guerre contre le Biafra, écrasant la république qui s’était proclamée indépendante en 1967. Son message sur Twitter a enflammé la toile nigériane. De nombreux internautes ont appelé le réseau social à intervenir, estimant qu’il incitait à la violence contre les Igbos. Le lendemain de la publication, la société américaine a finalement sévi. Mercredi, le tweet présidentiel avait été remplacé par une mention, signalant que le message n’était plus disponible car il violait les règles d’utilisation de Twitter.
C’est la première fois qu’un chef d’Etat se voit ainsi censuré depuis Donald Trump. Après l’assaut du Capitole par ses partisans en janvier dernier, le compte du président avait été suspendu. Puis l’ancien locataire de la Maison- Blanche avait carrément été banni du réseau social.
I receive daily security reports on the attacks on critical national infrastructure, and it is very clear that those behind them want this administration to fail. Whoever wants the destruction of the system will soon have the shock of their lives. We’ve given them enough time.
— Muhammadu Buhari (@MBuhari) June 1, 2021
D’autres messages menaçants du président nigérian ce jour-là sont pourtant passés entre les gouttes. Dans l’un d’eux, le président Buhari affirmait qu’il recevait chaque jour des informations sur des attaques perpétrées contre des infrastructures étatiques cruciales. «Quiconque est derrière ces attaques aura le choc de sa vie. Nous leur avons donné assez de temps», poursuivait le chef d’Etat, faisant référence à des attaques contre la commission électorale. Les prochaines élections sont prévues en 2023.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed Buhari, les revendications indépendantistes du Biafra ont pris de la vigueur. Selon le gouvernement nigérian, au moins 127 membres des forces de sécurité ont été tuées depuis le début de l’année dans cette région.
Le Ghana préféré au Nigeria
Le gouvernement nigérian a vivement réagi à cette censure. Le président a le droit de s’exprimer sur les affaires du Nigeria, a estimé le ministre des l’Information. Lequel a dénoncé le «deux poids, deux mesures» de Twitter, puisque les leaders séparatistes igbos, considérés par Abudja comme terroristes, continuent de diffuser leurs messages sur la plateforme. Le ministre a aussi reproché au directeur de Twitter, Jack Dorsey, d’avoir soutenu le mouvement contre les violences policières l’année dernière au Nigeria et de n’avoir rien trouvé à redire quand des policiers étaient attaqués par les manifestants.
En 2019, Jack Dorsey était venu personnellement au Nigeria, le plus grand marché en Afrique pour la firme américaine. Mais, en avril dernier, Twitter a choisi le Ghana pour implanter son futur quartier général sur le continent. Pour justifier son choix, l’entreprise a cité le respect par le Ghana des libertés, y compris sur internet, suscitant l’incompréhension au Nigeria.