Confusion en Guinée-Bissau après une tentative de coup d’Etat
Afrique
Mardi, une fusillade nourrie a été entendue près du siège du gouvernement dans la capitale de Guinée-Bissau. Le président, Umaro Sissoco Embalo, a assuré dans la soirée que la situation était «sous contrôle»
Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a assuré mardi soir que son gouvernement contrôlait la situation, après ce que les pays de la région et l’Union africaine ont qualifié de tentative de coup d’Etat. «Je vais bien Alhamdoulillah» (Dieu merci), a écrit le président bissau-guinéen sur son compte Twitter. «La situation est sous contrôle gouvernemental».
Le président a également indiqué que la tentative de coup d’Etat avortée avait fait «plusieurs blessés graves et des morts».
Des hommes en armes ont échangé des tirs nourris mardi en Guinée-Bissau, mardi après-midi, dans le secteur du palais du gouvernement où était présumé se trouver le chef de l’Etat. La situation demeurait très confuse en début de soirée dans la capitale de ce petit pays d’Afrique de l’Ouest à l’histoire politique troublée.
Je vais bien Alhamdoulillah. La situation est sous contrôle gouvernemental. Je remercie la population de Guinée Bissau et toutes les personnes au delà de notre pays qui se sont inquiétées pour mon gouvernement et moi. Vive la République et que Dieu veille sur la Guinée-Bissau.
— Umaro Sissoco Embaló (@USEmbalo) 1 février 2022
«Tout va bien», avait déjà dit le président Umaro Sissoco Embalo dans un très bref entretien téléphonique avec l’AFP en fin d’après-midi, sans qu’apparaissent les conditions dans lesquelles il s’exprimait.
Selon différents témoignages, des hommes en armes sont entrés en début d’après-midi dans le complexe du palais du gouvernement, qui abrite les différents ministères en périphérie de la capitale, près de l’aéroport, et où devait se tenir un conseil des ministres extraordinaire en présence du président et du premier ministre Nuno Gomes Nabiam. Des témoignages ont présenté ces hommes comme des militaires, d’autres comme des civils.
«Cétait la grosse panique»
Des tirs nourris ont ensuite été entendus une bonne partie de l’après-midi. Les alentours du palais ont été en proie à des mouvements d’habitants fuyant les lieux. Les marchés se sont vidés et les banques ont fermé leurs portes.
Des hommes lourdement armés ont encerclé le complexe, où le président et les ministres étaient présumés bloqués, sans qu’on sache si ces hommes étaient des mutins ou des forces loyales au pouvoir. Un correspondant de l’AFP a rapporté qu’un homme en arme l’avait sommé de s’éloigner en le mettant en joue.
🔴[ALERTE] #GuineeBissau: situation toujours tendue autour du palais du gouvernement à #Bissau. Cette vidéo atteste de la violence des combats. #putsh #CEDEAO pic.twitter.com/G5fjKQSGDB
— LSI AFRICA (@lsiafrica) 1 février 2022
Une Française de 36 ans vivant en Guinée-Bissau, jointe au téléphone par l’AFP, a raconté être allée chercher en toute hâte ses deux enfants dans une école proche du palais du gouvernement après avoir été informée inopinément de la fermeture de toutes les écoles. Son mari, travaillant dans une banque, a reçu lui aussi la consigne de rentrer chez lui.
Au moment où elle passait devant le palais, elle a vu des soldats en armes y entrer, a-t-elle dit. «Ils ont fait sortir le personnel féminin. C’était la grosse panique», a relaté cette Française de 36 ans.
Réactions
Un large cordon sécuritaire a été mis en place autour du palais, tenant les journalistes et les curieux à distance. Des véhicules chargés d’hommes armés ont circulé dans les rues de la ville.
Un journaliste a rapporté sous le couvert de l’anonymat que le siège de la télévision publique était occupé depuis le début de l’après-midi par des militaires qui ont empêché les journalistes de sortir. On ignorait s’ils étaient des militaires loyalistes ou rebelles, a-t-il précisé.
C’est une nouvelle tentative de coup de force en Afrique de l’Ouest.
«La Cédéao condamne cette tentative de coup d’Etat et tient les militaires responsables de l’intégrité physique du président Umaro Sissoco Embalo et des membres de son gouvernement», a déclaré la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux.
Même son de cloche à l’Union africaine, dont le président de la Commission, Moussa Faki Mahamat, «suit avec grande inquiétude la situation en Guinée-Bissau, marquée par une tentative de coup d’Etat contre le gouvernement du pays», selon un communiqué.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a réclamé dans un communiqué «l’arrêt immédiat» des combats à Bissau et «le plein respect des institutions démocratiques du pays».
Communiqué de la CEDEAO sur la Guinée Bissau pic.twitter.com/2ZSF60L1mQ
— ECOWAS-CEDEAO (@ecowas_cedeao) 1 février 2022
Corruption endémique
La Guinée-Bissau, petit pays d’environ deux millions d’habitants frontalier du Sénégal et de la Guinée, est abonnée aux coups de force politique. Depuis son indépendance du Portugal en 1974 après une longue guerre de libération, elle a connu quatre putschs (le dernier en 2012), une kyrielle de tentatives de coup d’Etat et une valse des gouvernements.
Depuis 2014, elle s’est engagée vers un retour à l’ordre constitutionnel, ce qui ne l’a pas préservée de turbulences à répétition, mais sans violence.
Le pays pâtit d’une corruption endémique. Il passe aussi pour une plaque tournante du trafic de cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe. Les forces armées jouent un rôle prééminent.
Depuis début 2020, Umaro Sissoco Embalo, un ancien général de 49 ans, est le chef de l’Etat, à la suite d’une présidentielle au résultat toujours contesté par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC), formation dominante depuis l’indépendance. Il est depuis des mois à couteau tiré avec son premier ministre.
Ces évènements évoquent immanquablement les putschs en série qui agitent l’Afrique de l’Ouest depuis 2020: au Mali en août de cette année-là et à nouveau en mai 2021, en Guinée en septembre 2021 et au Burkina Faso en janvier de cette année.
La situation dans ces différents pays devait être discutée cette semaine lors d’un sommet de la Cédéao.