La Suisse appelle tous les voyageurs helvétiques à rentrer au plus vite. Quelque 7700 Suisses se sont annoncés en voyage à l’étranger, selon le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Berne conseille à tous ses ressortissants d’installer sur leur téléphone portable l’application Travel Admin, qui permet de géolocaliser tous les voyageurs et contient les numéros de la helpline du DFAE.

Il faut faire vite, car les frontières se ferment en cascade et les annulations de vol pleuvent. «Ceux qui veulent revenir en Suisse doivent se dépêcher», mettait en garde mercredi le conseiller fédéral Ignazio Cassis. Mais Berne ne sera pas d’un grand secours, contrairement à d’autres pays qui organisent le rapatriement de leurs ressortissants. «Nous ne pouvons pas rapatrier chaque personne, c’est la responsabilité de chaque citoyen», déclarait le chef de la diplomatie suisse.

Le service de communication du DFAE enfonce le clou: d’après la loi, «les ressortissants suisses ne peuvent pas revendiquer le droit à un départ organisé par la Confédération d’une zone de crise ou d’une situation de crise». Mais le DFAE peut apporter «une aide et un soutien subsidiaire»… tant que les lignes de transport commerciales fonctionnent encore.

Voilà pour le principe. Dans les faits, les ambassades et les consulats suisses apportent un concours très inégal aux voyageurs en rade. Certains diplomates se démènent, comme l’ambassadeur au Maroc, qui donne des renseignements sur son compte Twitter sur les derniers vols commerciaux de retour. La Suisse a réussi à négocier un ultime délai jusqu’à dimanche 22 mars pour que ses ressortissants puissent rentrer. Plusieurs vols spéciaux organisés par les compagnies aériennes, comme EasyJet, sont encore partis jeudi depuis Marrakech et Agadir.

Mais il faut essayer à tout prix de partir d’ici à ce vendredi, alerte l’ambassadeur, compte tenu de l’état d’urgence qui sera instauré ce soir par le Maroc et compliquera les déplacements. Depuis la semaine dernière, le royaume a suspendu toutes les liaisons aériennes internationales.

Des Suisses en quarantaine au Maroc

Laura Mottaz, son mari et son fils de 3 ans savent déjà qu’ils ne pourront pas quitter le Maroc d’ici à dimanche. «Nous sommes en quarantaine dans notre hôtel au minimum jusqu’au 27 mars», explique la Genevoise. La directrice de leur hôtel à Taroudant, une ville près d’Agadir, a été testée positif au coronavirus et la police a bouclé les lieux. «Au début de la semaine, l’ambassade de Suisse nous disait qu’elle ne pouvait rien pour nous. Puis elle nous a rappelés pour établir une liste de Suisses en quarantaine, éventuellement pour organiser un vol spécial», espère Laura Mottaz. D’autres Suisses se trouvent dans cet hôtel et il y a sans doute d’autres ressortissants helvétiques en quarantaine au Maroc, où le nombre de cas de coronavirus est passé de 8 à 61 cette semaine.

Le coronavirus dans le monde

Situation kafkaïenne

Il arrive aussi que les compagnies aériennes fassent obstacle au retour des Suisses. Danny Baumann est toujours coincé au Japon avec sa compagne et leur fille de 4 mois. La famille avait décidé d’écourter ses vacances près la conférence de presse de vendredi dernier du Conseil fédéral, annonçant la fermeture des écoles et appelant les voyageurs suisses à rentrer.

Mais, à l’aéroport de Tokyo, les employés de la compagnie Swiss ne les ont pas laissés embarquer. «Parce que ma compagne, qui est Française, n’avait qu’une photocopie de son permis C», raconte Danny Baumann au téléphone. «Son lieu de résidence en Suisse est pourtant indiqué sur son passeport français mais ils n’ont rien voulu savoir. L’ambassade de Suisse a aussi appelé Swiss, mais sans succès. C’est incroyable que des excès de zèle empêchent les gens de rentrer chez eux», fulmine le père. La famille espère pouvoir prendre l’avion mardi. Entre-temps, le permis de séjour a été envoyé à l’ambassade de Suisse au Japon…

Quand le piège se referme

Dans d’autres pays, la fenêtre pour partir par ses propres moyens s’est déjà refermée. Ludovic Tellenbach a envoyé il y a quelques jours un message à la rédaction du Temps, en forme de bouteille à la mer. Le jeune homme est parti au Pérou avec son ami le 1er mars dernier. «Il n’y avait qu’un seul cas de coronavirus en Suisse et nous ne pouvions imaginer l’enchaînement des événements», confie-t-il au téléphone.

Les deux Suisses avaient prévu de rentrer mardi, mais lundi, le président péruvien déclare l’état d’urgence, suspend tous les vols et assigne à résidence tous les touristes. «Nous n’avons même pas la possibilité de changer d’hôtel et d’en trouver un moins cher. Je ne vois pas le bout du tunnel: les mesures d’urgence ont été décrétées pour quinze jours, trente jours pour la suspension des vols internationaux», continue le jeune homme, au bord des larmes.

L’ambassade de Suisse au Pérou? «Chaque fois que nous l’avons appelée, c’était la galère, car personne ne parlait le français. La dernière fois, ils nous ont dit en substance d’arrêter de les harceler. Il y a des Français dans notre hôtel et leur gouvernement travaille à un rapatriement. Cela m’aurait fait du bien d’entendre cette phrase», soupire Ludovic Tellenbach. La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, a promis vendredi de faire en sorte que les 130 000 voyageurs tricolores dans le monde puissent rentrer ces prochains jours. S’agissant du Pérou, Israël a affrété quatre avions pour ramener ses citoyens bloqués dans le pays andin.