ÉDITORIAL. Le coup d’Etat au Mali est une très mauvaise nouvelle pour l’Afrique, mais les présidents qui s’accrochent au pouvoir portent aussi une lourde responsabilité dans l’érosion de la démocratie

L’automne sera brûlant en Afrique de l’Ouest. Dans cette région menacée par la contagion djihadiste, les pouvoirs vacillent. L’un d’eux vient de tomber. Le président malien a été renversé la semaine dernière par de jeunes officiers. L’Afrique renoue ainsi avec ses vieux démons, sauf que le coup d’Etat a été bien accueilli par les Maliens.
Le paradoxe n’en est pas un. Le régime du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) était usé jusqu’à la corde, népotique et incapable de reprendre pied dans les régions échappant à l’autorité de l’Etat, où prospèrent djihadistes, trafiquants et milices.
Les militaires qui ont cueilli le pouvoir à Bamako, avec l’assentiment de la rue, promettent de remettre le pays sur les rails, puis de s’effacer derrière un gouvernement à nouveau civil. Nous verrons si l’armée malienne sera désormais plus efficace contre la menace djihadiste.
Lire l'article lié: Assimi Goita ou la tentation des putschistes maliens de garder le pouvoir
Les promesses n’engageant que ceux qui y croient, les pays voisins du Mali font bien de se montrer sceptiques. En première ligne, c’est à eux qu’il incombe de résoudre la crise. Ils sont bien mieux placés que la France – l’ancienne puissance coloniale appuyant courageusement l’armée malienne face aux djihadistes, mais accusée de tous les maux – ou qu’une hypothétique communauté internationale.
A juste titre, les pays d’Afrique de l’Ouest demandent des garanties et un calendrier pour un retour à l’ordre constitutionnel. Ils seraient plus crédibles s’ils étaient aussi exigeants envers leurs propres régimes. Or, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’organisme régional, a jusqu’ici été incapable de déminer la crise malienne, plus soucieuse de sauver le président IBK, pourtant largement défaillant.
Lire aussi: «IBK, l’homme fort du Mali, vacille»
Alors que la région se signalait en Afrique par sa démocratie, la Cedeao ressemble aujourd’hui davantage à un club de potentats s’accrochant à leur pouvoir. Cet automne, le président ivoirien Alassane Ouattara briguera un troisième mandat, après être revenu sur la promesse de ne pas se représenter. Son collègue guinéen Alpha Condé a, lui, trafiqué la Constitution pour rempiler. Les deux pays risquent, eux aussi, de se trouver dans une situation explosive.
A ce sujet: «Toute l’Afrique de l’Ouest sur le qui-vive après le coup d’Etat au Mali»
Le putsch malien risque de donner des idées à d’autres militaires en Afrique. Voilà pourquoi la pression ne doit pas être relâchée sur la mystérieuse junte de Bamako, pour qu’elle clarifie ses intentions et s’engage à rendre le pouvoir aux civils. Mais la même exigence doit aussi être appliquée aux apprentis sorciers qui dévoient la démocratie et méprisent l’alternance. Car eux aussi font le lit des coups d’Etat.
Vos contributions
connexion créer un compte gratuit