«Les contrôles médicaux» du chef d’Etat algérien, Abdelaziz Bouteflika, s’éternisent à Genève alors que l’homme fait face dans son pays à un mouvement de contestation inédit. Cela devait être un «court» séjour, selon les mots de la présidence. Il dure depuis dix jours.

Le jet algérien qui a, selon toute vraisemblance, transporté le président et ses proches n’est toujours pas revenu à Cointrin. «Le 24 février au soir, il était reparti en direction de l’Algérie quarante-sept minutes après son atterrissage», rapporte le journaliste François Pilet, cofondateur du compte twitter «GVA dictator alert», qui trace les allées et venues de certains avions officiels vers Cointrin.

Quand le président, qui entend briguer à 82 ans un 5e mandat le 18 avril, rentrera-t-il à Alger? Les autorités algériennes se murent dans le silence. A Genève, le consulat n’a «aucune information à communiquer». Selon la Tribune de Genève, l’état de santé d’Abelaziz Bouteflika serait très préoccupant. Le président se trouverait sous «menace vitale permanente».

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Quatre médecins algériens

Le quotidien estime que l’état du président, admis aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG), est «très précaire et nécessite des soins constants». En cause? Une perte de réflexes neurologiques due à un AVC (en 2013) et à son âge. Celle-ci provoquerait une «broncho-aspiration». C’est-à-dire que son corps ne saurait plus empêcher l’ingestion d’aliments ou de liquides par les poumons. De graves infections peuvent en découler.

«Quatre médecins algériens, dont un cardiologue, un anesthésiste et un interniste», entourent le président, toujours selon la Tribune de Genève. Ils lui serviraient d’interprète pour communiquer. Abdelaziz Bouteflika a partiellement perdu le langage depuis son AVC. Il ne s’est plus exprimé en public depuis 2013. Une déclaration écrite du président hospitalisé a été lue à la télévision publique algérienne dimanche dernier, confirmant sa candidature pour la présidentielle du 18 avril.

L’instabilité de l’état d’Abdelaziz Bouteflika explique sans doute pourquoi il a été admis aux HUG plutôt qu’à la discrète clinique de Genolier, sur les hauts de Nyon, où il avait encore fait un bref séjour en août dernier. Le célèbre patient est hospitalisé dans la division privée au 8e étage de l’établissement, au cœur de la Cité de Calvin. «Toute personne disposant d’une assurance semi-privée ou privée peut avoir accès à cette division. Il ne s’agit pas de chambres de soins intensifs. La division compte 125 lits sur les 1920 disponibles aux HUG», informe Nicolas de Saussure, responsable média de l’hôpital.

Les HUG inondés d’appels

La sécurité a été renforcée, surtout depuis la publication d’une vidéo tournée lundi par un journaliste de l’émission Le Quotidien. Dans cette dernière, on aperçoit Nacer Bouteflika, le jeune frère du président algérien, sortir d’une des chambres de la division privée du 8e étage des HUG. L’entrée du couloir n’est plus accessible qu’au personnel médical, aux patients et à leurs proches. Un agent de sécurité armé des HUG contrôle l’accès.

Les HUG ne confirment pas ces informations. Mais les Algériens les ont prises au sérieux. «L’hôpital a reçu beaucoup d’appels et de mails hier après-midi et en soirée. Environ deux fois plus que d’habitude. Ça s’est bien calmé aujourd’hui», commente Nicolas de Saussure.

Pourtant, sur Facebook, des centaines de commentaires inondent encore la page de l’hôpital. Elle a été désactivée à quelques reprises hier et aujourd’hui pour «nettoyer les messages calomnieux, injurieux», explique le porte-parole des HUG. Et apparemment, certains internautes ne manquent pas d’humour: «Bonjour, je voulais vous signaler la présence d’un zombie au 8e étage de votre établissement. Merci de le garder chez vous!»

Des commentaires auxquels les HUG rétorquent: «En réponse aux messages reçus, les Hôpitaux universitaires de Genève rappellent que leur unique mission est de soigner toute personne le nécessitant quel que soit son statut. Ils ne communiquent jamais sur l’état de santé de leurs patients. Seul le patient, ou une personne habilitée par lui, peut donner des informations. Nous vous remercions de respecter la déontologie et les valeurs universelles partagées par celles et ceux qui soignent.»