Des barricades ont été érigées dans la ville avec des blocs de béton et des pierres. Des policiers anti-émeutes bloquaient l’accès mercredi après-midi au siège du principal parti de l’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), tandis que des véhicules militaires patrouillaient en ville. La police a fait état de trois morts.
Le gouvernement du Zimbabwe s'est engagé à réprimer de nouvelles manifestations de l'opposition, après que l'armée a ouvert le feu. «Nous ne tolérerons pas les agissements que nous avons observés aujourd'hui», a déclaré le ministre de l'Intérieur, Obert Mpofu, lors d'une conférence de presse dans la nuit de mercredi à jeudi. Selon lui, «l'opposition a peut-être interprété notre compréhension comme de la faiblesse et (je) pense qu'ils testent notre détermination et qu'ils sont en train de faire une grosse erreur.»
De son côté, le principal parti d'opposition au Zimbabwe, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), a condamné l'armée pour avoir tiré à balle réelle contre ses partisans. «Aujourd'hui, nous avons vu le déploiement de chars et des tirs à balle réelle sans raison apparente», a déclaré le porte-parole du MDC, Nkululeko Sibanda, à la presse à Harare. «Nous condamnons dans les termes les plus forts (....) la brutalité dont nous avons été victimes aujourd'hui sans aucune raison.»
La Zanu-PF a remporté une large majorité des sièges au parlement
Le président Emmerson Mnangagwa avait déclaré vendredi qu’il tenait l’opposition pour «responsable» de toute perte humaine et de toute destruction de biens lors de manifestations post-électorales. Il avait un peu plus tôt lancé un appel au calme et à «cesser de faire des déclarations provocatrices.» Les Etats-Unis, qui se sont dits dans un tweet «profondément inquiets», ont appelé dans la soirée l’armée «à faire preuve de retenue quand elle disperse les manifestants.»
Au vu des résultats publiés mercredi par la commission électorale, la Zanu-PF d'Emmerson Mnangagwa a remporté plus de deux tiers des sièges à la chambre basse du parlement. Avec 144 des 210 sièges, le parti au pouvoir finit loin devant le Mouvement pour le changement démocratique (MDC, 61 sièges) et, en s’assurant cette majorité qualifiée, est en mesure de modifier la Constitution à sa guise.
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«Truquage» des résultats
Concernant les résultats de la présidentielle, qui opposait principalement Emmerson Mnangagwa et le candidat du MDC Nelson Chamisa, la commission électorale a annoncé qu’elle espérait désormais pouvoir commencer à les diffuser à partir de jeudi. Elle a justifié ce délai par des litiges portant sur les décomptes des suffrages affichés, comme l’exige la loi, à l’extérieur des bureaux de vote. Un bureau de vote sur cinq serait concerné, soit un peu plus de 2000 en tout, ont déclaré mardi le MDC et une ONG, le Réseau de soutien électoral du Zimbabwe (ZESN).
Nelson Chamisa a affirmé que ceux de la présidentielle étaient en train d’être truqués. La commission électorale «cherche à publier des résultats pour gagner du temps et inverser la victoire du peuple à l’élection présidentielle», a-t-il affirmé sur Twitter. «La stratégie est destinée à préparer mentalement le Zimbabwe à accepter de faux résultats pour la présidentielle. […] Nous avons remporté le vote populaire et nous le défendrons», a-t-il assuré.
THANK YOU ZIMBABWE ...I’m humbled by the support you have given to me as a Presidential Candidate. We have won the popular vote. You voted for total Change in this past election!We have won this one together. No amount of results manipulation will alter your WILL #Godisinit
— nelson chamisa (@nelsonchamisa) 1 août 2018
Inquiétudes en Europe et aux Etats-Unis
Pour les observateurs de l’Union européenne, la publication tardive des résultats officiels est un motif d’inquiétude susceptible de discréditer le processus électoral. Dans leur rapport rendu mercredi, ils jugent que les élections se sont déroulées dans le calme, même s’ils dénoncent «l’inégalité des chances» entre les candidats et des cas d'«intimidation d’électeurs».
Le chef de la mission européenne Elmar Brok a dit ne pas comprendre pourquoi la publication des résultats du scrutin présidentiel prenait autant de temps. «Plus cette période durera, plus le manque de crédibilité des résultats de l’élection présidentielle sera fort», a-t-il dit. La parlementaire américaine Karen Bass, membre de la mission d’observation américaine venue également assister au scrutin, a déclaré que la politique des Etats-Unis vis-à-vis du Zimbabwe dépendrait de la transparence des élections.
Les observateurs de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) ont estimé pour leur part que les élections s’étaient déroulées pacifiquement, ouvrant la voie à plus de démocratie au Zimbabwe.