Afrique du Sud
La popularité du président sud-africain est en chute libre: mauvaise gestion, corruption et division raciale. Il a essayé jeudi de se rattraper devant le parlement

Les députés du parti des Combattants pour la liberté économique (EFF) de Julius Malema ont à nouveau plongé le parlement dans le chaos jeudi soir, en interrompant et en injuriant Jacob Zuma pendant son «discours devant la nation». Comme l’an dernier, ils ont été expulsés de l’hémicycle mais, cette fois, sans opposer de résistance.
L’an dernier, les députés de l’EFF avaient scandé Pay back the money (Remboursez l’argent). Ils demandaient au président de rembourser une partie des 14 millions de francs dépensés en 2009 pour sécuriser sa résidence privée de Nkandla (Kwazulu-Natal): Jacob Zuma en avait profité pour se faire construire une piscine, une salle de réception et des enclos à bétail. Mardi, après des années d’obstruction, le chef de l’Etat a finalement capitulé devant la Cour constitutionnelle, saisie par Julius Malema. Par la voix de son avocat, il a accepté de rembourser une partie des travaux, comme lui demandait depuis 2014 la courageuse médiatrice de la République: Thuli Madonsela avait été ostracisée par le Congrès national africain (ANC) pour avoir osé demander des comptes au président.
Hier, les députés de l’EFF ont trouvé un nouveau cheval de bataille. Ils ont sommé Jacob Zuma d’expliquer pourquoi il avait nommé Des Van Rooyen, un parfait inconnu, comme ministre des Finances. Le rand avait immédiatement plongé de 10% et le nouveau venu n’avait pas tenu cinq jours. La monnaie et l’économie sud-africaine ne se sont pas encore remises de ce faux pas. En sortant de l’hémicycle, les députés de l’EFF ont crié «Zupta doit tomber», allusion aux frères Gupta, originaires d’Inde: ces hommes d’affaires, associés à des enfants du président, ne se contentent pas de rafler des contrats. Ils influencent aussi des «décisions clés de l’Etat», selon le journal Business Day. Jusqu’au choix du ministre des Finances…
La popularité de Jacob Zuma est en chute libre. Selon un récent sondage «Afrobaromètre», 56% des Sud-Africains noirs désapprouvent sa politique. Face aux critiques de plus en plus fortes, même au sein de l’ANC, Jacob Zuma s’est longtemps réfugié dans le rire. «Ce n’est pas un jeu», titrait dimanche le journal City Press. Les déboires du président pourraient peser dans les urnes: l’ANC risque de perdre le contrôle d’une ou deux grandes villes (Port Elisabeth et Pretoria) lors de municipales en 2016. Le parti au pouvoir a allumé un contre-feu, en lançant une campagne pour dénoncer le racisme des Blancs. «Depuis quelques mois, le large pacte social postapartheid est menacé», déplore l’expert politique David Silke. La question est de savoir si le président peut retrouver une crédibilité.»
La dégradation de l’économie, aggravée par une grave sécheresse, pèse lourdement sur la majorité des Sud-Africains, très endettés. L’an dernier, les étudiants, incapables de payer les frais d’études universitaires très élevés, ont manifesté en masse, forçant le gouvernement à débloquer plus de 500 millions de francs pour calmer la fronde. On peut craindre d’autres mouvements de mécontentement, alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter.
Hier, le chef de l’Etat a annoncé des mesures d’économie au sein de l’administration et un plan pour revitaliser l’économie. Il semble avoir enfin mesuré la gravité de la situation. Mercredi, il a rencontré des entrepreneurs dans l’espoir de rétablir un climat de confiance, alors que les relations entre l’ANC et les milieux économiques sont au plus bas. Certains prédisent déjà que Jacob Zuma ne pourra aller jusqu’au bout de son second mandat en 2019. Même le solide réseau de patronage qu’il a mis en place ne pourra peut-être pas le sauver.