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«Je suis désolé pour ce qui vous a été infligé par des employés de l’OMS qui auraient dû vous servir et vous protéger. Cela n’aurait jamais dû vous arriver. C’est inexcusable», a déclaré le directeur de l’OMS. Qui a dit assumer «la responsabilité ultime pour le comportement des gens que nous employons» et les «manquements» de l’organisation pour empêcher ces actes.
Dans le rapport, plusieurs responsables de l’OMS sont pointés du doigt pour n’avoir pas réagi lorsque des alertes sont remontées depuis la RDC. Le docteur Tedros a annoncé mardi que deux d’entre eux avaient été suspendus, en attendant d’être fixés sur le sort. D’autres enquêtes administratives concernant d’autres cadres sont pendantes. Mais la commission d’enquête disculpe le directeur de l’OMS, qui n’avait «aucune responsabilité opérationnelle». Même appréciation pour la directrice du bureau africain de l’organisation, la docteure Matshidiso Moeti, qui était aussi à Genève mardi pour présenter ses excuses aux victimes.
«J’aurais dû poser des questions»
A l’époque, le docteur Tedros s’était rendu quatorze fois dans l’Est de la RDC pour suivre personnellement d’avancée de la lutte contre Ebola. Mais il dit n’avoir jamais eu vent des allégations reprochées à ses employés. «J’aurais peut-être dû poser des questions», élude-t-il après une question d’une journaliste lui demandant s’il allait démissionner.
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La commission d’enquête mandatée par l’OMS a confirmé les témoignages d’une cinquantaine de femmes recueillis par le site The New Humanitarian et la fondation Thomson Reuters et publiés en septembre 2020. «Nous avons interrogé d’autres victimes», précise Aïchatou Mindaoudou, co-présidente de cette commission d’enquête. Cette ancienne ministre des Affaires étrangères du Niger suggère ainsi que le fléau était encore plus grave que ce qu’avaient révélé les médias.
Lors de la conférence de presse de mardi, le Malien Malick Coulibaly, également membre de cette commission d’enquête, a décrit des actes loin d’être isolés, certains étant commis par un «réseau». Ce système d’exploitation a prospéré sur les disparités entre les humanitaires et la population locale engagée pour des contrats journaliers pour aider à la lutte contre Ebola dans une région très pauvre et très instable. «Nous avons pu établir que de nombreuses personnes se sont vues promettre des emplois ou une prolongation de contrat contre des actes sexuels», continue Malick Coulibaly.
Viols et avortements
«La plupart des victimes n’ont pas obtenu les emplois promis. D’autres ont été licenciées pour avoir refusé des actes sexuels. Nous avons aussi documenté neuf cas de viols. Certaines femmes sont tombées enceintes, d’autres ont été contraintes d’avorter», poursuit le Malien, ancien ministre de la Justice. Au total, la commission a identifié 75 victimes, la plupart des femmes, en moyenne âgées de 20 ans. La plus jeune avait 13 ans. Une dizaine d’hommes se sont déclarés victimes, leur mariage ou leur famille ayant été, selon eux, brisé.
Quant aux auteurs présumés de ces actes, la commission en a dénombré 83 sur la base des témoignages recueillis et recoupés. Parmi eux, 23 employés de l’OMS: des Congolais engagés sur place mais aussi des expatriés, même si aucune nationalité n’a été divulguée. Les informations à propos des viols ont été transmises par l’OMS aux autorités congolaises et aux pays dont les auteurs présumés sont ressortissants.
La plupart des personnes incriminées avaient quitté l’OMS après la fin de l’épidémie d’Ebola. Mais quatre d’entre eux travaillaient toujours pour l’organisation quand le rapport d’enquête est parvenu ces derniers jours au siège de l’OMS à Genève. Ces quatre employés ont été licenciés. Le directeur de l’OMS a promis que cette affaire n’était pas terminée et qu’il avait mandaté des experts externes pour tirer toutes les leçons de cet énième scandale d’abus sexuels dans un pays en crise.