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Paul Kagame réélu haut la main pour un troisième mandat au Rwanda

Sans surprise, l'homme fort du Rwanda rempile pour la troisième fois, avec un score soviétique. Crédité du spectaculaire développement économique du pays, Paul Kagame tient cependant toutes les sphères de la société

Le président du Rwanda Paul Kagame vote, le 4 août, dans une école de Kigali. — © Eric Murinzi, Anadolu Agency
Le président du Rwanda Paul Kagame vote, le 4 août, dans une école de Kigali. — © Eric Murinzi, Anadolu Agency

Le président du Rwanda Paul Kagame a été réélu vendredi pour un troisième mandat avec 98,66% des voix, a annoncé la commission électorale (NEC) dans la nuit. Il dirige le pays d’une main de fer depuis 23 ans.

Le chef de l’Etat sortant n’a laissé que des miettes à ses deux adversaires: l’indépendant Philippe Mpayimana a obtenu 0,72% des suffrages exprimés, et Frank Habineza, leader du Parti démocratique vert, le seul parti d’opposition au Rwanda, 0,45%, selon les résultats publiés après le dépouillement de 80% des bulletins de vote.

«Nous pensons qu’à ce niveau, nous aurons les mêmes résultats demain (samedi matin, ndlr). Il n’y aura pas de changement après que nous ayons compté 100% des votes», a précisé le président de la NEC, Kalisa Mbanda. La NEC estime que 97% des 6,9 millions d’électeurs inscrits ont voté.

Lire aussi : La victoire annoncée de Paul Kagame, inoxydable président du Rwanda

Dès le début de la soirée, alors que le scrutin s’était déroulé dans le calme vendredi, plusieurs centaines de personnes se sont réunies à Kigali devant un écran géant installé dans un gymnase proche du stade national, pour fêter la réélection de Paul Kagame.

Cette large victoire était attendue. Ses deux adversaires étaient passés quasiment inaperçus dans une campagne phagocytée par le Front patriotique rwandais (FPR), parti contrôlant toutes les sphères de la société de ce petit pays de la région des Grands Lacs.

Paul Kagame «a libéré le pays, il a stabilisé le pays, et maintenant on peut marcher dans tout le pays nuit et jour sans problème», a expliqué Jean-Baptiste Rutayisire, un entrepreneur de 54 ans, qui a voté dans le même bureau du centre de Kigali que le président. «Il a fait beaucoup pour le pays et il continue, c’est un homme exceptionnel», a-t-il ajouté, en avouant ne pas connaître les deux autres candidats.

La campagne des adversaires difficile

Conscient de n’avoir quasiment aucune chance de l’emporter, Frank Habineza s’était cependant réjoui que pour «la première fois depuis 23 ans un parti d’opposition se trouve sur les bulletins de vote», dans un entretien téléphonique vendredi avec l’AFP. Dans le Rwanda post-génocide, seuls des candidats indépendants ou alliés à M. Kagame avaient jusque-là pu se présenter à l’élection présidentielle.

Avant le scrutin, Frank Habineza et Philippe Mpayimana s’étaient plaints de nombreuses difficultés, dont le peu de temps à leur disposition pour lever des fonds et faire campagne. Lors d’un récent meeting, Frank Habineza avait assuré à l’AFP que placarder les couleurs de son parti avait été un vrai défi: «On nous a dit qu’on ne pouvait pas mettre nos drapeaux là où le FPR avait mis les siens, mais malheureusement le FPR a mis les siens partout!».

La victoire de Paul Kagame ne semblait faire aucun doute depuis le plébiscite par référendum en décembre 2015 – 98% des voix – d’une modification de la Constitution, critiquée par les observateurs, lui permettant de briguer un nouveau mandat de sept ans.

Au pouvoir depuis 1994, muselant les médias

Aujourd’hui âgé de 59 ans, Paul Kagame est l’homme fort du Rwanda depuis que le FPR a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu ayant déclenché le génocide qui a fait 800’000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsie.

Il a d’abord été vice-président et ministre de la Défense, dirigeant de facto le pays, avant d’être élu président en 2000 par le Parlement. En 2003 et 2010, il a été reconduit au suffrage universel avec plus de 90% des voix.

Paul Kagame est crédité du spectaculaire développement, principalement économique, d’un pays exsangue au sortir du génocide. Ses opposants jugent que ce développement économique s’est fait au détriment des libertés civiles, le pouvoir muselant les médias indépendants et supprimant toute dissidence.

De nombreuses voix critiques ont été emprisonnées, forcées à l’exil et pour certaines assassinées. Des observateurs assurent que les candidatures de Frank Habineza et Philippe Mpayimana ne sont qu’une «façade» à destination de la communauté internationale.