Les militaires soudanais ont dispersé lundi par la force le sit-in qui se tenait depuis des semaines devant leur QG à Khartoum pour réclamer le transfert du pouvoir aux civils, selon le mouvement de contestation. Celui-ci a fait état d'au moins 13 morts.

Le mouvement de contestation au Soudan a annoncé lundi couper tout contact avec le Conseil militaire de transition au pouvoir, accusé d'avoir dispersé par la force le sit-in de manifestants devant le siège de l'armée.

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«Au moins 13 morts»

Selon le Comité central des médecins soudanais, proche de la contestation, cette dispersion a fait «au moins 13 morts» et des «centaines de blessés». Il avait annoncé plus tôt un bilan de neuf morts.

«Nous annonçons l'arrêt de tout contact politique et des négociations avec le Conseil putschiste», a indiqué l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, dans un communiqué. Il a appelé à «la grève et la désobéissance civile totale et indéfinie à compter d'aujourd'hui».

Le régime nie

«Nous n'avons pas dispersé le sit-in par la force», a déclaré le porte-parole du Conseil, le général Chamseddine Kabbashi, à la chaîne de télévision Sky News Arabia, basée aux Emirats arabes unis. «Les tentes sont là et les jeunes peuvent y circuler librement», a-t-il assuré. «Il n'y a plus rien à part les corps des martyrs que nous ne pouvons pas sortir du lieu du sit-in jusqu'à présent», a rétorqué l'ALC.

Dans son communiqué, l'ALC a fait porter «la responsabilité totale de ce crime» aux militaires, appelant à la «chute du régime». Ces derniers jours, la tension était montée autour du sit-in, alors que les négociations entre la contestation et les généraux sont suspendues depuis le 21 mai, faute d'accord sur la transition politique.

Après la chute d'Omar el-Béchir

Le Conseil militaire a pris le pouvoir après le renversement par l'armée du président Omar el-Béchir, à la faveur d'un soulèvement populaire inédit. Les manifestants réclament désormais le transfert du pouvoir aux civils.

Des violences près du sit-in avaient été récemment dénoncées par le mouvement de contestation, accusant les militaires de «planifier» sa dispersion par la force.

La mise en garde de Washington

L'ambassade américaine a réagi  en exhortant les généraux à «cesser» cette opération «injustifiée». Le Conseil militaire en «porte la responsabilité», a-t-elle prévenu. L'Egypte a pour sa part appelé à une reprise du dialogue au Soudan entre les représentants du mouvement de contestation et les généraux au pouvoir.

Depuis le 6 avril, des milliers de manifestants campent devant le siège de l'armée à Khartoum. Après avoir demandé le soutien des militaires contre le président Omar el-Béchir, ils réclament désormais le départ du pouvoir des généraux.

Des négociations entre les deux camps visant à former un Conseil souverain, censé assurer la transition politique pour trois ans, ont échoué le 20 mai. Le Conseil militaire a dénoncé des débordements autour du sit-in, les qualifiant de «menace pour la sécurité et la paix publiques». Il a promis d'agir «avec détermination» pour faire cesser cette situation.

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Appui saoudien

Plusieurs personnes ont été tuées ces derniers jours dans des circonstances peu claires à proximité du lieu du sit-in. Des soldats et des agents des forces de sécurité avaient été déployés samedi autour de la rue du Nil, près du lieu du sit-in, empêchant l'accès à cette zone.

Une grève générale a été observée les 28 et 29 à travers le pays par le mouvement de contestation, mobilisant divers secteurs d'activité, pour tenter de faire plier le pouvoir militaire. Le 31, des centaines de Soudanais avaient manifesté, eux, en soutien à l'armée dans la capitale.

Le lendemain, le patron de l'ONU Antonio Guterres avait exhorté les deux parties à reprendre les négociations. Le chef du Conseil militaire au pouvoir, Abdel Fattah al-Burhane, s'est rendu récemment en Egypte, aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite, trois pays qui lui ont affiché leur soutien.

A la tête du Soudan pendant près de 30 ans, Omar el-Béchir a été destitué et arrêté par l'armée le 11 avril sous la pression d'un mouvement inédit déclenché le 19 décembre par la décision des autorités de tripler le prix du pain dans un pays miné par une grave crise économique.

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