Depuis le 31 juillet, la porte de l’ambassade du Bénin à Genève est close. Placardée à l’entrée du bureau situé dans un immeuble sans âme du quartier des organisations internationales, une note en informe les visiteurs, qui sont priés de s’adresser à la représentation diplomatique à Paris ou au Ministère des affaires étrangères à Cotonou.

Le pays africain de 12 millions d’habitants a en effet décidé de revoir sa «carte diplomatique», prenant des mesures d’économie drastiques. Le nombre d’ambassades béninoises dans le monde a fondu cet été comme neige au soleil. Des 34 représentations à l’étranger, il n’en reste plus que dix. Sur le continent européen, le Bénin ne sera plus présent qu’à Paris et à Moscou. Il a aussi fermé ses représentations à Bruxelles, la capitale européenne, ainsi qu’à Addis Abeba, siège de l’Union africaine.

«Nous aurons des ambassadeurs non résidents, qui, à partir de Cotonou, opéreront et seront accrédités auprès de certains pays. C’est une modernisation de l’outil. On ne peut pas baser notre diplomatie sur des dogmes qui sont dépassés et sur des modes de représentation qui ne sont plus efficaces», justifie le ministre béninois des Affaires étrangères et de la Coopération au journal sénégalais Le Soleil, qui s’est fait l’écho de cette saignée des ambassades.

«Une erreur»

La décision du gouvernement béninois est antérieure au covid. Mais la pandémie, qui impose des réunions à distance, «a conforté mon gouvernement dans ses choix», pense Eloi Laourou, l’ambassadeur béninois à Genève, dont le mandat s’est terminé le 31 juillet. Joint au Bénin par Le Temps, le diplomate, qui représentait les intérêts de son pays auprès des organisations internationales mais aussi auprès de la Suisse, dit s’être opposé en vain à la fermeture de l’ambassade.

«C’est une erreur. Genève est une capitale multilatérale où il faut être en permanence, par exemple, pour avoir le meilleur accès à l’expertise et aux aides de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) contre le Covid-19 ou pour défendre nos intérêts à l’Organisation mondiale du commerce (OMC)», plaide Eloi Laourou, qui a passé quinze ans à Genève, d’abord auprès de l’OMC, puis en tant qu’ambassadeur auprès des organisations internationales et de la Suisse. Ironie de l’histoire, le Béninois était le candidat de son pays pour prendre la direction de l’OMC, avant que le Bénin s’efface au profit de la candidature du puissant voisin nigérian.

Fracture numérique

Eloi Laourou estime que rien ne peut remplacer les contacts informels au jour le jour pour débloquer des situations et déminer des conflits. «La machine ne peut pas remplacer les humains», martèle le diplomate en fin de carrière, en référence aux vidéoconférences, qui sont devenues la norme dans la diplomatie. A Genève, les conférences internationales avec des participants dans une même salle ont repris timidement. Contrairement au Bénin, de nombreux pays, plutôt en voie de développement, sont méfiants à l’égard des réunions virtuelles, alors que les pays riches y voient une opportunité de réduire les coûts de l’ONU et des autres organisations internationales.

«Le coût de notre présence à Genève était inférieur aux avantages que nous en tirons», assure Eloi Laourou. A l’actif de l’ambassade, il cite les avancées à l’OMC pour que les producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest aient leur chance sur le marché international ou le renforcement des relations bilatérales avec la Suisse.

Soutien de la Suisse

Le Bénin a ouvert son ambassade à Genève en 2000. Le bureau, qui s’occupait des relations avec l’Autriche, le Liechtenstein, la Bulgarie, la Hongrie et la Slovénie, comptait alors 22 collaborateurs, comprenant le personnel administratif ou les chauffeurs, détaille Eloi Laourou. Un effectif progressivement ramené à 13 personnes.

Le Bénin bénéficiait du soutien de la Suisse pour son bureau genevois. «L’aide de la Suisse a couvert jusqu’aux trois quarts de notre loyer», avance l’ambassadeur, une aide octroyée aux pays les moins avancés, dont fait partie le Bénin.

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Depuis le début des années 2010 et la prise de conscience du rôle de la Genève internationale pour la politique étrangère helvétique, la Suisse aide aussi les pays souhaitant installer une représentation diplomatique. Berne aspire en effet à ce que tous les Etats de la planète soient représentés à Genève, comme ils le sont à New York, le siège de l’ONU. Actuellement, 177 pays sur les 193 membres de l’ONU sont présents au bout du lac. Ils étaient 179 avant le début de la pandémie. Comme le Bénin, les îles Salomon, 600 000 habitants, ont fermé au début de l’été leur représentation à Genève.

La Suisse, qui bénéficie aussi des retombées économiques de la Genève internationale, ne craint pas d’hémorragie. «Il y a de plus en plus de pays qui veulent s’installer à Genève, répond-on au Département fédéral des affaires étrangères. Nous sommes en discussion avec six pays et trois d’entre eux auraient déjà franchi le pas sans la crise du covid.»