Une nouvelle épidémie d’Ebola alarme l’OMS
Afrique centrale
Trente-deux cas d’Ebola et 18 morts ont été recensés dans la région reculée de Bikoro, en République démocratique du Congo. Pour le directeur adjoint de l’OMS, Peter Salama, l’épidémie est pour l’heure contenue. Mais l’éradiquer sera logistiquement «très difficile et coûteux»

On est loin de la lente réaction de l’Organisation mondiale de la santé à l’épidémie d’Ebola qui a ravagé le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée entre 2014 et 2016 et qui fit plus de 11 000 morts. La nouvelle épidémie d’Ebola qui s’est déclarée dans la région de Bikoro, dans la province de l’Equateur, au nord-est de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), est prise d’emblée très au sérieux. «Nous nous préparons à tous les scénarios, y compris à celui du pire», a déclaré Peter Salama. Le directeur général adjoint de l’OMS et responsable du Programme de gestion des situations d’urgence a fait un point de la situation lors d’un briefing vendredi au Palais des Nations à Genève.
Après l’analyse de cinq échantillons envoyés par l’OMS à l’Institut national de recherche biomédicale de Kinshasa, le 8 mai, la nouvelle est tombée, confirmant l’épidémie. Aujourd’hui, la RDC compte 32 cas d’Ebola (deux confirmés, 18 probables et 12 suspects). Dix-huit personnes sont déjà mortes du virus et un nouveau cas a été annoncé vendredi.
Infrastructures sanitaires minimales
Sans chercher à dramatiser la situation, Peter Salama ne cache pas que venir à bout de cette nouvelle épidémie de la fièvre hémorragique Ebola va être non seulement «difficile, mais aussi coûteux». La région de Bikoro, proche du grand lac Tumba, est très reculée. Elle se situe à quinze heures à moto de la ville la plus proche. Les infrastructures sanitaires sont minimales, l’électricité peu disponible. La grande ville la plus proche, Mbandaka, capitale de la province, est à 280 kilomètres et les routes permettent difficilement à des camions d’apporter l’aide nécessaire. Un pont aérien va être établi au moyen d’hélicoptères dès ce week-end, puis de petits avions, pour autant qu’une piste d’atterrissage utilisable puisse être aménagée. Plusieurs dizaines de spécialistes, épidémiologistes et logisticiens sont déjà sur le terrain. Quelque 40 autres spécialistes devraient être dépêchés sur place au plus vite.
Quelques signaux sont pris très au sérieux, d’autant que le taux de létalité du virus oscille entre 20 et 90%. Trois soignants ont été contaminés et l’un d’eux est décédé. Le virus est apparu dans trois endroits différents à quelque 60 kilomètres de distance. Peter Salama relève que l’OMS a prié neuf pays voisins d'être vigilants, en particulier le Congo-Brazzaville et la République centrafricaine, deux Etats qui ont des connexions directes avec la RDC via le fleuve Congo et la rivière Ubangi. L’inquiétude des autorités sanitaires est de voir l’épidémie gagner Mbandaka, une ville d’un million d’habitants. «Quand l’épidémie d’Ebola atteint des zones urbaines pauvres, il est très difficile de l’éradiquer», précise le directeur adjoint de l’OMS. La Gambie, le Nigeria et la Guinée ont déjà pris des mesures de prévention et le Kenya annonce qu’il imposera des contrôles thermiques aux voyageurs dans les aéroports.
Vaccin expérimental
Peter Salama a discuté jeudi avec le ministre congolais de la Santé, Oly Ilunga, pour voir quand des vaccins pourraient être acheminés. Trois cent mille doses de vaccins ont été élaborées par la société pharmaceutique Merck, dont plusieurs dizaines de milliers sont stockées à Genève. Le responsable du Programme de gestion des situations d’urgence à l’OMS souligne toutefois le défi: «De tels vaccins doivent être conservés à des températures entre –60 et –80 degrés. Or l’électricité est à peine disponible. C’est un vrai défi de maintenir la chaîne du froid.»
Avant de lancer une vaste campagne de vaccination, les paramètres de l’épidémie doivent être documentés de façon précise sans quoi elle sera inefficace. Mais Peter Salama tempère les attentes: «Le vaccin anti-Ebola est expérimental. Il n’est pas encore agréé et peut entraîner des complications. Et ce n’est pas une solution miracle. Ce n’est qu’un outil de plus qui ne permet pas de faire l’économie des mesures classiques à prendre.»
Fluides corporels
Il existe cinq types de virus Ebola: Zaïre, Soudan, Bundibugyo, Reston et Forêt de Taï. Celui qui a été identifié dans la région de Bikoro est du type Zaïre. Il provoque des fièvres, vomissements et diarrhées intenses. Il se propage par la chauve-souris mangeuse de fruits et d’autres animaux comme les grands singes, les antilopes ou les porc-épics. C’est surtout par les fluides corporels que les êtres humains le transmettent.
La RD Congo, où sont recensées plus d’une centaine d’épidémies diverses, a été le premier pays à être affecté, en 1976, par le virus Ebola dont l’appellation se réfère au nom d’une de ses rivières. Le pays en est à sa neuvième épidémie d’Ebola, la dernière en date remontant à l’année dernière, qui fit quatre morts.
Si Peter Salama estime que la réponse à la crise sanitaire est sur le bon chemin, rien n’est jamais acquis. Mais par rapport à l’épidémie dévastatrice de 2014-2016, «la plus grande leçon que nous avons tiré est de s’adresser aux communautés concernées de la bonne manière. Nous comptons en l’occurrence beaucoup sur MSF et le CICR pour transmettre le bon message.»