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Les agents armés, un geste politique inutile ou un vrai repoussoir à terroristes?

Un nombre croissant de pays suivent l'exemple d'Israël et des Etats-Unis en plaçant des gardes armés à bord, mais le monde de l'aviation est très sceptique.

«Nous avons toujours été d'avis que, si la situation n'est pas suffisamment sûre pour voler, alors autant ne pas voler.» Chez Bri-tish Airways, la décision du gouvernement britannique, prise au début de cette semaine, de placer au cas par cas des agents armés en civil à bord des vols transatlantiques, est accueillie avec scepticisme et réticence. La compagnie estime que c'est au sol que les efforts de sécurité les plus grands doivent continuer à être appliqués. Une position qu'adopte aussi l'IATA, l'association qui représente quelque 95% des compagnies aériennes desservant des destinations internationales. «L'IATA n'aime pas voir des armes à bord des avions», a rappelé sa porte-parole, Nancy Gautier.

La pratique est courante depuis plusieurs années chez El Al, le transporteur national israélien, tandis que d'autres compagnies comme Lufthansa, Alitalia ou KLM en Europe, et la plupart des compagnies du Golfe, ont déjà accepté la présence de gardes armés depuis les attentats du 11 septembre 2001, ainsi que l'atteste Kevin Rosser, analyste chez Control Risks Group, un cabinet de conseil londonien.

Dernière ligne de défense

Le gouvernement australien a récemment annoncé qu'il allait utiliser des agents armés sur les vols réguliers entre l'Australie et Singapour. Aux Etats-Unis, les vols intérieurs sont désormais patrouillés par des gardes en civil. Au contraire, le gouvernement français a fait savoir qu'il n'y a jamais eu d'agents en armes à bord des appareils tricolores – et qu'il n'y en avait pas actuellement.

En Grande-Bretagne, BALPA, le syndicat des pilotes, exige du gouvernement qu'il entame une discussion sur les modalités d'engagement des gardes armés, sous peine de recommander à ses membres de refuser de voler. «D'abord, par principe, nous estimons que les armes et le transport aérien civil ne font pas bon ménage, déclare Jim McAuslan, secrétaire général de BALPA. Ensuite, le commandant de l'appareil doit savoir à chaque fois s'il y a des agents armés dans l'avion, et qui ils sont. Enfin, l'autorité suprême du commandant de bord sur l'ensemble de l'aéronef doit prévaloir en tout temps.» Alistair Darling, le secrétaire d'Etat britannique aux Transports, a assuré que les pilotes seraient mis au courant de la présence de «sky marshals» à bord de leur vol. Mais pour le capitaine Mervyn Grimshaw, président de BALPA, «il reste trop de questions sans réponse autour de l'autorité du commandant et des responsabilités en cas d'incident».

Alistair Darling estime que la décision est avant tout un moyen de renforcer la confiance du public. Pour le ministre, l'intervention d'un garde armé à bord d'un appareil constitue «la dernière ligne de défense» contre une tentative de détournement de l'avion. En Grande-Bretagne, la mise en service de gardes armés à bord des avions était déjà discutée depuis une année. Des policiers spéciaux, issus de la police métropolitaine, ont reçu une formation ad hoc ainsi qu'un entraînement aux armes à balles à petite vitesse, dont l'impact ne doit pas constituer une menace pour la solidité de la carlingue en vol, en cas de tir. Mais de nombreux experts doutent de la validité de cette mesure: David Learmont, du magazine Flight International, considère la présence de gardes armés à bord comme «un geste politique», et redoute «des scènes à la OK Corral à bord». Gwynneth Dunwoody, présidente de la commission parlementaire des transports, trouve la décision gouvernementale hâtive et mal préparée: «Malheureusement, la sécurité ce n'est pas simplement une personne qui brandit un pistolet dans une cabine pressurisée, mais un investissement à long terme d'une nature relativement plus subtile.»