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Al Gore peut sourire de la guerre de religion que se livrent les républicains

Le candidat démocrate et George Bush ont remporté les primaires de mardi soir. Le gouverneur du Texas doit convaincre les républicains modérés d'ici au «supertuesday»

Si les rebondissements ont marqué les primaires de la campagne présidentielle américaine, la soirée de mardi aura été l'exception à la règle. Le vice-président Al Gore a largement battu son rival Bill Bradley lors du scrutin de l'Etat de Washington. Et George Bush, après ses défaites dans le Michigan et l'Arizona, s'est rattrapé en distançant John McCain en Virginie, dans le Dakota du Nord et l'Etat de Washington.

Malgré son caractère non contraignant, le scrutin démocrate de l'Etat de Washington a été le plus instructif. Aucun délégué n'a été attribué, mais le sénateur Bill Bradley paraît hors course. Non seulement il n'a gagné aucune primaire, mais il accumule les erreurs de stratégie. En consacrant six jours dans cet Etat, le sénateur a cédé le terrain à Al Gore dans les Etats de New York et la Californie à l'approche du supertuesday du 7 mars quand les électeurs de 16 Etats seront appelés aux urnes. Certains supporters lui auraient déjà conseillé de jeter l'éponge craignant qu'il ne subisse une véritable humiliation mardi prochain. Bradley dément et assure qu'il reste dans la course. Ses chances paraissent pourtant ténues. Même dans son fief du New Jersey, et dans l'Etat de New York, où il fut une star de l'équipe de basket des Knicks, il est relégué dans les sondages.

Côté républicain en revanche, la donne a peu changé. Le yo-yo continue entre le sénateur de l'Arizona John McCain et le gouverneur du Texas George Bush Jr. Certes, la victoire de ce dernier tombe à point nommé pour requinquer sa campagne et rassurer l'establishment républicain de plus en plus gêné par la lutte sans merci que se livrent les deux prétendants à l'investiture du parti. Car leur rivalité s'est transformée en bataille rangée pour l'«âme du parti» au sens le plus religieux qui soit. Rarement les attaques contre l'influence de la Coalition chrétienne au sein du parti n'auront été aussi féroces, d'autant qu'elles émanent d'un prétendant au couronnement républicain.

Faux pas de Bush

John McCain est allé jusqu'à traiter deux des principaux leaders de la droite religieuse, Pat Robertson et Jerry Falwell, «d'agents de l'intolérance». «Je suis un républicain (de type) Reagan qui battra Al Gore. Malheureusement, George Bush est un républicain (de type) Pat Robertson qui perdra face à Al Gore», déclarait lundi le sénateur. Non sans incohérence, puisque Ronald Reagan fut le premier des dirigeants républicains à solliciter activement le soutien de la Coalition chrétienne de Pat Robertson il y a vingt ans. Une coalition composée de fondamentalistes évangéliques devenue depuis un des piliers du Parti républicain mais parfois aussi son boulet. Les critiques de McCain ne font que cristalliser au plus haut niveau le dilemme du parti prisonnier d'une minorité conservatrice qu'il ne cesse par ailleurs de courtiser. Et le premier faux pas fut le fait de George Bush, malgré son message «inclusif» et son appel à un «conservatisme compatissant», lors de sa visite à l'Université Bob Jones en Caroline du Sud, un bastion conservateur, homophobe et opposé aux mariages interraciaux. Qui plus est, un haut lieu anticatholique.

John McCain a saisi la balle au bond en critiquant au Michigan les errements anticatholiques de son rival. Malgré plusieurs démentis, ses stratèges ont admis qu'ils étaient bien à l'origine des appels téléphoniques mettant en cause l'anti-catholicisme de George Bush. Mais ce dernier n'a pas élevé le débat en fermant un œil et en se bouchant surtout les oreilles sur la contre-offensive, téléphonique elle aussi, initiée par Pat Robertson au Michigan, dénonçant les attaques de McCain et surtout celles du président de la campagne du sénateur, Warren Rudman. Nouveau faux pas. M. Rudman, de confession juive, a immédiatement contre-attaqué en accusant Robertson… d'antisémitisme. Une spirale d'insultes religieuses au sein d'un parti réputé pour sa défense des valeurs morales.

Cherchant à contrôler les dérapages, George Bush a fini par s'excuser le week-end dernier auprès de l'archevêque de New York pour «n'avoir pas été plus clair dans sa distanciation à l'égard de sentiments anticatholiques et de préjudices raciaux». Des excuses bienvenues mais tardives, voire opportunistes à quelques jours du scrutin new-yorkais où la majorité des républicains se distinguent par leur modération. George Bush est prévenu. Même s'il obtient l'investiture du parti, il devra jouer fin pour réduire ses accointances avec la droite religieuse. Car les démocrates ont pris bonne note. L'élection générale de l'automne s'annonce plus passionnante que jamais.