S’injecter ou avaler des désinfectants et recourir aux UV, «peut-être même à l’intérieur du corps», pour guérir du coronavirus? Incrédules et horrifiés, des médecins et scientifiques sont immédiatement montés au créneau pour dire que les gens pourraient mourir s’ils agissaient de la sorte. «L’idée d’ingérer des substances toxiques, des désinfectants, ou de l’alcool à 90°, c’est quelque chose dont on s’inquiète toujours avec les enfants ou les personnes qui tentent de se suicider», a souligné la médecin urgentiste Esther Choo sur NBC News. Même la marque de désinfectants Lysol a dû préciser qu’il ne fallait «sous aucun prétexte, s’administrer des produits désinfectants, par injection, ingestion ou toute autre voie».

«Une injection à l’intérieur»

C’est pourtant bien le président américain qui a tenu ces propos irresponsables et dangereux. La scène s’est déroulée jeudi, lors du point presse quotidien de la Maison-Blanche sur le SARS-CoV-2. Pressé de terrasser la pandémie, Donald Trump n’a pas pu s’abstenir de commenter les résultats d’une étude émanant de son administration, suggérant que la chaleur, les UV et l’humidité pourraient réduire la durée de vie du virus. Un haut responsable de la Sécurité intérieure venait de relever que l’eau de javel pouvait tuer le virus en cinq minutes et l’alcool isopropylique, en trente secondes.

Donald Trump a alors pris le micro et s’est lancé dans une incroyable tirade. Voici ce qu’il a dit: «Imaginons qu’on traite le corps avec beaucoup d’ultraviolets, ou une lumière très puissante. Et supposons qu’on amène la lumière à l’intérieur du corps à travers la peau. Cela n’a pas été vérifié, mais vous allez le tester.» Et: «Je vois que le désinfectant neutralise ce virus en une minute. Une minute. Est-ce qu’on pourrait faire quelque chose comme une injection à l’intérieur, ou un nettoyage?» Pendant ce temps, Deborah Birx, médecin de la task force Covid de la Maison-Blanche, se crispait toujours plus sur sa chaise ne sachant plus où regarder.

Une troublante mutation

Ce n’est pas la première fois que le président, en roue libre, tient des propos irresponsables alors que la pandémie a fait plus de 50 000 morts aux Etats-Unis. Il a déjà publiquement contredit des experts et a récemment retweeté un message appelant à limoger l’épidémiologiste Anthony Fauci. Expert à la renommée mondiale, reconnu notamment pour ses travaux sur le sida, ce dernier est devenu très populaire aux Etats-Unis et incarne à lui seul la lutte contre le coronavirus. Il a la difficile tâche de devoir régulièrement contredire le président, ou éclaircir ses propos.

La veille de l’affaire du désinfectant, d’autres nouvelles troublantes étaient parvenues de la Maison-Blanche. Rick Bright, le responsable d’une agence gouvernementale chargée de développer des traitements et vaccins contre le SARS-CoV-2, a fait savoir qu’il avait été limogé. Il a invoqué des raisons politiques: il a osé critiquer le recours à la chloroquine prôné par Donald Trump sans aucune caution scientifique. Il a été muté à un autre poste. «J’estime que ma mutation est due au fait que j’ai insisté pour que le gouvernement investisse les milliards de dollars alloués par le Congrès pour la pandémie de Covid-19 dans des solutions sûres et validées scientifiquement, pas dans des médicaments, des vaccins et d’autres technologies sans mérite scientifique», souligne-t-il dans un communiqué. Il demande à l’inspecteur général de la Santé d’enquêter sur les motivations de l’administration Trump, qui «a fait pression sur moi et d’autres scientifiques consciencieux pour financer des entreprises ayant des connexions politiques».