Ayanna Pressley, au nom des femmes
Portrait
Première Afro-Américaine du Massachusetts élue à la Chambre des représentants, la démocrate compte faire de la lutte contre les violences sexuelles sa priorité. Elle a elle-même été victime d’abus

Aux Etats-Unis, les élections de mi-mandat se sont illustrées par un nombre record de femmes candidates et élues. Nous avons choisi de vous en présenter cinq cette semaine, aux parcours atypiques. Elles siègeront au Congrès dès 2019
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Ces élections de mi-mandat n’ont pas vraiment été bénéfiques aux Afro-Américains. Andrew Gillum et Ben Jealous n’ont pas réussi leur parti de devenir gouverneurs, respectivement en Floride et dans le Maryland. En Géorgie, la démocrate Stacey Abrams, qui espérait devenir la toute première femme noire de l’histoire à être élue gouverneure, a dû elle aussi accepter sa défaite, après avoir accusé son adversaire d’avoir empêché des électeurs de voter. Elle avait pourtant bénéficié du soutien de Barack Obama et de l’animatrice millionnaire Oprah Winfrey. Mais il y a en d’autres qui ont percé. Ayanna Pressley en fait partie.
The moment when @AyannaPressley learned she won. No commentary needed. 💜 #ChangeCantWait #mapoli #ma7 #electwomen #electionday pic.twitter.com/SLLlQTI1Sj
— Jesse Mermell (@jessemermell) 5 septembre 2018
Un «plafond de ciment»
La démocrate de 44 ans siégera à la Chambre basse du Congrès. Elle est la première Noire du Massachusetts élue à la Chambre des représentants, dans le 7e district, celui que John Fitzgerald Kennedy avait en son temps représenté. C’est aussi la première Afro-Américaine à avoir été élue au Conseil municipal de Boston, en 2009. Au total, neuf Noirs feront leur entrée au Congrès en janvier 2019. Le Congressional Black Caucus, le groupe parlementaire qui regroupe les Afro-Américains, comptera en tout 58 membres.
Ayanna Pressley n’a eu à affronter aucun candidat républicain. C’est bien lors des primaires démocrates qu’elle a créé la surprise. Elle est parvenue à battre le député sortant, Mike Capuano, avec 59% des voix contre 41%, alors que les sondages lui prédisaient une défaite. Son adversaire affichait pourtant vingt ans de présence au Congrès au compteur! Ayanna Pressley est habituée à ce qu’on ne croie pas en elle, mais rien ne la freine. Le vent désormais en poupe, elle n’a pas hésité à qualifier le président Trump de «raciste» et de «misogyne» lors de cette première victoire. Elle s’est clairement positionnée en faveur de sa destitution.
Les gardes-frontières, une «menace» pour les migrants
Avec son slogan «Le changement ne peut pas attendre» (Change can’t wait), Ayanna Pressley ne veut toutefois pas apparaître uniquement comme une force s’opposant au président républicain. Elle a mené une campagne de terrain et revendique sa proximité avec les classes populaires. Elle se bat pour les filles et les femmes avant tout. Elle revendique son féminisme et sa couleur de peau, ironise à propos du «plafond de ciment» qui empêche encore souvent les femmes noires d’être élues à des postes importants, et s’inscrit dans le mouvement #MeToo, qui a poussé de nombreuses femmes à se porter candidates aux élections cette année.
Elle aussi a été victime d’abus sexuels, pendant son enfance. Et d’agressions sexuelles sur le campus. Elle l’a dit lors de plusieurs discours publics, sans entrer dans les détails. Elle veut par contre se faire le porte-drapeau de celles qui tentent de surpasser des traumatismes. Lutter contre les violences sexuelles, contre le sexisme et la violence des armes à feu fera partie de ses priorités au Congrès. Elle appartient aux démocrates de la frange gauche du parti qui revendiquent aussi la suppression de l’US Immigration and Customs Enforcement, connu sous l’acronyme ICE: pour elle, le corps des gardes-frontières représente une «menace» pour les migrants.
Aux côtés de John Kerry
Fille unique, Ayanna Pressley a été élevée dans un milieu précaire, à Chicago. Son père était souvent absent, victime d’addictions et faisant régulièrement des séjours en prison. Sa mère, assistante sociale et activiste, peinait à joindre les deux bouts mais sacrifiait tout pour le bien-être de sa fille, allant jusqu’à la mettre dans une école privée. Elle avait un grand-père pasteur dans une église baptiste. Petite, elle l’écoutait prêcher, ce qui l’a préparée à prendre la parole publiquement.
Ayanna Pressley a notamment été majorette à l’école. Elle a aussi posé pour des publicités pour le planning familial. Elle s’est surtout très vite trouvé des talents de débatteuse, avec un goût prononcé pour la politique. Car «le changement n’attend pas». En 1983, elle travaille comme bénévole dans la campagne de Harold Washington, qui deviendra le premier maire noir de Chicago. Elle n’a que 9 ans. Après des études à l’Université de Boston, elle s’engage auprès de Joseph P. Kennedy II, élu à la Chambre des représentants. Puis elle travaillera comme directrice politique pour le sénateur John Kerry, futur secrétaire d’Etat.
Un vibrant hommage à sa mère
En 2016, le New York Times la classe dans les «14 jeunes démocrates à surveiller». Une année avant, elle avait reçu une récompense de la part d’Emily’s List, une organisation qui s’engage pour faire élire des femmes progressistes, le Gabrielle Giffords Rising Star Award, du nom d’une ex-députée rescapée d’une fusillade. Le soir de la remise du prix, Ayanna Pressley a rendu un vibrant hommage à sa mère. Celle qui a fait comprendre «à une fille noire qui a grandi dans un quartier difficile de Chicago qu’elle a le droit de choisir sa propre voie, malgré tous les stéréotypes et stigmates que la société lui renvoie».
«C’était une voix de réconfort pour une petite fille dont le père lui a été arraché par la dépendance et l’incarcération, une petite fille dont la vulnérabilité a fait d’elle une victime d’agressions sexuelles», a-t-elle poursuivi. «Même après sa mort, cette petite voix vient encore à moi quand les murs se referment, quand les critiques sont les plus bruyantes, quand les doutes sont les plus grands.»
Profil
1974 Naissance le 3 février, à Chicago.
2009 Première femme noire à être élue au Conseil municipal de Boston.
2015 Reçoit une récompense d’Emily’s List, organisation féministe.
2018 Elue à la Chambre des représentants.