BuzzFeed, le site d'«infotainment» à l'origine du scandale Trump
Médias
Le site d'information et de divertissement bouscule les médias traditionnels. Il compte 1300 employés et serait valorisé plus de 1,7 milliard de dollars

Le scandale est encore une fois venu de BuzzFeed. Dans la nuit de mardi à mercredi, le site publiait in extenso les 35 pages du rapport censé accabler Donald Trump, accompagné d’une lettre d’explication de son rédacteur en chef, Ben Smith. Le média américain n’en est pas à son premier coup d’éclat. En septembre, il publiait des e-mails confidentiels de l’ancien secrétaire d’Etat américain Colin Powell à propos de Donald Trump. En juillet, il révélait des informations sur de l’argent d’anciens dignitaires libyens caché au Royaume-Uni. Et en janvier 2016, associé à la BBC, il publiait une enquête sur des matches de tennis truqués. Fondé en 2006, disposant désormais de 18 bureaux sur la planète, BuzzFeed revendique une audience de plus de 500 millions d’internautes.
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Du Guardian à BuzzFeed
Ce mercredi, sur la page d’accueil du site se croisent le rapport sur Donald Trump, la recette (en vidéo) pour cuisiner un steak, un article sur les 22 pires choses que des gens ont fait dans un avion ou encore un quiz pour différencier Ryan Reynolds de Ryan Gosling. «L’entreprise a commencé son aventure avec du contenu viral focalisé sur le divertissement. Mais en 2014, grâce à 50 millions de dollars de capital-risque, elle a pu augmenter de manière substantielle la production d’information», analyse Cinzia dal Zotto, professeure à l’Université de Neuchâtel et spécialisée dans les nouveaux médias.
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La professeure a des exemples: «Chez BuzzFeed Angleterre, où les bénéfices ont apparemment quadruplé, l’entreprise a investi de manière significative en 2016 et embauché des journalistes de premier plan, dont la rédactrice en chef Janine Gibson venant du «Guardian». En parallèle, quatre vedettes de BuzzFeed sont passées chez CNN».
400 millions investis
Le site attire l’attention des médias traditionnels. A deux reprises, NBCUniversal (Comcast) a investi 200 millions de dollars dans son capital. Avec à la clé des partenariats. Les deux entreprises ont coopéré pour proposer des contenus sur Snapchat durant les Jeux olympiques de Rio et vendent des espaces publicitaires sur leurs deux plateformes. Il faudra donc de plus en plus compter sur BuzzFeed. «Sa valeur augmente et même des médias traditionnels sont prêts à y investir, poursuit Cinzia dal Zotto. On peut s’attendre à une augmentation de la qualité de sa production journalistique. Toutefois, cela dépend de la vision des investisseurs et s'ils privilégient les résultats à court ou long terme».
Et le site est passé maître dans la diffusion de ses contenus. «Environ 75% du trafic vient des réseaux sociaux, poursuit la spécialiste. Cette forte dépendance semble être une faiblesse pour BuzzFeed. Toutefois les réseaux sociaux sont en pleine croissance: on estime qu’au moins 70% des jeunes entre 18 et 34 ans visitent les réseaux sociaux tous les jours.»
Séduction mondiale
Où cataloguer Buzzfeed, qui entre en concurrence avec d’autres sites de médias, tels re/code, Vice, Business Insider ou encore The Huffington Post? «BuzzFeed est le seul qui utilise le «buzz» et le mixe avec du contenu journalistique sérieux, estime Cinzia dal Zotto. Toutefois les autres médias actifs uniquement sur Internet se focalisent sur une autre cible: des jeunes hommes qui ne s’informent pas sur les médias traditionnels pour Vice, des jeunes intéressés à la technologie pour re/code et une cible beaucoup plus large et généraliste pour le Huffington Post.
BuzzFeed est peut-être le plus «américain» de ces médias, toutefois son côté divertissement couplé avec un certain degré d’information «light» semble plaire à beaucoup de jeunes, aussi au-dehors des Etats Unis, notamment au Royaume-Uni.»