Parfois au milieu de la nuit
Centres de vaccination de masse, injections parfois proposées 24 heures sur 24: les Américains font des envieux. Se faire vacciner sur d’immenses parkings au volant de sa voiture, dans des stades, des parcs d’attractions, sur les campus d’universités ou à la pharmacie du coin: les résidents ont pour ainsi dire l’embarras du choix. Chaque Etat a son propre rythme et ses critères d’éligibilité, et près de 20% d’Américains sont déjà entièrement vaccinés, dont 55% des plus de 65 ans. Mardi, Joe Biden a donné un nouveau coup d’accélérateur: tous les plus de 16 ans pourront prétendre au vaccin sur l’ensemble du pays d’ici au 19 avril, promet-il. Autre promesse: tous auront accès à un centre de vaccination dans un rayon de 8 kilomètres autour de leur domicile, les immenses «vaccinodromes» n’étant pas accessibles à tous.
Trois différents vaccins sont administrés: celui de Johnson & Johnson (une dose), et ceux de Pfizer/BioNTech et Moderna (deux doses). Des millions d’Américains scrutent fébrilement les sites internet ad hoc pour rapidement obtenir un rendez-vous. A New York, où tous les adultes sont éligibles depuis mardi, Patrick, un habitant de Brooklyn, a eu de la chance. Il voulait le Johnson & Johnson pour son côté pratique, et le Javits Center, immense centre de congrès à proximité de l’Hudson River. Il les a eus. Dès que sa catégorie est apparue – les plus de 50 ans –, il a obtenu son rendez-vous en 5 minutes. Un nouveau lot de doses venait probablement d’être proposé au moment même où il cherchait à s’inscrire.
«Extraordinairement organisé»
Quatre jours plus tard, Patrick était vacciné. «Sur place, tout était extraordinairement organisé. Je n’ai jamais vu une telle efficacité!» raconte-t-il. «Comme demandé, je ne suis pas arrivé plus d’une demi-heure avant mon rendez-vous. Et il n’y avait aucun engorgement. Des soldats de la Garde nationale vous guident, tout va très vite!» Son seul regret? Ne pas avoir pu immortaliser le moment où il a eu son injection. Interdit. Probablement pour ne pas perdre de temps. Chaque seconde compte.
Car si la campagne de vaccination s’accélère, c’est aussi à cause de l’apparition de nouveaux variants agressifs et hautement contagieux, qui font craindre une quatrième vague. Des Etats américains ont relevé trop rapidement certaines restrictions. Pour Rochelle Walensky, directrice des CDC, c’est un problème. «Les cas augmentent au niveau national, et nous constatons cela majoritairement chez les jeunes adultes», a-t-elle relevé lundi. Selon le New York Times, les nouveaux cas de contamination et d’hospitalisation ont par exemple augmenté respectivement de 112% et de 108% dans le Michigan au cours des deux dernières semaines.
«Ils ont eu plus d’ambition»
Avec plus de 555 000 morts et 30 millions de personnes contaminées, le bilan américain de la pandémie est très lourd. En faisant de la lutte contre le coronavirus sa priorité, le président Biden a pu doubler son objectif de départ sur le nombre de doses administrées pendant ses 100 jours. Il semble faire un sans-faute dans sa gestion de la pandémie, contrairement à son prédécesseur. Mais, s’agissant des vaccins, une partie du mérite revient à Donald Trump: c’est bien lui, pressé de relancer l’économie, qui a encouragé le développement et la production rapide de vaccins, en libérant une première enveloppe de plusieurs milliards de dollars. Nom de code de l’opération, dirigée par un général: «Warp Speed» (vitesse de l’éclair). Le partenariat public-privé a ensuite fait des merveilles.
Même le président français, Emmanuel Macron, l’a reconnu. «Les Américains ont eu le mérite, dès l’été 2020, de dire «on met le paquet et on y va». Ils ont eu plus d’ambition que nous. Et le «quoi qu’il en coûte» qu’on a appliqué pour les mesures d’accompagnement, eux l’ont appliqué pour les vaccins et la recherche», a-t-il admis le 24 mars, lors d’une interview accordée à une télévision grecque.
Le couac de Baltimore
La campagne de vaccination aux Etats-Unis impressionne, mais elle ne s’est pas faite sans difficultés. Il y a des couacs. D’abord, les minorités noires et latinos restent sous-représentées parmi les individus qui ont eu accès au vaccin. Les autorités tentent de les cibler davantage. A New York, au stade des Yankees, par exemple, il faut être résident du Bronx pour s’y faire vacciner. Autre problème: les prisonniers. Dans certains Etats américains, cette catégorie de la population semble oubliée. C’est notamment le cas en Floride. Tous les plus de 16 ans peuvent désormais s’y faire vacciner, mais environ 70 000 détenus n’ont toujours pas vu la pointe de l’aiguille. Selon The Marshall Project, moins de 20% de la population carcérale américaine totale a été vaccinée. Ensuite, 15 millions de doses du vaccin de Johnson & Johnson ont dû être jetées, après une erreur humaine survenue dans le site de production d’Emergent BioSolutions, à Baltimore.
Les scientifiques craignent désormais surtout un relâchement. C’est le cas de Craig Spencer, médecin urgentiste à New York, par ailleurs survivant d’Ebola. «C’est fantastique que 55% des Américains de plus de 65 ans soient complètement vaccinés! Mais cela signifie que 45% ne le sont pas, y compris la femme de plus de 70 ans à qui je viens de diagnostiquer un covid sévère», tweetait-il lundi. «Continuez à vous protéger. Faites-vous vacciner quand vous le pouvez. L’été sera formidable. Mais le printemps n’a pas besoin d’être horrible.»
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