Ils ne sont pas contents? Qu’ils restent chez eux! C’est la réponse de Donald Trump à la polémique sur les conditions de rétention des migrants à la frontière avec le Mexique. Les tensions sont vives en raison d’un nouvel afflux de clandestins et des centres surpeuplés. Sous pression, le gouvernement mexicain vient d’annoncer le déploiement «permanent» de la Garde nationale à la frontière avec le Guatemala, pour tenter de freiner les migrants en provenance d’Amérique centrale.

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Des moqueries sur un groupe Facebook

Centres bondés, sans eau courante ni médicaments ou savon: ces derniers jours, des ONG, des élus démocrates, et même un rapport interne émanant de l’administration Trump ont tour à tour dénoncé les conditions «indignes» en vigueur dans certains centres américains. Les révélations, lundi, du site d’information indépendant ProPublica n’ont fait que raviver colère et inquiétudes.

ProPublica a révélé l’existence d’un groupe Facebook caché, de 9500 membres, où des agents de la Border Patrol se moquent des migrants et des élus démocrates qui prennent leur défense. Même la photo, devenue iconique, d’un Salvadorien et de sa fille noyés dans le Rio Grande alors qu’ils tentaient de rejoindre les Etats-Unis, est raillée. Ces informations ont été rendues publiques alors qu’un groupe de politiciens, dont la jeune démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, était en route pour visiter deux centres texans, à Clint et à El Paso. Ils ont par la suite témoigné de scènes «effroyables». Certains les ont même filmées.

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Alexandria Ocasio-Cortez est directement visée par le groupe des gardes-frontières, de façon très crue et scabreuse. Elle a réagi, sur Twitter, choquée: «Je comprends pourquoi les agents de la Bordel Patrol étaient si menaçants physiquement et sexuellement envers moi. Les agents gardaient les femmes dans des cellules sans eau et leur avaient dit de boire dans les toilettes.»

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Le risque d’aider des migrants

Mardi, au lendemain des révélations de ProPublica, Amnesty International a dénoncé, dans un rapport, la «campagne illégale et discriminatoire d’intimidation, de menaces et de harcèlement» du gouvernement américain contre les personnes qui défendent les droits des migrants à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Avocats, membres d’ONG et bénévoles affirment avoir été menacés par les autorités. Un procès a récemment fait grand bruit. Celui de Scott Warren. Le professeur de géographie, qui travaille comme volontaire pour l’ONG No More Deaths, risquait 20 ans de prison pour avoir aidé deux migrants latinos. Il a finalement été relaxé, le jury ne parvenant pas à prendre de décision.

Mercredi, c’est un rapport de l’inspection générale du Ministère américain de la sécurité intérieure qui s’inquiète de la surpopulation et de l’insécurité autour des centres. Ils représentent un «risque immédiat pour la santé et la sécurité des agents du ministère ainsi que celles des détenus», souligne le rapport, rédigé après l’inspection de cinq centres en juin. Parmi ses constats: des enfants de moins de 7 ans, seuls, attendaient d’être transférés depuis plus de deux semaines alors qu’ils sont censés être pris en charge dans les 72 heures. La plupart manquaient d’habits de rechange et avaient un accès insuffisant aux douches.

Question surpopulation, les inspecteurs ont établi qu’il n’y avait que quatre douches pour 756 migrants dans un des centres inspectés, que plus de la moitié étaient logés en plein air et que les cellules étaient remplies avec quatre à cinq fois plus de personnes que la capacité prévue.

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«Parqués comme des animaux»

La situation devient urgente. Rien qu’en mai, 144 000 personnes ont été arrêtées et placées en rétention aux Etats-Unis après avoir franchi illégalement la frontière. Le sort des enfants est particulièrement préoccupant, alors que la politique de séparation des familles prônée par Donald Trump est fustigée. La semaine dernière déjà, l’ONG Human Rights Watch avait dénoncé le sort de 300 mineurs non accompagnés retenus dans le centre texan de Clint.

Très vite, des candidats démocrates pour la présidentielle de 2020 ont réagi. Pour Kamala Harris, désormais en deuxième position dans les sondages, «aucun être humain ne mérite d’être traité ainsi». «Des êtres humains sont parqués comme des animaux dans notre pays», a de son côté dénoncé Elizabeth Warren.

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Laxisme

A qui la faute? Donald Trump met la pression sur le Mexique, qu’il accuse de laxisme. Il menace régulièrement d’imposer des taxes sur les produits mexicains et prône la fin de la pratique du «catch and release», ce qui aboutit à davantage d’incarcérations de migrants, y compris de demandeurs d’asile. Il tient par ailleurs à ce que les requérants restent au Mexique le temps de l’examen de leur demande.

Mercredi, le président américain, qui ambitionne toujours de construire un grand mur le long de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, s’est contenté de tweeter: «Si les immigrants illégaux ne sont pas contents de leurs conditions dans les centres de rétention construits ou rénovés rapidement, dites-leur simplement de ne pas venir. Tous les problèmes seront résolus!» «Beaucoup de ces étrangers clandestins vivent maintenant bien mieux que là d’où ils viennent, et dans des conditions bien plus sûres», a-t-il également relevé.

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La plupart des migrants fuient des situations de violences au Honduras et au Salvador, notamment des gangs qui pratiquent racket et assassinats. Donald Trump a souvent préféré mettre en avant une «horde de criminels» et de «trafiquants de drogue menaçant la sécurité nationale» pour justifier sa tolérance zéro vis-à-vis des clandestins. Lors de sa campagne de 2016, il avait choqué en assimilant, sans nuance, les Mexicains à des violeurs. La migration était un thème majeur de la campagne présidentielle de 2016. Elle le restera en 2020.