En attendant, la Commission juridique de la Chambre s’est penchée mercredi sur les chefs d’accusation à formuler en auditionnant quatre experts en droit constitutionnel. Son président, le démocrate Jerry Nadler, a donné le ton: pour lui, Donald Trump était prêt à «mettre en péril la sécurité des Etats-Unis et ses fonctions pour son bénéfice personnel et politique». Pour le professeur d’Harvard Noah Feldman, les faits sont clairs: «Le président Trump a commis de graves crimes et délits en abusant de la présidence de manière corrompue.» «Si nous ne pouvons pas destituer un président qui abuse de sa fonction pour son avantage personnel, nous ne vivons plus dans une démocratie, nous vivons dans une monarchie ou sous une dictature», a-t-il ajouté. Les deux experts suivants sont également d’avis que les critères pour une mise en accusation sont remplis.
Seul le quatrième, le professeur Jonathan Turley, de l’Université George Washington, pense le contraire. Il dénonce le climat électrique qui entoure l’affaire: «J’ai compris. Vous êtes énervés. Le président est en colère. Mes amis républicains sont énervés […]. Même mon chien l’est… Une mise en accusation bâclée nous rendra-t-elle pour autant moins en colère, ou ne sera-t-elle qu’une invitation à ce que ce climat électrique perdure dans toute future administration?» A majorité démocrate, la Chambre devrait au final se prononcer en faveur d’une mise en accusation du président. Au Sénat, c’est à une majorité de deux tiers des voix que les élus décideront de son avenir. Avec à ce stade peu de suspense: il faudrait que 20 sénateurs républicains votent contre Donald Trump pour qu’il soit destitué.
«Jamais à ce point»
Depuis lundi, la guerre des rapports fait rage aux Etats-Unis. Avec, d’un côté, des «preuves accablantes» et, de l’autre, une accusation de «mascarade». Dans son rapport d’impeachment, Adam Schiff, le président démocrate de la Commission du renseignement de la Chambre des représentants, décrit en détail la «conduite inappropriée» de Donald Trump, qui a exercé des pressions sur son homologue ukrainien pour nuire à un rival politique. Sa conclusion: «Aucun président n’a jamais bafoué à ce point la Constitution et le pouvoir de supervision du Congrès.» «Imposture», a aussitôt commenté la Maison-Blanche. La veille, les républicains avaient publié leur propre rapport d’enquête, qui lave Donald Trump de tous soupçons.
Le rapport de la commission clôt plusieurs semaines d’auditions d’une quinzaine de témoins. Il confirme que «le président Trump a, personnellement et par l’entremise d’agents au sein et à l’extérieur du gouvernement, sollicité l’ingérence d’un pays étranger, l’Ukraine, pour favoriser sa campagne de réélection». Et qu’il a «placé ses intérêts personnels et politiques au-dessus des intérêts nationaux, a cherché à miner l’intégrité du processus électoral américain et mis en danger la sécurité nationale».
Quel poids sur l’élection?
C’est un lanceur d’alerte, resté anonyme, qui, le premier, a révélé l’existence du coup de fil du 25 juillet entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. Il jugeait son contenu inquiétant. Très vite, les enquêtes de la commission ont tourné autour de deux points: Donald Trump a-t-il cherché à obtenir du président ukrainien qu’il lance une enquête sur le fils de Joe Biden, pour nuire à un rival démocrate lancé dans la course à la présidentielle? Et: a-t-il bien fait miroiter à Zelensky une visite à la Maison-Blanche et gelé une aide militaire de 400 millions de dollars dans l’espoir d’arriver à ses fins? Pour les démocrates, il n’y a pas de doute. Le 24 septembre, la speaker de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, avait justifié le lancement de la procédure, en parlant de «trahison». Si Donald Trump échappe à une destitution, reste cette question: la procédure va-t-elle nuire à ses chances de réélection?