Donald Trump définitivement muselé par Twitter
Etats-Unis
Privé de son arme de communication massive, le président est coupé de sa base électorale qu'il galvanise depuis des années. Twitter justifie sa décision par la crainte de «nouvelles incitations à la violence»

Supprimé! @realDonaldTrump appartient désormais au passé. Au surlendemain de l'attaque du Capitole, Twitter a fini par suspendre définitivement le compte du président. Le jour où Donald Trump venait de confirmer, sur Twitter, qu'il n'assisterait pas à la procédure d'assermentation de Joe Biden, du jamais vu depuis Andrew Johnson en 1869. C'est, avec la qualification de ses supporters de «patriotes», ce qui a motivé le patron de Twitter, sous pression, à franchir un pas supplémentaire. Car ce boycott confirme que le président ne reconnaît pas la légitimité de l'élection du démocrate et pourrait provoquer «de nouvelles incitations à la violence», craint le réseau social.
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Comme «émasculé»
Pour Donald Trump, toujours plus isolé et désormais menacé par une procédure de destitution, le coup est dur. Twitter était son arme de communication massive, sa manière de contourner les médias qu'il accuse de divulguer des «fake news», pour s'adresser directement à sa base électorale. Son profil abreuvait également les médias, ses tweets provoquant souvent de vives réactions. Il était suivi par plus de 88 millions de personnes. S'il avait bien un responsable des réseaux sociaux, c'est lui qui tweetait le plus souvent, parfois à des heures très matinales.
Fâché, il tweetait par chapelets entiers et souvent en majuscules. Généralement sans filtre et parfois trop vite. On se souvient du «covfefe» - «Malgré la covfefe négative constante de la presse» - tweeté le 31 mai 2017, une faute de frappe pour «coverage» (couverture) rapidement devenu virale. Ayant peu apprécié d'être moqué, Donald Trump avait même soutenu qu'il l'avait fait intentionnellement. Il a pourtant supprimé le tweet.
Jim Acosta, journaliste de CNN, ose le mot: privé de Twitter, son mégaphone préféré, Donald Trump est comme «émasculé». Une première manière efficace de le neutraliser? La question est désormais de savoir quelle plateforme le républicain va tenter d'utiliser pour maintenir le lien direct avec ses militants. Va-t-il opter pour des réseaux alternatifs comme GAB ou Parler, très prisés par des cercles conservateurs et proche de l'Alt-right, utilisés notamment par les assaillants du Capitole?
Ses déclarations officielles pourront en attendant être partagées par des membres de son équipe, ceux qui n'ont pas encore songé à démissionner. Mais pas sur @TeamTrump, qui a aussi disparu. Privé de @realDonaldTrump, il s'est déjà précipité sur @POTUS (33 millions d'abonnés), le compte officiel de la Maison-Blanche pour le président des Etats-Unis, auquel il recourt habituellement peu, pour fustiger la décision. «Twitter est allé encore plus loin dans son musellement de la liberté d'expression, et ce soir, les employés de Twitter ont coordonné avec les démocrates et la gauche radicale le retrait de mon compte de leur plateforme, pour me faire taire moi - et VOUS, les 75 millions de grands patriotes qui avez voté pour moi», a-t-il dénoncé. Un message très rapidement... effacé par le réseau social. La Maison-Blanche a alors publié un communiqué.
Le républicain peut également compter sur son fils, Donald Trump Jr, le plus virulent de ses enfants. A l'annonce de Twitter, il a très vite parlé de «folie absolue». «Nous vivons 1984 d'Orwell. La liberté d'expression n'existe plus en Amérique. Elle est morte avec la big tech et ce qui reste n'est là que pour quelques élus», a-t-il tweeté.
We are living Orwell’s 1984. Free-speech no longer exists in America. It died with big tech and what’s left is only there for a chosen few.
— Donald Trump Jr. (@DonaldJTrumpJr) January 9, 2021
This is absolute insanity! https://t.co/s2z8ymFsLX
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Avant de prendre cette décision définitive, Twitter avait déjà supprimé plusieurs tweets de Donald Trump, pour «violations graves et répétées» de sa «politique d’intégrité civique». Ou précisé que des messages avaient un contenu fallacieux, en ajoutant des avertissements à certains de ses tweets. La censure du président, totalement inhabituelle, s'est cette fois transformée en mesure irréversible. Mercredi, après la prise d'assaut du Capitole, Twitter avait déjà suspendu son compte pendant douze heures, en guise d'avertissement. Facebook, Snapchat, Twitch ou Instagram ont également suspendu les profils officiels du président, sans pour autant encore confirmer de suppression définitive, même si certains ont évoqué la possibilité d'un bannissement à vie.
Chasse aux QAnonistes
Dans le déni le plus total et refusant d'accepter sa défaite, Donald Trump a, mercredi, poussé les manifestants, parmi lesquels des suprémacistes blancs et des conspirationnistes de QAnon, à se diriger vers le Capitole pour exprimer leur colère et semer le désordre pendant que le Congrès était en train de certifier la victoire de Joe Biden. Une de ses vidéos a été supprimée.
Les réseaux sociaux sont plus que jamais sous le feu de critiques, accusés d'avoir véhiculé des images violentes et appels à semer le chaos. Les heurts ont provoqué la mort de cinq personnes, dont celle d'un policier et d'une sympathisante de Trump mortellement touchée par le tir d'un policier. Ce n'est que vendredi que Twitter a également pris une autre décision, celle de bannir les messages liés à QAnon, mouvement complotiste proche de l’extrême droite colportant des théories délirantes mêlant pédophilie, satanisme et élites américaines. Tant Twitter que Facebook sont régulièrement montrés du doigt pour ne pas avoir suffisamment empêché des contenus extrémistes ou conspirationnistes et contribué à la désinformation.
«Nos règles sur l'intérêt du public existent pour permettre aux gens d'entendre directement ce que les élus et les leaders politiques ont à dire (...). Cependant nous avons bien fait comprendre depuis des années que ces comptes ne sont pas entièrement au-dessus de nos règles, et qu'ils ne peuvent pas utiliser Twitter pour inciter à la violence, entre autres choses», précise le réseau social dans un communiqué publié vendredi. Donald Trump, lui, avertit: il ne sera pas «réduit au silence» et pourrait même créer sa «propre plateforme».