Ils étaient 17, il n’en reste plus qu’un seul. Aux Etats-Unis, la convention républicaine de juillet risque d’être presque tout sauf «contestée», le terme qui désigne un jeu ouvert permettant l’éventuelle apparition d’un candidat nouveau. Le triomphe mardi en Indiana de Donald Trump sur Ted Cruz, pourtant donné favori dans cet Etat où les conservateurs sont en force, a douché presque tous les espoirs de l’establishment républicain. Ted Cruz, puis John Kasich, ont annoncé la suspension de leur campagne.

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Après le scrutin, la présidence du parti a appelé à l’unité derrière Donald Trump, un appel qui tient presque de la supplique étant donné les divisions suscitées par le magnat de l’immobilier. Avant de jeter l’éponge, Ted Cruz s’est livré à une attaque sans précédent contre son adversaire, le traitant entre autres de «menteur pathologique». Aperçus de nos analyses sur le personnage qui, de toute évidence, va porter les couleurs républicaines.

Une bête politique postmoderne. Le milliardaire de New York représente un animal politique totalement nouveau, écrivions-nous en février. C’est un candidat «postmoderne». Personne mieux que lui a compris l’ère dans laquelle on vit, celle de la révolution numérique. Il a fait des réseaux sociaux son principal chef de campagne, captant avec une redoutable efficacité le mécontentement populaire. Le message est secondaire, l’essentiel est le médium. A la différence de Barack Obama qui, en 2008 et 2012 véhiculait sa vision politique à travers les réseaux sociaux, Donald Trump communique par slogans réducteurs. Les médias en sont d’ailleurs au point de renoncer à vérifier les déclarations du candidat, tant elles font fi des faits.

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Un programme tranché mais mouvant. Vision brutale de la politique étrangère, expulsion des clandestins et abrogation de l’Obamacare en politique intérieure, plaidoyers pour abolir les régulations économiques, tels sont quelques-uns des principaux axes de son programme, au demeurant parfois changeant, que nous résumons ici.

Dans l’establishment, une lente résignation. Au fil des primaires, notions-nous dans une revue de presse, la panique n’a cessé de croître: chez les républicains, en réalité, on ne se demandait même plus comment arrêter Donald Trump, on se contente désormais d’espérer – à demi-mot – que les démocrates le stoppent sur le seuil de la Maison-Blanche, si les conservateurs n’y parviennent pas eux-mêmes…

Son atout, séduire les ouvriers. Lors de ses meetings électoraux, il ne cesse de tempêter contre les accords de libre-échange, à commencer par l’Alena, le traité entre le Mexique, le Canada et les Etats-Unis en vigueur depuis 1994. Il peste aussi contre le Partenariat transpacifique, un accord de libre-échange entre douze pays de l’espace Asie-Pacifique représentant 40% du commerce mondial. Dans ses diatribes, il répète l’important déficit commercial entre le Mexique et les Etats-Unis. Ces critiques visent un électorat bien précis: la classe laborieuse blanche. Le phénomène rappelle ce qui s’est passé au début des années 1980 avec Ronald Reagan et que Thomas Frank a bien raconté dans son ouvrage «What’s the Matter with Kansas». Des ouvriers blancs qui votaient généralement démocrates se sont détournés de leur parti pour se rallier derrière le père de la révolution conservatrice.

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Un «Mussolini américain»? Dans une opinion, le professeur à Harvard Joseph s. Nye, JR. s’interroge sur la crainte exprimée parmi certaines élites, selon laquelle Donald Trump, s’il est élu, deviendrait un genre de Mussolini des Etats-Unis. Il nuance: Quelles que soient ses difficultés, l’Amérique d’aujourd’hui ne saurait pour autant être comparée à l’Italie de 1922. Les garde-fous institutionnels prévus par la Constitution, alliés à une justice impartiale, devraient permettre de maîtriser ce showman de téléréalité. Le véritable danger réside moins dans ce que pourrait accomplir Trump, s’il parvenait à gagner la Maison Blanche, que dans les dégâts provoqués par le discours du candidat lors de sa campagne.

Son discours: «Je, je, je, moi, moi, moi…». Puisqu’il est posé que chez Donald Trump, le médium est le message, il vaut la peine de se pencher sur son discours stricto sensu. C’est la passionnante étude que propose Jacques Savoy, professeur à l’Université de Neuchâtel. Il relève des constantes: mots courts, phrases itou, relative pauvreté du vocabulaire, importance considérable du «je» et du «very»… Pour conclure: Donald Trump fait montre d’une grande aisance devant les caméras. Au reste ancien animateur de télévision, il possède bien des caractéristiques communes avec Ronald Reagan, naguère surnommé The Great Communicator; mais accédera-t-il à la Maison Blanche?


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