Donald Trump et les impôts, enfin la vérité?
États-Unis
Le «New York Times» a eu accès aux documents fiscaux que le président a toujours refusé de divulguer. Il n’aurait payé que 750 dollars en impôt fédéral sur le revenu en 2016 et en 2017, et accuserait des millions de dollars de pertes

La tension monte. A quelques heures du premier débat entre Donald Trump et son rival démocrate Joe Biden, qui aura lieu mardi soir, le New York Times a lâché une bombe. Le quotidien a eu accès aux documents fiscaux que le républicain a jusqu’ici toujours refusé de divulguer. Résultats? En 2016, année de son élection, et en 2017, il n’aurait payé que 750 dollars (697 francs) d’impôt fédéral sur le revenu. Et pendant dix ans, ce montant était de… zéro. Voilà de quoi donner des munitions à Joe Biden pour le premier face-à-face. Quelques heures plus tôt, le président avait suggéré sur Twitter qu’il fallait faire passer un test antidopage à son rival, parce qu’il chercherait à «améliorer ses performances» de façon artificielle.
I will be strongly demanding a Drug Test of Sleepy Joe Biden prior to, or after, the Debate on Tuesday night. Naturally, I will agree to take one also. His Debate performances have been record setting UNEVEN, to put it mildly. Only drugs could have caused this discrepancy???
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) September 27, 2020
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Une histoire différente
Les révélations du New York Times font réagir. «Le New York Times a obtenu les informations fiscales sur plus de vingt ans concernant M. Trump et les centaines de sociétés qui composent son groupe, y compris des informations détaillées au sujet de ses deux premières années au pouvoir. Cela n’inclut pas ses déclarations d’impôt sur le revenu pour 2018 ou 2019», précise l’article. Selon le journal, si Donald Trump a à ce point échappé aux impôts, c’est parce qu’il aurait déclaré plus de pertes d’argent que de gains, plusieurs de ses sociétés, dont des clubs de golf et son hôtel de Washington, ayant affiché de très mauvais résultats. Il est également en litige depuis dix ans avec l’Internal Revenue Service (IRS), l’administration fiscale américaine, sur la légitimité d’un remboursement d’impôts de 72,9 millions de dollars (67,4 millions de francs) qu’il a demandé et reçu après avoir déclaré d’énormes pertes, rappelle le titre. Un jugement défavorable pourrait lui coûter plus de 100 millions de dollars (92,4 millions de francs).
Toujours selon le New York Times, les déclarations obtenues «racontent une histoire fondamentalement différente de celle qu’il a vendue au public américain», celle d’un homme d’affaires «qui encaisse des centaines de millions de dollars par an tout en accumulant des pertes chroniques qu’il utilise agressivement pour éviter de payer des impôts». «Aujourd’hui, alors que ses difficultés financières s’accumulent, les dossiers montrent qu’il dépend de plus en plus des bénéfices des entreprises qui le placent en conflit d’intérêts potentiel et souvent direct avec son poste de président», ajoute le quotidien.
Le journal avait déjà obtenu de précédentes déclarations en 2016, grâce à un envoi anonyme. Celles de 1995 faisaient état de pertes de 915,7 millions de dollars (846,3 millions de francs), de quoi lui permettre d’obtenir une déduction fiscale qui aurait pu lui valoir de ne pas payer d’impôt fédéral sur le revenu pendant près de vingt ans.
Des informations jugées «bidon, totalement inventées»
Dimanche, le président a très vite réagi. Pour affirmer que les informations sont «bidon, totalement inventées», qu’il a au contraire payé «beaucoup d’impôts sur le revenu», à la fois à l’IRS et à l’Etat de New York. Alan Garten, un avocat de la Trump Organization, parle de son côté de «dizaines de millions de dollars» dans une déclaration fournie au journal. Alexandria Ocasio-Cortez, jeune élue démocrate à la Chambre des représentants et bouc émissaire du président, a rappelé sur Twitter qu’en 2016 et 2017 elle avait elle-même payé «des milliers» en impôts, comme simple barmaid.
In 2016 & ‘17, I paid thousands of dollars a year in taxes *as a bartender.*
— Alexandria Ocasio-Cortez (@AOC) September 28, 2020
Trump paid $750.
He contributed less to funding our communities than waitresses & undocumented immigrants.
Donald Trump has never cared for our country more than he cares for himself. A walking scam. https://t.co/VZChbp8htu
Les déclarations fiscales du président sont devenues un immense serpent de mer, au cœur d’une féroce bataille judiciaire. Le «milliardaire» est le seul président depuis les années 1970 à avoir refusé de les rendre publiques, soulevant ainsi toutes sortes de spéculations sur l’état réel de sa fortune et les raisons le poussant à privilégier l’opacité.
En juillet déjà, Donald Trump avait essuyé une défaite devant la Cour suprême. La Cour a admis que le procureur new-yorkais Cyrus Vance était en droit d’exiger que le président lui transmette ses déclarations d’impôt et d’autres documents bancaires pour la période couvrant les années 2011 à 2018. Le but du procureur est notamment de déterminer par quel biais l’actrice porno Stormy Daniels, maîtresse supposée de Trump, a reçu de l’argent en pleine campagne électorale en 2016 pour ne pas peser sur ses chances d’élection, et si cela constitue une violation des lois sur le financement des campagnes. La Cour suprême a en revanche, dans une deuxième décision, estimé que le Congrès ne devait pour l’instant pas avoir accès à ces documents. Elle a préféré renvoyer le dossier aux tribunaux inférieurs.
Désormais, une partie de ces informations sont publiques, à travers l’enquête du New York Times. Le média promet d’autres révélations.