Le concept est devenu un gros mot dans les relations internationales. Mais avec les incendies catastrophiques en Amazonie, il est temps de reparler du droit d’ingérence, non pas humanitaire mais écologique.

La souveraineté nationale ne peut être absolue. Il ne s’agit pas de jeter ce pilier du système international aux orties. Mais lorsqu’un Etat manque à ses obligations élémentaires, la communauté internationale a une responsabilité subsidiaire. Quand un écosystème aussi crucial pour l’avenir de la planète que l’Amazonie est aussi ostensiblement mis en danger par un gouvernement, les autres nations ont le droit et même le devoir de rappeler ce dernier à ses obligations.

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A ce jour, malgré ses menaces, Jair Bolsonaro n’a pas retiré son pays de l’Accord de Paris, dont l’une des plus évidentes mesures pour limiter le réchauffement climatique est de stopper la déforestation. Le président brésilien a beau jeu d’invoquer la souveraineté nationale et d'hurler au néocolonialisme. C’est bien lui qui a soufflé sur les braises des incendies en Amazonie. C’est la politique irresponsable du nouveau gouvernement brésilien qui a provoqué l’indignation planétaire, dont Brasilia s’estime aujourd’hui victime.

Ces dernières décennies, le droit d’ingérence a été dévoyé, jusqu’à renverser des régimes en Irak ou en Libye et plonger ces pays dans le chaos. Ces interventions soi-disant humanitaires ont discrédité le droit d’ingérence, devenu un véritable tabou. Mais, aujourd’hui, personne n’invoque sérieusement une intervention militaire étrangère en Amazonie.

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Depuis la chute de Kadhafi en Libye, les chantres traditionnels d’une souveraineté nationale intransigeante, à Moscou ou à Pékin, ont été rejoints par les nouveaux dirigeants nationaux-populistes, à l’instar de Donald Trump et de Jair Bolsonaro. Ces deux chefs d’Etat partagent un même mépris pour les réglementations écologiques – des freins à la compétitivité voire un complot étranger –, qu’ils démantèlent une par une.

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Même si le contexte politique n’y est pas propice, le débat autour de la souveraineté est tout aussi urgent que la crise écologique. L’alternative serait de se résoudre à ce que l’Amazonie appartienne seulement au Brésil, et pour encore au moins trois précieuses années, à celui qui se vante d’être le «capitaine tronçonneuse».