A El Paso, un homme tue 20 personnes en dénonçant une «invasion d'Hispaniques»
États-Unis
Vingt personnes ont été tuées samedi à El Paso. Le meurtrier, un Blanc de 21 ans, serait l’auteur d’un manifeste anti-immigrants, louant le responsable des attaques de mosquées à Christchurch. Quelques heures plus tard, un drame a fait 10 morts dans l’Ohio, dont le tueur

L’horreur. En tuant, samedi, 20 personnes dans un centre commercial d’El Paso (Texas), un Blanc de 21 ans a plongé à nouveau les Etats-Unis dans le cauchemar des fusillades de masse, qui endeuillent le pays à intervalles réguliers. Surtout, le tireur semble avoir été motivé par sa peur de l'«invasion étrangère», un terme souvent utilisé par le président Donald Trump pour qualifier la «crise migratoire» à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Ces motifs, s’ils se vérifient, ne font que rajouter une couche supplémentaire au drame.
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Dimanche, les Américains, déjà sous le choc, se sont réveillés en apprenant qu’un autre drame avait eu lieu dans la nuit, vers 1 heure du matin, dans l’Ohio: cette fois, le tueur a fait 9 morts et 26 blessés, et a été tué par la police. Le tout, en moins d’une minute.
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Un «acte de lâcheté»
Samedi, après une première réaction, Donald Trump a dénoncé la fusillade «haineuse» d’El Paso, qu’il a qualifiée d'«acte de lâcheté». Très éprouvé, le gouverneur du Texas, le républicain Greg Abbott, s’est rapidement rendu sur les lieux du drame, et a dénoncé toute instrumentalisation politique de ce «crime motivé par la haine raciale». Il a appelé à l’unité, alors que très vite le débat sur la peine capitale pour le meurtrier a été lancé.
Le démocrate Beto O’Rourke, candidat à la présidentielle pour 2020, a de son côté interrompu sa campagne pour revenir chez lui à El Paso. Il s’est rendu dans un hôpital. Très remonté contre le président, il a lui aussi parlé de haine raciale. «Nous assistons chaque année, depuis trois ans, à une augmentation des crimes haineux, sous une administration dont le président traite les Mexicains de violeurs et de criminels. Trump est un raciste; il attise le racisme dans ce pays», a-t-il déclaré aux médias présents.
D’autres candidats ont réagi. Comme Pete Buttigieg. «L’Amérique est attaquée par un terrorisme intérieur de nationalistes blancs», n’a-t-il pas hésité à condamner. Au cœur d’une vive polémique ces derniers jours en raison d’attaques racistes contre plusieurs élus noirs, Donald Trump est régulièrement accusé d’attiser les tensions raciales, d’accentuer les divisions et de surfer sur la haine pour satisfaire son électorat de conservateurs blancs. Le tireur fou s’est-il inspiré des propos du président, qui n’hésite pas à dépeindre la crise à la frontière de façon apocalyptique pour satisfaire son agenda politique? Pas sûr qu’une enquête détaillée permettra de le confirmer. Mais la question mérite d’être posée.
Hispaniques montrés du doigt
La police étudie un «manifeste» qui aurait été rédigé par le meurtrier. Le texte, «The Inconvenient Truth», divulgué sur internet, est clairement anti-immigrants. Son auteur loue le responsable des attaques de mosquées à Christchurch en Nouvelle-Zélande, qui ont fait 51 morts le 15 mars dernier, un suprémaciste blanc. Il dit craindre une invasion étrangère. «Les Hispaniques prendront le contrôle du gouvernement local et de l’Etat de mon Texas bien-aimé, en changeant la politique pour mieux répondre à leurs besoins», écrit-il, ajoutant que les Etats-Unis «pourrissent de l’intérieur». Le texte de 4 pages est apparu sur 8chan, un forum en ligne, environ vingt minutes avant les premiers appels reçus par les urgences.
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A 83% hispanique, El Paso est une ville-frontière de 682 000 habitants, qui a la ville mexicaine de Ciudad Juarez comme pendant. Administrée par des démocrates dans un Etat républicain, elle est souvent décrite comme l’une des villes les plus sûres du pays, précisément du fait de la forte présence de forces de l’ordre pour contrôler la frontière. Selon des statistiques de 2018, 18 meurtres en moyenne ont été commis par an ces cinq dernières années, un chiffre plutôt bas en comparaison avec la moyenne nationale. Ces derniers mois, El Paso était souvent médiatisée en raison d’une arrivée importante de migrants.
Au moment du drame, entre 1000 et 3000 personnes étaient présentes dans le centre commercial. Des vidéos, insoutenables, montrant des corps qui gisent sur le parking, ont circulé, ainsi que des images de scènes de panique à l’intérieur des supermarchés. Des caméras de surveillance ont capté le tireur, avec un fusil d’assaut de type AK-47 et un casque sur les oreilles.
251 depuis le début de l’année
Avec en tout cas 20 morts, la fusillade d’El Paso fait partie des plus meurtrières du pays. En 2017, à Las Vegas, un tireur fou avait fait 59 morts dans les environs de l’hôtel Mandalay Bay. La fusillade d’Orlando (Floride) de juin 2016, dans une discothèque gay, avait, elle, causé la mort de 50 personnes. Celle de Parkland, dans une école en février 2018, a été moins meurtrière, mais elle a beaucoup marqué les esprits. Dix-sept adolescents y ont perdu la vie. Avec Parkland, un nouveau mouvement demandant un meilleur contrôle des armes est né, avec à sa tête des jeunes, combatifs. Mais il a un peu perdu de son souffle ces derniers mois.
Désormais, la tuerie d’El Paso vient s’ajouter à la liste bien trop longue des fusillades qui à chaque fois relancent la question des armes circulant trop facilement dans le pays. Selon l’ONG Gun Violence Archive, il s’agit de la 250e fusillade ayant visé plus de quatre personnes aux Etats-Unis depuis le début de l’année.