États-Unis
Après un discours axé sur l’unité, la réconciliation et le besoin de combattre l’extrémisme, le démocrate s'est vite mis au travail, en adoptant des décrets pour inverser des décisions prises par son prédécesseur

Il a attendu que Donald Trump, en partance pour la Floride, gravisse pour la dernière fois les marches d’Air Force One. A cet instant précis, Joe Biden, vêtu d’un costume Ralph Lauren, est sorti de la Blair House, la résidence des invités officiels du président des Etats-Unis, avec son épouse. Ses premiers pas d’homme prêt à affronter son nouveau destin dans une Washington aux allures de camp retranché, débarrassée de Donald Trump. D’homme qui «n’a pas une seconde à perdre», aussi. Car le démocrate a démarré son Inauguration Day avec un objectif: signer très vite des décrets présidentiels et adopter 17 décisions pour rompre avec l’héritage de son prédécesseur. L’ère Biden peut vraiment commencer.
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«La démocratie l’a emporté»
Désormais 46e président des Etats-Unis, le démocrate a prêté serment dans un contexte des plus extraordinaires. Une pandémie qui a fait plus de 400 000 morts, un Donald Trump refusant d’accepter sa défaite qui a déserté la capitale en boycottant la cérémonie, des invités masqués se saluant avec des coups de coude et un dispositif sécuritaire massif déployé après l’attaque meurtrière du Capitole du 6 janvier. Le centre-ville de Washington ressemble à un vaste camp militaire. Avec des policiers partout, 25 000 soldats de la Garde nationale, des grilles, des barbelés, des barrages, des gyrophares, des rues bloquées. Une «zone rouge» interdite aux voitures et une «zone verte» infranchissable sauf accréditation spéciale.
La capitale est méconnaissable. Or c’est précisément cette image d’une Amérique sous tension, inquiète, qui se barricade, que Joe Biden espère balayer après quatre ans de présidence chaotique. Devant le Capitole, face aux 190 000 drapeaux plantés sur le National Mall pour représenter un public absent, Joe Biden a prêté serment juste après sa vice-présidente, Kamala Harris. Vers 11h50, la main posée sur une épaisse Bible tenue par sa femme. Juste après une prestation de la chanteuse Jennifer Lopez, alors que Lady Gaga avait déjà chanté l’hymne national.
Notre suivi en direct de l'inauguration de Joe Biden.
Sans surprise, il a consacré son discours inaugural de seize minutes au besoin de combattre la violence et de réconcilier l’Amérique. «La démocratie l’a emporté», a-t-il relevé sur un ton ferme, alors que Donald Trump n’a cessé de contester la légitimité de son élection, allant jusqu’à inciter ses partisans les plus sauvages à attaquer le Capitole. «Vaincre l’extrémisme politique, le suprémacisme blanc et le terrorisme intérieur», «restaurer l’âme de l’Amérique», «mettre fin à cette guerre incivile qui oppose le rouge au bleu, le rural à l’urbain, le conservateur au libéral», «ouvrir nos âmes au lieu d’endurcir nos cœurs»: Joe Biden se veut résolument rassembleur, le «président de tous les Américains», celui qui devra tendre la main aux 74 millions d’électeurs de Trump.
«Ensemble, nous allons écrire une histoire américaine d’espoir, et non de peur. D’unité, et non de division. De lumière et non de ténèbres», a-t-il insisté alors que Donald Trump, en 2016, avait préféré parler de «carnage américain». Plusieurs fois d’ailleurs, Joe Biden a fait allusion à son prédécesseur, sans jamais le citer. Il a par exemple relevé que «la politique n’a pas besoin d’être un feu furieux, détruisant tout sur son passage». Ou: «Tous les désaccords ne doivent pas mener à une guerre totale. Nous devons rejeter la culture dans laquelle les faits eux-mêmes sont manipulés et même inventés.»
Président le plus âgé
Après avoir déposé une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu au cimetière d’Arlington, en présence de trois anciens présidents – Barack Obama, Bill Clinton et George W. Bush –, Joe Biden est entré à la Maison-Blanche pour signer, depuis le Bureau ovale, de tout premiers décrets, pendant que l’acteur Tom Hanks préparait une soirée festive diffusée sur la plupart des grandes chaînes de télévision. Tout comme la Maison-Blanche sera désinfectée de fond en comble après le départ de Donald Trump, Joe Biden, qui de fait, à 78 ans, devient le président le plus âgé à avoir prêté serment, veut très vite neutraliser et jeter aux oubliettes des décisions controversées prises par son prédécesseur, sur le front de l’immigration, de la santé et de l’environnement notamment. «Nous n’avons pas une seconde à perdre quand il s’agit de faire face aux crises auxquelles nous sommes confrontés en tant que nation», avait-il déjà averti la veille sur Twitter.
Les événements de Charlottesville
Signe des tensions extrêmes après les événements du Capitole, le FBI, inquiet de la présence de mauvais éléments au cœur même de l’appareil sécuritaire, a procédé à des contrôles poussés des antécédents des 25 000 soldats de la Garde nationale déployés à Washington. Par précaution, une douzaine ont été écartés de leur mission pour l’Inauguration Day. L’infiltration des forces de l’ordre par des suprémacistes et extrémistes est un thème que Joe Biden est déterminé à prendre au sérieux. Ce sont d’ailleurs les événements de Charlottesville (Virginie), en août 2017, lors desquels une manifestante antiraciste a été tuée par un extrémiste, qui ont poussé Joe Biden à viser pour la troisième fois la Maison-Blanche. Il avait été outré par la réaction de Donald Trump, qui avait tardé à condamner les suprémacistes blancs.