La Convention nationale du parti démocrate s'est déroulé cette semaine aux Etats-Unis, sous une forme inédite, marquée par la pandémie. La chronique des points forts, jour après jour.

■ Jeudi 20 août

C'est le dernier soir de la convention. Parmi les intervenants qui sont succédés: Keisha Lance Bottoms, la maire d'Atlanta, Cory Booker, Pete Buttigieg, Andrew Yang et Mike Bloomberg, anciens candidats aux primaires démocrates, ou encore la sénatrice Tammy Baldwin, ainsi que le joueur de la NBA Stephen Curry et sa famille. Mais l'apothéose était le discours de Joe Biden en toute fin de la soirée. Il s'est montré clair, précis, énergique. Les commentaires sont pour l'instant essentiellement louangeurs. 

Joe Biden a dressé un sombre portrait du bilan de son rival républicain Donald Trump -sans jamais le nommer directement- en promettant que s'il remportait la présidentielle américaine le 3 novembre, «le temps des flirts avec les dictateurs» serait révolu. «Sous une présidence Biden, l'Amérique ne fermera pas les yeux si la Russie place des primes sur les têtes des soldats américains. Et ne tolérera pas une ingérence étrangère.» Dès le début de son discours, il a promis solennellement de tourner la page de la «peur» et des «divisions». «L'actuel président a drapé l'Amérique dans les ténèbres bien trop longtemps. Trop de colère, trop de crainte, trop de divisions. Ici et maintenant, je vous le promets: si vous me faites confiance et me confiez la présidence, je ferai ressortir le meilleur de nous, pas le pire. Je serai un allié de la lumière et pas des ténèbres», a ajouté le candidat démocrate. «Unis, nous pouvons vaincre cette époque sombre en Amérique.»

Il a promis une rupture nette par rapport au milliardaire républicain sur la pandémie du Covid-19. «Le président continue à nous dire que le virus va disparaître. Il continuer à espérer un miracle», a-t-il tempêté. «Je vais lui apprendre quelque chose: il n'y aura pas de miracle», a-t-il ajouté, promettant la mise en place de sa stratégie nationale contre la pandémie du Covid-19 «au premier jour» de son mandat.

Quelques heures plus tôt, Donald Trump était en Pennsylvanie. «Si vous voulez vous représenter la vie sous une présidence Biden, imaginez les ruines fumantes de Minneapolis, l’anarchie violente de Portland et les trottoirs tâchés de sang de Chicago dans toutes les villes d’Amérique», a-t-il notamment déclaré. 

■ Mercredi 19 août

Kamala Harris, la colistière de Joe Biden (lire notre article ici), et Barack Obama, étaient les plus attendus, parmi une belle brochette d'intervenants, composée notamment de Hillary Clinton, Nancy Pelosi et Elizabeth Warren. Aucun des deux n'était à Milwaukee (Wisconsin), le lieu officiel de cette convention essentiellement virtuelle. Kamala Harris, officiellement intronisée comme candidate à la vice-présidence en toute fin de soirée, s'est exprimée depuis Wilmington (Delaware), le fief de Joe Biden. Et l'intervention de Barack Obama, préenregistrée, s'est faite depuis Philadelphie. Jamais l'ancien président n'avait été aussi percutant à l'encontre de Donald Trump. 

Voici un extrait: «J'ai espéré, pour le bien de notre pays, que Donald Trump soit capable de montrer l'envie de prendre son rôle au sérieux, qu'il puisse ressentir le poids de la fonction. Mais cela n'a pas été le cas. Depuis près de quatre ans maintenant, il n'a montré aucun intérêt à faire ce travail, à trouver un terrain d'entente, à utiliser le pouvoir impressionnant de son bureau pour aider qui que ce soit d'autre que lui et ses amis, à traiter la présidence autrement que comme une autre émission de télé-réalité qu'il peut utiliser pour obtenir l'attention qu'il désire. Donald Trump n'est pas devenu professionnel parce qu'il n'en est pas capable. Et les conséquences de cet échec sont graves : 170 000 Américains sont morts, des millions d'emplois ont disparu alors que ceux qui sont au sommet de la hiérarchie en absorbent plus que jamais, nos pires impulsions se sont déchaînées, notre fière réputation dans le monde entier s'est fortement affaiblie et nos institutions démocratiques sont plus menacées que jamais.»

Donald Trump était apparemment devant son téléviseur, puisqu'il a réagi sur Twitter. 

Quelques heures plus tôt, après la diffusion d'extraits du discours de Barack Obama, il avait déjà répliqué avec force. «Quand j'entends cela et que je vois l'horreur qu'il nous a laissée, la stupidité des accords qu'il a conclus...Regardez comme il était mauvais, à quel point il fut un président inefficace.»

Dénonçant «le chaos permanent», l'«incompétence» et la «cruauté», Kamala Harris a appelé l'Amérique à vaincre Donald Trump. «Nous méritons beaucoup mieux!», a lancé, déterminée, la sénatrice de Californie. «L'absence de leadership de Donald Trump a coûté des vies» au pays, a-t-elle abondé, évoquant la pandémie de Covid-19. «Il n'y pas de vaccin pour le racisme, nous devons faire le travail.»

Notre dossier: Un road trip dans l'Amérique de Trump (avec une incursion à Wilmington)

■ Mardi 18 août

Le casting du soir: Jill Biden, Alexandria Ocasio Cortez, Bill Clinton, John Kerry ou encore le républicain Colin Powell, Secrétaire d'Etat sous George Bush, et la veuve du sénateur républicain John MCain. Ainsi que plein de captures Zoom et de gens qui tremblent en se filmant. Sally Yates a ouvert le bal. Ministre de la Justice par intérim, elle a été limogée par Donald Trump parce qu'elle s'était opposée à son décret anti-immigration. Le président l'a accusée de trahison.

Cette soirée était surtout celle de la nomination officielle de Joe Biden comme candidat démocrate à la présidence. Sans surprise, il a remporté bien plus que les 2374 votes nécessaires, malgré les centaines de voix qui se sont portées sur Bernie Sanders. Covid oblige, les délégués des 50 Etats ont fait connaître leurs votes via caméra, depuis un endroit iconique de leur Etat. Les cactus de l'Arizona, le pont Edmund Pettus de l'Alabama, les plages de Californie, les canyons du Colorado... Petit tour d'Amérique. La convention virtuelle a du bon.

«Joe Biden fera confiance à nos diplomates et à nos services de renseignement, et non aux flatteries des dictateurs et des despotes. Il remplira son devoir quand quelqu'un ose nous menacer. Il résistera à nos adversaires avec force et expérience», a notamment relevé Colin Powell, filmé devant deux drapeaux américains. 

En fin de soirée, une vidéo intimiste sur la vie de famille de Joe Biden a été diffusée. Une vie marquée par des drames. Mais le candidat a par exemple aussi rappelé qu'il a dû demander 5 fois Jill en mariage avant qu'elle dise oui. Quant à Jill Biden, son discours, dans une classe d'école vide, a été très remarqué. Le voici: 

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■ Lundi 17 août

Lundi soir, la star de la Convention nationale démocrate était Michelle Obama. L'ex First Lady a dénoncé le «manque total d'empathie» de Donald Trump, affirmant qu'il n'était «pas le bon président» pour les Etats-Unis et appelant à élire Joe Biden le 3 novembre.

«A chaque fois que nous nous tournons vers la Maison-Blanche pour une direction, ou du réconfort, ou un semblant de stabilité, ce que nous recevons à la place c'est du chaos, de la division et un manque complet et total d'empathie», a-t-elle déclaré dans un discours passionné. Elle portait un collier avec les lettres V, O, T, et E. 

Son discours était le dernier d'une soirée particulière. Avec des clips, des vidéos préenregistrées et de très rares interventions en direct, elle a manqué de spontanéité et d'originalité. Rien ne remplace un public survolté et a ferveur des dizaines de milliers de délégués qui étaient censés se déplacer à Milwaukee, dans le Wisconsin, un Etat-clé que Donald Trump avait remporté avec surprise en 2016 avec une très courte avance. Les démocrates ont fait au mieux dans ce contexte si particulier, jugeant primordial de ne prendre aucun risque sanitaire, mais l'engouement n'y était pas vraiment. «On attend que des enfants fassent irruption dans la salle et courent devant un orateur», a ironisé, sur Twitter, Julian Zelizer, professeur d'histoire à la Princeton University et analyste sur CNN. Quant à la «desperate housewife» Eva Longoria, elle a correctement animé la soirée. Mais comme elle le ferait pour un téléthon. L'actrice était-elle vraiment le bon choix?

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Grand rival de Joe Biden dans la primaire, le sénateur indépendant Bernie Sanders a aussi appelé à l'élire avec sa colistière, Kamala Harris, et est apparu plutôt assagi, devant des bûches de bois. Parmi les politiciens, personnalités et simples citoyens qui ont délivré leur message, le frère de George Floyd, tué le 25 mai sous le genou d'un policier blanc, était présent. Il y a eu d'autres moments d'émotions. Kristin Urquiza, a par exemple raconté que son père décédé à 65 ans du Covid-19, n'avait qu'une «pathologie pré-existante»: «Faire confiance à Donald Trump». «Et il l'a payé de sa vie», a-t-elle ajouté. 

Donald Trump était également dans le Wisconsin, à Oshkosh, à moins de 130 kilomètres au nord de Milwaukee. Il a multiplié les attaques contre «Sleepy Joe», qui le dépasse dans les sondages. 

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