Economie exsangue
Jovenel Moïse s'est donné un programme à son image. Il a promis d'être un président à la fois volontariste et pragmatique, en laissant entendre, comme le magnat new-yorkais de l'immobilier, que son approche d'homme d'affaires trancherait avantageusement avec les démarches de ses prédécesseurs. Surfant sur sa propre réussite, il a même précisé durant sa campagne qu'il verrait bien Haïti se convertir en exportateur de produits alimentaires biologiques.
Mais ces promesses seront difficiles à tenir. L'économie haïtienne est exsangue, avec un taux d'extrême pauvreté qui excède les 25% et une croissance rachitique faute d'investissements publics et privés. Le pays a la malchance, par ailleurs, d'être régulièrement frappé par des catastrophes naturelles de grande ampleur, tel le très meurtrier tremblement de terre de 2010 dont il ne s'est pas encore remis: les «abris temporaires» dressés à l'époque abritent encore 1,5 million de personnes. Et pour tout arranger, le pays perd ses cerveaux, ceux-là même dont aurait besoin un effort sérieux de redressement. Mais voilà: les Haïtiens sont nombreux à ne plus y croire, notamment les plus jeunes et les moins mal instruits, au point que des milliers d'entre eux fuient chaque mois leur pays.
Entraves politiques
A ces obstacles économiques s'ajoutent des entraves politiques. Dans l'hypothèse où Jovenel Moïse souhaiterait tenir quelques-unes de ses promesses, il part avec de sérieux handicaps. Son autorité restera toute relative dans un pays où la corruption est endémique et le recours aux armes fréquent. Sa légitimité populaire sera médiocre malgré l'excellent score qu'il a réalisé en novembre, le scrutin ayant connu un taux de participation catastrophique de l'ordre de 21%. Enfin, sa marge de manoeuvre sera limitée par la dette qu'il a contractée au cours de sa campagne envers quelques grosses fortunes. Ses «sponsors», qui lui ont permis par exemple d'être le seul candidat à parcourir le pays en hélicoptère, s'attendent maintenant à être remboursés... et supporteraient mal d'être déçus.